Le durcissement de l’accès à la nationalité à Mayotte est conforme, selon le Conseil constitutionnel

La décision rendue ce mercredi 7 mai par le Conseil constitutionnel devrait faire date. Non pas parce qu’elle autorise une dérogation dans l’accès à la nationalité à Mayotte qui avait été autorisée par les Sages en 2018, mais par sa formulation. Seul l’obligation du passeport biométrique est écartée de fait.

Tel qu’adoptée par le Parlement le mois dernier, la disposition permettant à un enfant né à Mayotte d’accéder la nationalité française imposait à ses deux parents, et non plus un seul comme auparavant, d’avoir résidé de manière régulière sur le territoire pendant un an, et non plus trois mois.

Une soixantaine de députés et sénateurs, essentiellement LFI et PS, avait saisi le conseil constitutionnel, estimant que ces dispositions porteraient atteinte à un principe fondamental selon lequel toute personne née sur le territoire français a le droit d’accéder à la nationalité française, ainsi qu’une rupture d’égalité entre les enfants nés à Mayotte et ceux qui naissent sur le territoire national. Un argument qui a du mal à tenir étant donné la validation de ces mêmes dérogations par le conseil constitutionnel en 2018.

Mentionnant dans son avis, qu’on constate à Mayotte, « une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé d’enfants nés de parents étrangers », le Conseil constitutionnel se base sur les adaptations que permet l’article 73 de la constitution pour les collectivités qui en dépendent comme Mayotte, pour indiquer que les nouvelles mesures sont des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre une adaptation.

Des mesures liées au service militaire obligatoire

Mayotte, proposition de loi, droit du sol, assemblée nationale,
Philippe Gosselin, député de la Droite républicaine (DR), rapporteur de la proposition de loi de réforme du droit du sol à Mayotte

Seule réserve, l’obligation de détenir un passeport biométrique pour le parent qui demande l’apposition de la mention de résidence en situation régulière. Alors qu’il s’agit de « résidents de pays ne délivrant pas de passeport biométrique. Un élément qui aurait pu faire tomber l’article unique. Mais le conseil constitutionnel considère qu’il ne fait pas obstacle à « la production par l’intéressé d’un autre document d’identité. »

Au cœur de l’argumentaire, le point 9 est particulièrement intéressant. Les Sages y expliquent que les conditions d’accès à la nationalité décidées en 1889 et 1927, étaient intrinsèquement liées au contexte militaire : « Si la loi du 26 juin 1889 puis celle du 10 août 1927 ont institué des règles selon lesquelles est française à sa majorité sous certaines conditions de résidence toute personne née en France d’un étranger, de telles règles ont été adoptées, à l’époque, pour répondre notamment aux exigences de la conscription. » En déduisant qu’il ne s’agit donc pas d’un principe immuable : « Ainsi, ces lois ne sauraient avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel toute personne née sur le territoire français a le droit d’accéder à la nationalité française sans restriction. » L’argument des plaignants est donc écarté.

Une ouverture vers des débats sur l’adaptation de ce durcissement sur le territoire national ? Ou sur des échanges sur le droit du sol ? A suivre.

Ce n’est pas la principale demande de la population de Mayotte qui attend la levée du titre de séjour territorialisé, exception française qui empêche son détenteur de quitter le territoire. Mais sur ce sujet, parlementaires et ministres sont encore plus divisés…

Consulter la décision du Conseil constitutionnel ICI.

Anne Perzo-Lafond

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