La deuxième journée du colloque était plus particulièrement consacrée à la solidarité régionale dans l’océan Indien et aux actions européennes. Un thème central, le cyclone Chido, survenu il y’a un an, ayant mis en lumière les fragilités structurelles de Mayotte : habitat précaire, accès à l’eau, infrastructures insuffisantes, mais aussi isolement institutionnel dans son environnement régional.
Une solidarité européenne réelle, mais limitée

« La solidarité régionale et nationale a joué un rôle fort », a rappelé la 5e vice-présidente du Département, chargée des Finances et Affaires européennes, Zamimou Ahamadi, en soulignant notamment l’appui de La Réunion, qui a préparé un hôpital de campagne. Elle a aussi insisté sur l’activation rapide des mécanismes européens, tout en pointant une réalité que les élus mahorais dénoncent depuis longtemps d’après elle : la vulnérabilité extrême des habitats précaires, mis à nu par le cyclone. Pour Thomas M’Saïdié, Chido a rappelé une évidence souvent oubliée : « Mayotte est un territoire français et européen, et les Mahorais sont des citoyens européens ». Depuis le 1er janvier 2014, l’île fait pleinement partie de l’Union européenne, ce qui a permis l’activation de dispositifs de solidarité, notamment le mécanisme européen de protection civile. « L’Europe protège et l’Europe répare », a-t-il affirmé, tout en reconnaissant que la catastrophe a été sans précédent et que la gestion de crise n’a pas été exempte de dysfonctionnements.
Mais cette solidarité européenne montre aussi ses limites. La juriste Karine Galy, maître de conférences HDR en droit public aux Antilles, a parlé d’un paradoxe géopolitique. Département français le plus pauvre, Mayotte est pourtant perçue comme un îlot de richesses par ses voisins et reste revendiquée par l’Union des Comores. Après la catastrophe, la France a traité la crise comme une affaire de politique intérieure, en privilégiant les aides nationales et européennes, au détriment des solidarités régionales. Certaines aides, notamment en provenance des Comores, ont ainsi été refusées, car jugées politiquement sensibles.
Mesurer la résilience d’un territoire meurtri
Du côté de l’Union européenne, le soutien politique a été rapide, mais l’aide financière s’est inscrite dans un temps plus long. Pour Didier Blanc, professeur de droit public, le cas de Mayotte illustre une « Europe à réaction », dont les mécanismes évoluent souvent à la suite des crises. Si le Fonds de solidarité de l’Union européenne a bien été activé en 2025, l’aide accordée reste faible pour le professeur au regard des dégâts estimés à environ 3 milliards d’euros.

Les économistes François Hermet et Idriss Fontaine, maîtres de conférences à l’université de La Réunion, ont quant à eux apporté un éclairage original sur la capacité de résilience du territoire. En se basant sur des données satellitaires en mesurant l’intensité lumineuse, ils ont observé une baisse d’environ 37 % de la lumière à Mayotte après le cyclone, contre seulement 7 % à La Réunion après le cyclone Garance. Un indicateur révélateur, selon eux, d’un retour à la normale beaucoup plus lent sur l’île, et donc d’une vulnérabilité plus forte. Cette vulnérabilité s’explique aussi par des facteurs sociaux et économiques. « Même avec une population préparée, quand on vit dans un bidonville ou dans un habitat non adapté, on subit le cyclone de plein fouet », a rappelé François Hermet. D’où l’importance, selon lui, de lier préparation aux risques climatiques et développement économique et social.
Transmettre la mémoire du risque
Pour Anchya Bamana, députée de Mayotte, ce colloque répond à un besoin essentiel qui est celui de la mémoire du risque. « Ces événements marquent nos vies, s’ils ne sont pas tracés, on ne peut pas en tirer de leçons », a-t-elle déclaré. La députée a également plaidé pour une meilleure intégration de Mayotte dans les instances régionales de l’océan Indien, malgré le contentieux diplomatique persistant avec les Comores.

Une idée que partage également Thomas M’Saïdié, mais sous une autre forme. Là où les élus évoquent la nécessité de garder une mémoire du risque, le coordinateur scientifique du colloque défend la production d’un ouvrage collectif, coécrit par l’ensemble des intervenants. Pensé comme un outil à destination des élus, des institutions et des acteurs locaux, ce travail vise à capitaliser sur l’expérience du cyclone Chido et à mieux préparer le territoire aux futures catastrophes climatiques. Au cœur de cette démarche, l’objectif d’instaurer une véritable culture du risque à Mayotte a été remis sur la table à maintes reprises. « Il ne s’agit pas seulement de réparer, mais de comprendre les risques auxquels le territoire est exposé pour avoir les bons réflexes quand la catastrophe survient », a rappelé le maître de conférences en droit public. Une culture encore fragile sur l’île, mais jugée indispensable à l’heure où les événements climatiques extrêmes tendent à se multiplier.
Shanyce MATHIAS ALI.


