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Bouyouni, de la piste rurale à la piste d’aéroport

C'est décidé, la portion Dzoumogne-Soulou est désormais privilégiée par la DGAC pour la construction d'une piste longue. En accélérant l’enfoncement de l’Est de Mayotte précisément où est sise l’actuelle piste d’aéroport, le volcan a eu raison de son allongement. De plus, il aurait fallu fermer le trafic aéroportuaire pendant plus d’un an.

Comme cela avait été annoncé au sénateur Saïd Omar Oili qui avait interrogé le ministre des Transports sur l’avancée du projet de rallongement de la piste d’aéroport de Pamandzi, une réunion se tenait ce mardi 7 mai au ministère des Transports, présidée par Patrice Vergriete lui-même, en présence de la ministre déléguée aux Outre-mer et des représentants de la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile). Dont Christophe Masson qui y est délégué de la direction du transport aérien chargé de la piste longue.

Étaient présentés les résultats des études techniques avec les orientations préconisées. On se souvient qu’en raison des pressions environnementales, tous les scénarios devaient être étudiés, et si nous avions révélé en septembre 2022 celui de l’implantation possible de la piste dans le Nord de Grande Terre, du côté de Bouyouni, la DGAC avançait plutôt une couverture juridique, histoire de démontrer que tout avait été étudié.

Mais la formation du volcan dont la chambre magmatique est proche de Petite Terre, provoquait un séisme et pas seulement en ondes souterraines. Elle commençait à faire réfléchir sur l’opportunité de conserver Petite Terre comme objectif. A un tel point que, ce mardi, l’option Bouyouni était définitivement cochée.

Plus de 2m d’eau en plus d’ici 100 ans

Patrice Vergriete
La rencontre était présidée par Patrice Vergriete, ministre des Transports (©Ministère des Transports)

Christophe Masson, dont il faut souligner la transparence tout au long de ces études, revient sur la rencontre de ce jour et les logiques qui ont amené à cette décision. « Tout d’abord, ce que montrent nos recherches, c’est que les contraintes actuelles de la piste de Pamandzi imposent d’évoluer vers un modèle pérenne. La longueur insuffisante de la piste impose des liaisons indirectes aux compagnies qui doivent en plus proposer des formations spécifiques à leurs pilotes et elle prive du potentiel de développement du nombre de passager. D’un autre côté, le phénomène sismo-volcanique a accéléré l’enfoncement de l’île, particulièrement à l’Est de Mayotte, et désormais, on voit de l’eau sur la piste lors des forts coefficients de marée. Et ce phénomène va empirer puisque le niveau de l’eau devrait monter de 2,28 m d’ici 100 ans. Une certitude donc, le statu quo n’est plus possible, il faut prendre une décision. » En clair, même la piste actuelle ne pourra plus être exploitée d’ici 100 ans, pire, elle ne serait plus exploitable dès 2035.

Le scénario envisagé de rehausse de la piste actuelle de 5 mètres, en plus des 2,70 m au-dessus du niveau de la mer actuels, a été abordé. Il nécessite entre 2 à 3 millions de m3 de matériaux, dont l’approvisionnement n’est pas sécurisé. « Et pour réaliser ces travaux, il faudrait interrompre l’exploitation de l’aéroport pendant un an et demi. »

Risque d’effondrement

Le scénario d’une piste convergente à l’actuelle avait été longtemps retenu

La construction d’une piste convergente avait été envisagée, mais là encore, le volcan se rappelle à nous, « le risque de vidange de la chambre magmatique est élevé, et c’est à 10 km que se trouve la zone en Fer à cheval où se concentrent les séismes. Le risque de construction d’une piste à cet endroit est important. » Pour mémoire, une mission de sécurité civile était venue à Mayotte lors de la crise volcan et avait révélé qu’un effondrement sous-marin consécutif à la vidange de la chambre magmatique n’était pas exclu, notamment sur son incidence d’un possible tsunami.  Il faut donc évaluer le risque d’investir 1,1 milliard d’euros dans ce chantier, « et pour une infrastructure qui pourrait ne pas résister ».

Pour trouver une « solution de précaution », les regards se sont donc tournés vers le Nord de l’île. « Nous avions lancé cette étude en septembre 2022 pour l’intégrer dans l’étude d’impact, et en fin de course, c’est cette solution qui est retenue. » La zone où se dessinerait la nouvelle piste aéroportuaire suit la Route départementale 2, entre Dzoumogné et le carrefour de Soulou. « Les études environnementales démontrent que ce site présente l’avantage de s’exonérer des risques naturels. »

Connue jusqu’à présent pour sa piste agricole qui la reliait à Combani, Bouyouni, village de la commune de Bandraboua, se retrouve placée au centre des préoccupations foncières.

Une nouvelle difficile à encaisser pour le sénateur Saïd Omar Oili qui veut encore y croire

Désormais, c’est donc à un projet de plus grande ampleur que s’attaque l’Etat. « Il va falloir réfléchir à l’aménagement du territoire avec les élus locaux, il faut un engagement total dans le projet. »

C’est d’un air abattu que le sénateur Omar Oili, ancien maire de Dzaoudzi Labattoir (Petite terre), faisait part, en shimaore, de cette décision sur sa page Facebook. S’il se dit conscient des embûches, il a du mal à se ranger à ce déracinement de l’aéroport, « en métropole et dans les Outre-mer aussi il y a une montée des eaux, je me battrai pour la piste en convergente en Petite Terre. » Il faut dire que des investissements avaient été envisagés dans cette optique par l’intercommunalité. Et un pôle aérien est en construction. On peut imaginer que l’aéroport pourrait offrir dans une dizaine d’années, une piste secondaire pour les liaisons régionales.

Travaux en cours de l’extension de l’aérogare Martial Henry

De l’aveu de Christophe Masson, « ça aurait arrangé tout le monde que la piste reste à Pamandzi, malheureusement, le risque est trop élevé ».

Anne Perzo-Lafond

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