L’économie mahoraise se joue à deux vitesses. La majorité des entreprises sont minuscules et sans salariés, mais quelques-unes (ni trop petites, ni trop grandes) génèrent la moitié de la valeur ajoutée de l’île. En 2023, le secteur formel non agricole et non financier a crée 1 milliard d’euros de richesse, avec des records dans la construction, le commerce de gros et l’information‑communication. Même si les marges s’effritent légèrement, la croissance reste solide.
Petites entreprises en nombre mais quelques poids lourds

À Mayotte, le paysage économique est constellé de 5.170 unités légales marchandes formelles (hors agriculture et finance). Chacune est une entité juridique distincte, mais toutes ensemble, elles génèrent 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un milliard d’euros de valeur ajoutée, tout en investissant 450 millions d’euros.
Pourtant, 63 % de ces structures n’emploient aucun salarié. Pas de quoi nourrir la masse salariale de l’île, ni de combler le chômage des jeunes, donc. Mais ce sont les unités de 10 à 249 salariés qui font réellement tourner la machine : elles représentent six salariés sur dix, réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée, et absorbent 64 % de l’investissement total.
Trois secteurs se détachent : la construction, le commerce de détail hors véhicules et l’industrie (énergie, agroalimentaire, manufacturier). Ensemble, ils produisent la moitié de la valeur ajoutée du secteur formel. Côté juridique, 4. 870 unités (94 %) sont indépendantes et créent un peu plus de la moitié de la richesse, tandis que les 300 autres, intégrées à des groupes locaux ou métropolitains, génèrent l’autre moitié.
Une croissance solide, mais des marges en léger recul

Entre 2022 et 2023, le chiffre d’affaires des unités légales marchandes non agricoles et non financières grimpe de 11 % et la valeur ajoutée de 10 %, confirmant la dynamique observée l’an dernier. La construction tire le plus fort bénéfice (+33 %), suivie du commerce de gros (+23 %) et de l’information‑communication (+21 %). À l’inverse, les transports et l’entreposage reculent légèrement (-5 %).
Le taux de marge moyen des entreprises employeuses atteint 37 %, mais cache de grandes disparités : 23 % pour les services aux entreprises, 62 % pour les activités immobilières. En pratique, un taux de marge élevé ne signifie pas toujours une rentabilité économique spectaculaire, surtout dans les secteurs à forte intensité de capital. Les salaires et cotisations sociales absorbent 60 % de la valeur ajoutée, tandis que les impôts ne pèsent que 0,3 %. L’excédent brut d’exploitation, la part de richesse conservée pour rémunérer le capital et investir, culmine à près de 40 %.
Tendances et perspectives : où va l’économie mahoraise ?
Ainsi, si 2023 confirme la vitalité du secteur formel, tous les secteurs ne progressent pas à la même vitesse. La construction reste le moteur de l’économie locale, tandis que le commerce de gros et l’information‑communication affichent également une forte dynamique. En revanche, certains secteurs comme les transports et l’entreposage connaissent des reculs ponctuels, rappelant que l’île n’évolue pas sur un rythme uniforme.
La baisse générale des marges, même légère, invite à la prudence. Certaines filières, notamment les services aux particuliers ou le transport, voient leur rendement net diminuer, alors que la construction et l’information‑communication parviennent à maintenir ou augmenter leur marge. Cette divergence souligne que la croissance n’est pas synonyme de rentabilité homogène et que chaque secteur doit gérer ses spécificités pour rester compétitif.
L’économie mahoraise reste ainsi une mosaïque contrastée : un tissu dense d’entreprises très petites, souvent sans salarié, coexiste avec des structures intermédiaires capables de porter l’emploi et de générer la majorité de la valeur ajoutée. Ces « poids moyens » constituent le véritable moteur de l’île, et leur capacité à investir, innover et absorber la main-d’œuvre sera déterminante pour les années à venir. La trajectoire économique de Mayotte dépendra donc autant de leur résilience que de l’environnement global, entre marges fluctuantes et contraintes propres à une île en développement.
Mathilde Hangard


