C’est une visite qui aura été discrète, loin des cortèges ministériels qui ont défilé depuis le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier. La sénatrice Les Républicains (LR), Micheline Jacques, désignée rapporteure sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte au Sénat, était en visite sur l’archipel pendant quatre jours, jusqu’à lundi. Mercredi 22 janvier, l’Assemblée nationale a très largement adopté le projet de loi d’urgence visant à mettre en place des mesures pour la reconstruction de Mayotte à la suite des dégâts considérables causés par le cyclone.
En revenant sur le 101ème département français, après une visite en mai 2024, la sénatrice rapporteure du projet, estimait essentiel de faire participer activement les forces vives du territoire à ce texte de loi. « J’ai du mal à concevoir que l’on puisse décider d’une organisation de reconstruction pour Mayotte à Paris sans impliquer les acteurs des territoires. » Pendant quatre jours, Micheline Jacques a sillonné l’archipel, à la rencontre d’acteurs politiques, économiques, associatifs mais aussi d’agriculteurs et des membres du collectif de citoyens 2018, jusqu’à dormir chez l’habitant. Pour la rapporteure, l’important était d’avoir « accès aux « ressentis de la population », pour explique-t-elle « dénouer des freins qui peuvent paraître anodins mais qui ont toute leur importance dans la reconstruction de l’île. »
Une méthode discrète mais rigoureuse
« Les Mahorais ont vécu une situation extrêmement stressante et traumatisante et on ajoute à leur détresse, une certaine incompréhension avec ce projet de loi d’urgence. Je suis aussi venue pour expliquer au mieux ce texte, être la plus claire possible. J’ai vraiment voulu être en retrait de la presse pour être imprégnée du territoire », confie-t-elle. En effet, le texte de loi d’urgence pour Mayotte est « très technique », affirme la sénatrice, puisqu’il comporte plusieurs mesures permettant de faciliter la reconstruction des bâtiments endommagés par le cyclone. Le projet de loi d’urgence permet notamment l’intervention d’un Établissement public pour coordonner cette reconstruction, en lien avec l’Etat et les collectivités concernées. Par ailleurs, le texte donne au Gouvernement le pouvoir de déroger par ordonnance à certaines règles de droit commun applicables à Mayotte en matière de reconstruction et de construction, pour accélérer la réédification de l’île.
Un projet enrichi sur la gouvernance
Au sujet de l’Établissement public, Micheline Jacques a entendu lors de son déplacement « beaucoup de tensions et d’inquiétudes », rapporte-t-elle. Alors que le texte prévoyait une gouvernance basée sur un nombre égal de représentants de l’Etat et d’élus, la sénatrice propose qu’un maire soit désigné au sein de chaque intercommunalité de communes pour que « toute l’île de Mayotte soit représentée ». Par ailleurs, elle estime important d’y intégrer le Président de l’association des maires, Madi Madi Souf : « Je n’y avais pas pensé, cela m’a été suggéré lors de mon déplacement, d’où l’intérêt d’être venue », confie-t-elle. » Dans son amendement, la sénatrice prévoit également que le Président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni, devienne le Président du conseil d’administration de cette entité. Le général Pascal Facon interviendra en qualité de Directeur général de cet Établissement public. Par ailleurs, Micheline Jacques mentionne que le conseil d’administration de cet étalblissement « sera soutenu par le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte », puisque « toutes les décisions passeront par le CESEM », déclare-t-elle. À propos de la construction, la sénatrice a mentionné avoir intégré un nouvel organe, appelé « comité technique » composé de spécialistes de la reconstruction pour accompagner les acteurs et la population dans ces travaux.
« Tous les bâtiments en dur construits avant le 1er juin 2013 seront régularisés »
« Mais on ne fait pas de la reconstruction pour faire de la reconstruction », déclare la sénatrice. Elle souhaite accompagner les Mahorais en régularisant d’office « tous les bâtiments en dur construits avant le 1er juin 2013. » Pour toutes les autres constructions, un permis de construire sera nécessaire. Par ailleurs, l’amendement prévoit un élargissement de 20% du bâti déclaré pour « intégrer la culture mahoraise », précise la sénatrice, en mentionnant que de nombreux parents laissent leur maison construite en dur à un de leur enfant et se retrouvent ainsi souvent dans l’obligation de vivre dans un logement précaire. « Cela permettra aux parents d’avoir un logement décent plutôt que d’habiter dans un bidonville », mentionne la sénatrice.
Les préfabriqués, un sujet « crispant »
À propos de la problématique des préfabriqués, qui heurte une large part de la population, la sénatrice est formelle : « On ne pourra pas réparer en une semaine des dizaines de salles de classes dans un collège pour accueillir les élèves. » Pour « ne pas trop perturber la scolarité des élèves », Micheline Jacques souhaite conférer au maire, un pouvoir de décision sur le sujet. « Est-ce que temporairement, le maire accepte de mettre en place des structures de manière à ne pas trop perturber la scolarité des élèves ou non ? L’amendement prévoit que le maire donne son accord pour ce type de sujet et la non-réponse du maire constituera systématiquement un refus du projet. » D’après la sénatrice, au regard des dégâts laissés par le cyclone et des problématiques de chaque commune, « ce qui peut être un besoin dans une commune peut ne pas l’être dans une autre. » Pour ce faire, la rapporteure juge nécessaire de « faire au cas par cas. On ne peut pas tout rigidifier. Il faut laisser de la marge de manœuvre et de la souplesse. Le maire est le plus à même d’anticiper et d’analyser la situation de son territoire. Si on bloque tout, on met le maire en difficulté car les familles ne vont pas comprendre que les enfants ne puissent pas suivre une scolarité normale et d’un autre côté, on ne peut pas mettre les enfants dans les salles qui ont été ravagées par le cyclone. » Dans le cas où ces préfabriqués seraient déployés, ces structures sont prévues pour être valide pour une durée de deux ans, où passé ce délai, le terrain devra être remis en l’état.
Les dés sont jetés
Au moment de quitter le territoire, la sénatrice rappelle que ces amendements ne sont pas figés. Ces propositions seront prochainement présentées lors d’une réunion en commission sénatoriale, avant la production d’un rapport. Le projet de loi d’urgence sera ensuite débattu le 3 février prochain au Sénat. Micheline Jacques est confiante. « À ce stade, il n’y a pas de point de désaccord significatif », estime-t-elle, « je n’ai fait qu’aller plus loin sur certains dossiers. »
Mathilde Hangard