Quand Catherine Vannier avait été nommée présidente du Tribunal judiciaire (TJ) de Mamoudzou le 1er août 2022, elle arrivait de Saint-Gaudens où elle occupait déjà la même fonction au tribunal judiciaire. C’est assez rare pour le souligner, puisqu’habituellement, Mayotte sert d’ascenseur social pour les nouveaux venus qui occupaient généralement des postes de moindre importance, et ils sont promus à leur arrivée ici, ce qui peut s’expliquer par la petite taille du département. C’est donc habituellement l’inverse qui se produit. Mais certains viennent de façon désintéressée, et peut-être Catherine Vannier était-elle motivée par l’immersion dans les fonds sous-marins, puisque passionnée de plongée.
Habituellement, les fonctionnaires qui n’ont pas démérité, ne crachent pas sur une promotion lors de leur départ de Mayotte. Ils peuvent alors évoluer vers le même poste mais sur des territoires ou des juridictions de plus grandes importances.
Ce ne sera pas le cas pour la présidente du Tribunal judiciaire de Mamoudzou puisque depuis ce 2 mai 2024, elle est nommée par le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) première vice-présidente du Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, et non présidente. De plus elle va dépendre de la Cour d’appel de Saint-Denis, cette juridiction supérieure où elle avait déjà travaillé en tant que vice-présidente en 2018.
Une position sanctionnée lors de Wuambushu
La juge Vannier aura effectué moins de deux ans à Mayotte, au cours desquels elle laissait quelques plumes lors de la tempête Wuambushu. Lors de cette opération du ministre de l’Intérieur dont un des axes portait sur la démolition d’habitat insalubre, elle avait été saisie par une partie des occupants des cases en tôle pour suspendre l’opération de Talus 2. Le tribunal administratif, qui examine habituellement les litiges des citoyens contre l’Etat, avait déjà prononcé cette suspension, le temps pour la préfecture de présenter des offres de relogement aux personnes qui allaient se retrouver sans toit.
La juge Vannier pensait utiliser un biais que lui permet le droit, la « voie de fait* », et suspendait la démolition au nez et à la barbe de la préfecture et des caméras et micro de médias nationaux venus faire leur emplette d’images à sensation. Mais fiasco en appel, qui annulait la suspension de la démolition, le président de la Chambre détachée estimant que cette « voie de fait » n’était pas concrétisée, que les droits de la défense n’avaient pas été respectés et jugeait le TJ « incompétent » pour prendre cette décision. Et pour en remettre une couche, le média Europe 1 rappelait que Catherine Vannier avait été vice-présidente du syndicat de la magistrature, syndicat dont la section locale s’était ouvertement élevée contre l’opération Wuambushu, estimant que les juges ne devaient pas être « la caution utile du gouvernement ».
Plusieurs voix avaient fait part de leur incompréhension que la juge n’ait pas passé la main sur ce dossier, questionnant la déontologie.
Pour l’instant, aucun successeur n’aurait été désigné.
Pour citer un des illustres prédécesseurs de la juge à la tête du tribunal judiciaire de Mamoudzou, Laurent Sabatier, qui avait quitté Mayotte après plus de 4 ans d’exercice pour prendre la présidence du Tribunal judiciaire de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), puis devenir Premier président de la cour d’appel de Fort-de-France, en Martinique, « la justice est une des rares vertus érigée en institution ».
Anne Perzo-Lafond