Alors que depuis plusieurs semaines, les maternités de Mramadoudou et de Dzoumogné sont fermées, faute d’effectifs suffisants de sages-femmes, vendredi 19 avril, une patiente s’est rendue au Centre médical de référence (CMR) de Mramadoudou pour accoucher et le nouveau-né est décédé dans l’ambulance qui la conduisait à Mamoudzou.
Cette situation a conduit les équipes du CMR de Mramadoudou a usé de leur droit de retrait, qui ont déclaré ne pas pouvoir faire le boulot des sages-femmes qui ne sont pas présentes : « Je peux soigner mais je ne peux pas suivre des grossesses, ce n’est pas mon métier » a déclaré une infirmière du CMR du Sud.
Face à cette situation, une réunion entre la direction du CHM et les équipes du CMR du Sud, s’est tenue mardi matin, mettant en exergue deux problématiques : un manque crucial de sages-femmes lié à une crise nationale et des grossesses trop peu suivies.
Des grossesses pas suivies
Le directeur du CHM, Jean-Mathieu Defour s’est exprimé sur ces sujets : « Au-delà des difficultés liées à la fermeture de la maternité, nous avons de gros problème structurels à Mayotte car les femmes enceintes ne font pas suivre leur grossesse. »
Cette situation entraîne des difficultés pour prendre en charge dans l’urgence ces parturientes : « Elles viennent à l’hôpital ou appellent au dernier moment les secours » a confié le directeur de l’hôpital. Le non-suivi d’une grossesse expose la parturiente et son futur enfant à 30% de risques de développer des complications.
Face au décès de ce nouveau-né, la direction du CHM a déclaré que même si la maternité de Mramadoudou avait été ouverte, « le bébé serait malheureusement décédé », puisque « la patiente n’avait jamais fait suivre sa grossesse (…) elle avait déjà eu plusieurs grossesses compliquées » et elle s’était « manifestée trop tardivement » alors qu’elle était déjà en train d’accoucher.
Il y a quelques semaines, bien qu’il n’était pas possible d’accoucher à Mramadoudou, comme à Dzoumogné, faute de sages-femmes, certaines consultations et la prise en charge des suites de couches étaient encore réalisées. Actuellement, en raison « d’autres départs de sages-femmes », c’est bien l’ensemble de la maternité et des consultations gynécologiques qui sont fermées à Mramadoudou et à Dzoumogné.
Malgré les renforts en sages-femmes venus dans le cadre de la Réserve sanitaire, la direction du CHM a été contrainte de « recentrer les accouchements sur les trois maternités principales de l’île« , qui sont celles de Kahani, Mamoudzou et de Petite-terre.
80 POSTES de sages-femmes POURVUS sur 180
À ce sujet, Jean-Mathieu Defour dresse un constat saisissant : « Actuellement, 80 postes de sages-femmes sont pourvus au CHM sur les 180 postes nécessaires pour répondre aux besoins. » Le directeur de l’hôpital mentionne qu’au plus fort des autres crises vécues précédemment, le CHM avait pu compter sur un effectif de « 140 sages-femmes » mais « la crise nationale en France au sujet du manque de sages-femmes » concerne aussi Mayotte.
Dans ce contexte, le CHM souhaite déployer une communication « à double entrées », en expliquant à la population de « ne pas se rendre à Mramadoudou, ni à Dzougmogné pour accoucher » et d’inviter les parturientes à « faire suivre leur grossesse et à accoucher à Kahani, Mamoudzou et Petite-terre« .
Le directeur de l’ARS, Olivier Brahic, a confié qu’il serait « dangereux » de réouvrir les maternités du nord et du sud de l’île, sans effectif de sages-femmes, et a recommandé aux parturientes de « ne pas attendre le dernier moment pour contacter les secours ou se rendre à l’hôpital pour accoucher. »
Cet épisode dramatique est le deuxième survenu en l’espace de quelques semaines.
Mathilde Hangard