Camion miniature sirène hurlante en main, beaucoup de jeunes enfants rêvent d’être pompier quand ils seront grands, ils ne savent pas encore qu’ils pourront choisir des spécialités. Celle du GRIMP (Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieux Périlleux) avait un sigle tout trouvé, car descendre et grimper, c’est le cœur de métier de ces pompiers professionnels qui y sont affectés. On parle désormais du SMPM (Secours en Milieux Périlleux et Montagne).
Et de la montagne, ils en ont l’équipement et le vocabulaire. « Tu as pris ton baudrier ? », « Mets un demi-cabestan sur la reprise de charge », etc. La vingtaine de pompiers du SDIS976 qui ont intégré ce groupe ont reçu une formation, validée au Centre National de formation SMPM de Florac (Lozère). « C’est un ancien directeur de cette école, muté à Mayotte, qui l’a mise en place. Elle nous permet d’être autonome dans nos opérations », explique le sergent Moussa Abdou, un des deux chefs de l’unité de Mayotte.
Chute aux Monts Choungui ou Benara, prise en charge de blessés arrivés par kwassa et déposés au bas d’une falaise, ils ont déjà mené plus d’une dizaine d’opérations depuis le début de l’année. « Nous sommes allés chercher quelqu’un cette année en haut du Choungui avec le matériel, et nous avons pris la personne en charge en la descendant sur un brancard ». C’est cet exercice de secours en paroi qui était mené ce mardi matin sur une des falaises de l’île, pointe de Koungou, de plus de 30 mètres « nous nous entrainons tous les mardis sur plusieurs zones de l’île ».
Là Moussa Abdou supervise, « j’ai toute confiance en mes hommes, mais comme dit l’adage, la confiance n’exclut pas le contrôle ! ».
« Bien sûr qu’il faut avoir peur ! »
Dès 8h30, chacun s’active autour des nombreux bouts (cordes) de couleur, à commencer par la sécurisation du site en prenant appui sur la végétation alentour la plus solide, puis la fixation du triangle supportant le treuil arrimé sur plusieurs points , notamment le véhicule, « en ayant enclenché la 1ère », avec de nombreux allers-retours entre les poulies.
Le premier à se basculer au-dessus du vide pour tester l’ensemble, c’est le caporal Dhoul, « je me mets en tension hein ! Le haubanage, c’est bon ? ». Il s’avance, sans appréhension ni vertige ? « Bien sûr que si, il faut avoir peur !, lâche-t-il, car forcément, on va chercher à se mettre en sécurité ».
La suite, c’est en image, tous sont très concentrés. « Oui, chef, compris chef ! », répondent-ils au sergent Moussa Abdou, qui les interroge périodiquement, « là, qu’est ce que vous avez fait ? », pour provoquer à tout moment une analyse de la situation. C’est l’occasion de s’apercevoir que deux bouts se croisent, risquant un frottement et donc un frein, lors de l’exercice. L’œil du « chef » est aguerri, qui demande de refaire l’arrimage de la civière, « prends un bout plus court pour ta queue de rat », devant l’air dubitatif de son interlocuteur, peu enclin à refaire tout l’ensemble, il répètera calmement, « prends un bout plus court ».
« Je suis trop petit ! »
Celui qui jouera le rôle du blessé, Abass, descend en sécurité en bas de la falaise. Il faut maintenant envoyer le brancard, accompagné d’un autre Moussa qui devra se charger de remonter celui qui fait office de blessé.
Nous sommes deux journalistes sur place, invitées à contourner par la plage, accompagnées du sergent, pour assister à l’arrimage du brancard et à sa remontée. Compliqué pour Moussa de se positionner au bon niveau en s’élevant avec le brancard, car son rôle est à la fois de rassurer le blessé, mais aussi d’éloigner le brancard de la paroi avec ses pieds. Pas évident, « je suis trop petit ! », lance-t-il moitié plaisantant, moitié en tentant de prendre appui sur la paroi, « c’est pas moi qui t’ai fait ! », plaisante le sergent Abdou. Blessé comme secouriste sont remontés lentement le long de la paroi peu rectiligne, qui met les jambes du secouriste à rude épreuve, « j’ai du mal à éloigner le brancard ». « Au lieu d’exercer des poussées, fais comme si tu marchais », recommande le chef. Ceux qui sont suspendus parlent popote, « c’est la première fois que je fais ça », lâche Moussa, « moi aussi, la première fois », répond le pseudo-blessé allongé sur sa civière. On se rassure comme on peut !
Retour en haut de la falaise, avec deux agents qui moulinent sur un winch doté de deux manivelles. Le brancard fait surface, « ça va, je me suis senti en sécurité ! », lâche le cobaye.
Pour Moussa, le plus dur « ça a été de rester en rappel, c’était difficile de trouver l’équilibre le long de la paroi ».
Nous les laissons ranger le matériel après plus de deux heures d’exercice, et entamer le débriefing.
Anne Perzo-Lafond