Les choses semblent à nouveau rentrer dans l’ordre petit à petit, la scolarité des jeunes Mahorais et Mahoraises reprend. Le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, et le recteur, Jacques Mikulovic, se sont rendus hier matin au collège Frédéric D’Achery de Koungou à la rencontre de la communauté éducative et des élèves. Les vacances de Carnaval étant terminées, élèves et professeurs ont pu retrouver leurs salles de cours. Toutefois les heures perdues ces deux derniers mois vont être difficiles, voire impossible à rattraper au grand dam des équipes pédagogiques, mais aussi des parents d’élèves, et ce en dépit de mesures spécifiques qui vont être mises en place par les établissements scolaires et le rectorat.
Ce sera du cas par cas concède Jacques Mikulovic : « Le temps perdu ne se rattrape pas, malheureusement, avoue-t-il. Nous allons renforcer la continuité pédagogique et discuter des modalités avec les équipes d’enseignants. Sur K2, ils vont proposer d’ouvrir le samedi matin afin d’assurer des cours prioritairement pour les classes de 3e, et les prépa secondes. Sur K1, ils vont essayer de reprendre sur les heures disponibles des élèves et de généraliser les devoirs. En outre, des cours sont encore diffusés sur Mayotte La 1ère… », poursuit le recteur, tout en reconnaissant que cela reste laborieux, « On va faire au mieux », assure-t-il.
Car en effet de nombreux parents sont inquiets concernant l’apprentissage de leurs enfants, notamment en ce qui concerne les savoirs fondamentaux que sont parler, lire, écrire, compter. A l’image de cette mère, parent d’une élève de CP à Koungou, pour qui cette situation est un réel problème. « Avant les vacances de Noël, ma fille qui est en CP n’avait classe qu’un jour par semaine car l’école n’avait pas encore de cuve d’eau, et depuis janvier, l’école a été ouverte seulement une semaine. L’école était fermée pendant ces vacances-là de Carnaval. Elle est retournée à l’école ce lundi seulement. J’ai demandé à son frère qui est au collège de la faire travailler pendant les vacances, mais c’était compliqué. Elle n’a pas encore appris à lire ! », déplore-t-elle.
Inquiétude que comprend parfaitement le recteur qui encourage, par ailleurs, les familles à s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants. « Les parents ont raison d’être inquiets… Nous sommes malheureusement des victimes collatérales de ces perturbations. C’est pourquoi l’éducation doit aussi se faire avec les familles… C’est une période difficile mais on fera au mieux », insiste-t-il.
Les étudiants de l’université de Mayotte découragés
Il n’y a pas que les élèves du primaire et du secondaire qui ont été fortement impactés par les blocages. Les étudiants de l’université de Mayotte, pour une bonne part, s’interrogent sur leur avenir et sur leur devenir en ce qui concerne la poursuite de leurs études dans l’île. « Pendant le blocage nous avions tous nos cours en distantiel, de 7h à 17h, pour l’ensemble des étudiants du campus, raconte Djasmine Said, présidente de l’association l’Union des étudiants de Mayotte et étudiante en 2e année de droit. Cependant, tous n’ont pas forcément pu les suivre car il fallait avoir une connexion internet et un ordinateur. Or on sait que beaucoup d’entre eux ne disposaient pas de ces équipements chez eux. De plus, rester autant de temps devant un ordinateur ce n’est pas ce qu’il y a de mieux… Aussi beaucoup n’ont donc pas pu suivre les cours en temps voulu, aucune solution n’a été proposée, et il va bien falloir qu’ils les rattrapent ».
Le début de l’année c’est également la période des stages, notamment pour les étudiants de 3e année de licence, mais c’est aussi le moment de remplir des dossiers pour postuler en master. « Les étudiants n’ont pas pu faire leur stage à cause des barrages sur les routes, l’administration de l’université de Mayotte avait mis en place un système de tutorat avec des professeurs afin qu’ils puissent faire un stage auprès d’eux pour compenser… De plus, une déconvenue supplémentaire a concerné l’attente des résultats de nos notes que nous aurions dû avoir début janvier afin d’avoir le temps de remplir nos dossiers pour postuler en master, or nous ne les avons eus que début février ! Les étudiants ont donc eu très peu de temps avant que les inscriptions ne soient clôturées. Heureusement, ils ont quand même pu candidater mais c’était juste », relève la présidente de l’Union des étudiants de Mayotte.
Autre problème que pointe du doigt l’étudiante en 2e année de droit et que la crise des barrages a accentué, c’est l’insécurité. « Bien avant les barrages, au moins un mois avant, on ne pouvait pas accéder à l’université à cause de l’insécurité qui régnait à Dembéni… Ce sont donc deux mois de cours que nous avons perdus en cumulée depuis le début de l’année, ce qui est très handicapant ». Aussi, comme beaucoup de ses camarades, Djasmine est découragée. « Je ne suis pas sûre de continuer mes études à Mayotte, les conditions ne sont pas favorables, entre l’insécurité et les blocages, c’est décourageant. Les étudiants se font régulièrement agresser, même si l’administration de l’université fait venir des forces de l’ordre quand cela arrive. J’aimerais poursuivre mes études en métropole », indique la jeune fille.
En attendant, pour Djasmine et ses camarades, il faudra quand même passer les partiels qui auront lieu aux mois de mai/juin prochains dans l’espoir de jours meilleurs. « Je vais devoir redoubler d’efforts pour valider mon année », soupire-t-elle.
B.J.