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mercredi 5 février 2025

Micheline Jacques demande des « normes adaptées à Mayotte » dans le secteur de la construction

A l’heure ou le ministre des Outre-mer lui-même reconnaît que le retard de Mayotte et les attentes de la population ne datent pas de Chido, il serait incongru que les réponses ne collent pas à la réalité du territoire. C’est en substance ce que pointe la présidente de la Délégation Outre-mer au Sénat qui juge que les promesses d’adaptation des normes ne sont pas tenues.

Lors des débats sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte, la présidente de la Délégation Outre-mer au Sénat, également présidente de la Commission des Affaires économiques, Micheline Jacques, a appelé une nouvelle fois à une réforme structurelle dans le secteur de la construction à Mayotte, et dans les Outre-mer en général. Cette fois, elle peut s’appuyer sur le programme concret de la (re)construction de Mayotte. C’est le contexte local qui doit y inciter, indiquait-elle après sa visite du 24 au 27 janvier 2025 sur place, et en citant un exemple : « Si l’on exclut les bidonvilles, les deux-tiers des constructions ne possèdent pas d’autorisation d’urbanisme, et les trois-quarts ont un permis de construire délivrés tacitement ». On peut en déduire que parmi les bâtiments en dur, très peu ont répondu aux règles, qu’elles soient d’urbanisme ou de construction, ce qui explique que 6% seulement des propriétaires soient assurés.

On ne peut donc transposer des actions hexagonales, notait-elle, or, « une grande partie des mesures en matière d’urbanisme sont calquées sur les ordonnances visant à accélérer la reconstruction après les émeutes urbaines de juillet 2023 », en métropole. Sa Commission des Affaires économiques a donc cherché à faire des propositions au projet de loi afin « d’adapter les dispositifs ».

Il est notamment proposé « à titre dérogatoire », d’autoriser « la reconstruction à l’identique de l’ensemble des bâtiments en dur d’avant 2013 pour une mise à l’abri rapide des Mahorais ». Micheline Jacques appelle également à des mesures rapides « sur les titres de propriété pour accélérer la régularisation foncière ». Un job de la Commission de l’Urgence foncière (CUF) comme nous l’avions rappelé, qui manque de moyens humains.

Le marquage RUP « tarde à aboutir »

Le chantier du lycée des métiers du bâtiment à Longoni intègre la BTC locale

Mais le cœur du problème pour la sénatrice, touche le secteur de la construction qui doit s’ouvrir à l’adaptation des normes aux Outre-mer, un sujet de nombreuses fois abordé par sa Délégation au Sénat : « Il faut acclimater les normes au territoire en tirant partie des techniques développées par les architectes et les artisans locaux. Je regrette que le gouvernement n’ait pas donné mission à l’Établissement public d’élaborer des référentiels des matériaux de construction adaptés à Mayotte en complément du marquage RUP dont le chantier tarde à aboutir. »

La dérogation au marquage CE (Conformité européenne) pour les régions ultrapériphériques (RUP) françaises (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin) avait été validée au Parlement européen, mais doivent lui succéder des marquages locaux (marquage RUP Antilles, marquage RUP océan Indien, marquage RUP Guyane). Pour ne pas tomber dans des produits de moindre qualité, la Délégation OM du Sénat avait précisé, que « les tests de performance sous-jacents viseraient uniquement les spécificités relatives aux contextes ultramarins ».

Il s’agit de permettre à chacun de ces territoires de trouver des matériaux dans sa région, et ainsi, de diminuer la cherté de la vie dans ces territoires. A Mayotte, des ententes existent entre les majors, on nous rapportait récemment que la hausse des prix des matériaux liée à la guerre en Ukraine avait été répercutée, pas sa baisse…

Un Livre blanc riche mais non exploité

Cinq mois après sa sortie, le Livre Blanc de la construction durable en Outre-mer doit être utilisé dans la (re)construction de Mayotte

Il est également étonnant de faire l’impasse sur les Assises de la Construction Durable en Outre-mer du 23 juin 2023, associant 300 contributeurs répartis sur 11 territoires ultramarins, qui avaient débouché sur la rédaction d’un Livre Blanc. Financé pourtant avec de l’argent public puisqu’issu du programme OMBREE. Il définit 4 axes de travail et une organisation inter‑Outre‑mer pour structurer les prémices d’une filière ultramarine de la construction durable.

Le 1er axe s’intitule « Formaliser des référentiels pour les Outre‑mer », précisément ce que demande Micheline Jacques donc, le 2ème « Soutenir l’innovation et en assurer l’évaluation », le 3ème « Sensibiliser et partager la connaissance avec les professionnels ultramarins », et le dernier, « Appuyer l’accompagnement des acteurs de la filière ».

En exemple est cité la validation d’une ATEX (Appréciation technique d’Expérimentation) en 2018 de l’utilisation de la Brique de terre comprimée (BTC) à Mayotte qui a permis son émergence officielle dans les grands chantiers, dont celui du lycée des Métiers du Bâtiment à Longoni, et de créer une filière. Et dans les pistes à étudier, « l’utilisation du pin en provenance de Madagascar au lieu du pin importé d’Europe continentale, pour La Réunion et Mayotte », ou « l’utilisation du M’tseve (feuille de cocotier) à Mayotte et des feuilles de palmier en Guyane pour les couvertures ».

Des sujets dont il faut se saisir donc, invitait la sénatrice qui enchaine au sein de sa Délégation des débats qui sont autant de pistes à creuser, et celui de la vie chère évoquant un « cocktail empoisonné » pour les Outre-mer ne fut pas le moindre, avec notamment les auditions sur les formations de prix dans la grande distribution, « je compte sur le gouvernement pour faire de l’accélération de ce chantier (de (re)construction de Mayotte, ndlr) une réponse structurelle à la cherté de la vie et à la maitrise des dépenses Outre-mer ».

Anne Perzo-Lafond

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