L’ancienne maire de Sada et présidente du mouvement « Maore solidaire » prend la plume pour donner son analyse de la crise qui secoue le territoire.
« L’actualité de ce week-end amène à écrire cette tribune et à partager nos réflexions à l’ensemble de la population de Mayotte. Dans le communiqué préfectoral du 25/01/2024 demandant la levée des barrages, il est écrit « Les engagements sont ainsi tenus, dans le cadre de la législation française, pleinement applicable depuis la départementalisation ».
Nous disons « chiche » Monsieur le représentant du gouvernement. Les Mahorais ne cessent de demander cela depuis 2011, que la législation française soit pleinement appliquée sur ce territoire français, au même titre que tous les concitoyens français de France et de Navarre.
Depuis 2011, 13 ans après la création du département, les Gouvernements successifs ont enchaîné les plans et rapports en sa faveur. Il s’agit des plans « Mayotte 2025 Une Ambition pour la République de 2015, Plan sécurité Mayotte de 2016, Assises de l’Outre-mer de 2017, Plan Action de l’Etat pour votre quotidien de 2018 ». Malgré tous ces plan et réflexions, le territoire de Mayotte continue de sombrer dans l’insécurité, la délinquance, l’immigration illégale, la cherté de la vie et surtout le sous-développement. Et nombreuses sont les crises sociales qui ont frappé Mayotte depuis 2011 : cherté de la vie en 2011, crise de l’eau en 2017, crise contre l’insécurité et l’immigration clandestine en 2018, crise de l’eau en 2023, crise contre l’insécurité et l’immigration clandestine que nous vivons actuellement…
Pour cause, les rapports de la Cour des Comptes se suivent et se ressemblent (2016, puis 2022), formulent les mêmes constats en pointant les défaillances de l’Etat face à ses missions de sécurité et de lutte contre l’invasion migratoire illégale. Selon ces rapports : « Les actions ne sont pas suivies dans le temps…et les apports aux besoins du territoire et de la population mahoraise ne sont pas évalués », montant ainsi le manque réel de volonté politique de notre Etat de protéger ce territoire.
Le désordre ambiant du territoire coïncide avec la prochaine réflexion demandée par le Chef de l’Etat aux élus des territoires d’outre-mer sur leur avenir institutionnel. Est-ce un hasard ? La question mérite d’être posée face à notre président qui pense que les mahorais ne seraient peut-être pas heureux avec le statut de département… ou encore à notre préfet qui trouve l’idée du maire de Mamoudzou intéressante, à savoir réfléchir sur un éventuel statut d’autonomie.
Sur ce sujet « extrêmement brûlant » pour les mahorais, rappelons que Mayotte a déjà bénéficié d’un statut d’autonomie interne (à partir de 1961). Durant cette période, tous les moyens financiers de l’autonomie interne ont été mobilisé par les autorité comoriennes pour développer leurs îles au détriment de Mayotte abandonnée. Il est donc aisément compréhensible que depuis, les mahorais ont choisi d’ancrer leur destin politique dans la France à travers un statut de département.
La question qui se pose aujourd’hui pour Mayotte Monsieur le représentant du gouvernement, c’est de doter du territoire des moyens nécessaires de la Région pour assurer son développement ; c’est d’assurer la sécurité des mahorais ; c’est de faire bénéficier de Mayotte de la solidarité nationale pour absorber les mineurs isolés qui meurent de faim dans les rues et bidonvilles de Mayotte ; c’est de permettre aux migrants titulaires du visa délivrés à Mayotte de circuler sur le territoire national ; c’est de poster un bâtiment de la marine nationale pour empêcher l’arrivée des migrants illégaux sur l’île…ET NON PAS DE CHANGER DE STATUT !
Le élus de Mayotte doivent veiller à ce que ces mesures soient retenues dans cette future Loi Mayotte dont les décisions finales resteront sous leurs responsabilités.
Enfin, un message aux mahorais de se remémorer notre histoire ! «Tout au long du combat pour Mayotte française, des périodes d’incertitude ont existé. Quand la gauche était au pouvoir (1981-1995), nous faisions le dos rond, nous nous soudions et nous laissions la mauvaise vague passée… » me confiait feu père Younoussa BAMANA. Que son âme repose en paix ! Nous invitons donc les mahorais à résister, les élus à s’organiser et à se battre dans l’unité pour faire face à cette période d’incertitude…
Car « vwindza douja dé vwindza mlongo » dit sagement le proverbe mahorais (là où il y a une vague réside un chemin) !
« Rahachiri Sibabu yayi Maore »!
Anchya BAMANA,
Présidente de Maore Solidaire
Ancienne Maire de Sada