« Il n’y a pas de mémoire revendicative à Mayotte contrairement à La Réunion. Mais cette situation ne doit pas conduire à une absence de travail de mémoire avec des travaux scientifiques pour documenter la période de l’esclavage sur l’île ». Inssa de Nguizijou, archiviste au Conseil départemental, dans le cadre de son intervention « L’esclavage à Mayotte, du déni mémoriel à la réalité historique », est revenu sur la « complexité de cette période ». Selon lui, il y a un déni social sur cette période. Pourtant, le mode de vie arabo-musulman de Mayotte est directement lié à la période de l’esclavage. « La traite orientale a été une traite plus ancienne que celle de l’atlantique », explique-t-il.
La Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage mobilisée à cette occasion
La cinquantaine de personnes présentes dans la salle prennent des notes assidûment, qui sur un cahier, qui sur son ordinateur portable. Il en est de même pour l’inspectrice pédagogique régionale d’Histoire-Géographie, Loetizia Fayolle. Alors qu’une courte pause permet de faire la transition avec la prise de parole suivante, l’inspectrice revient sur la genèse de ce projet. « Ce séminaire a été conçu en partenariat avec les archives départementales et les services du rectorat », explique-t-elle. « Premier dans son genre, son objectif, poursuit-elle, est de permettre d’adapter le programme en lien avec les résonances du territoire ». Pour pouvoir enseigner l’Histoire de l’esclavage à Mayotte aux élèves, les professeurs d’Histoire-Géographie mais également de Lettres vont « pouvoir bénéficier de ressources nouvelles telles que des vidéos pédagogiques du Conseil départemental ».
Au niveau de Mayotte, le travail de mémoire de la période de l’esclavage est porté par l’institution. L’inspectrice n’exclut pas de renouveler ce séminaire au cours des prochaines années. « Il y a une nécessité constante de faire suivre l’évolution du travail de mémoire avec les avancées du travail historiographique », souligne-t-elle. Alors, pour « marquer le coup », ce premier séminaire a accueilli la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME). « Ce sont les équipes du rectorat qui nous ont sollicitées car elles savent que nous organisons des formations à destination des enseignants », fait savoir Nadia Wainstain, responsable du programme éducation à la FME.
Décliner les programmes en tenant compte des spécificités du territoire
Fondée en 2019, les missions de l’institution sont structurées autour de trois axes : l’Histoire, la culture et la citoyenneté. Ainsi ses objectifs sont multiples : faire progresser la connaissance sur les traites, les esclavages, les résistances à l’esclavage ainsi que les combats pour l’abolition, lutter contre le racisme etc. Pour y parvenir, « on réalise des conférences, on fait des propositions de ressources comme l’exposition itinérante actuellement au CDI du collège, mais aussi nous faisons la promotion des ressources locales pour parler de cette histoire aux élèves » détaille Nadia Wainstain. Ainsi, concernant l’exposition itinérante « Esclavage et abolitions : une Histoire de France », elle s’est vue compléter l’année dernière d’un panneau explicatif complémentaire propre à Mayotte. Cette exposition permet pour un temps de completer les lacunes historiques du territoire, comme le précise Inssa de Nguizijou, « celui qui s’intéresse à la période de l’esclavage à Mayotte s’oriente exclusivement vers les archives du Conseil départemental ».
Pierre Mouysset