« Nous sommes satisfaits du nombre de personnes qui ont répondu à notre appel pour manifester ce dimanche. Nous étions environ 500, ce qui est une réussite pour une première manifestation contre ce camp », a déclaré Safina Soula, la présidente du collectif des citoyens 2018. Des heurts ont éclaté lors de la manifestation, mais nous n’avons malheureusement pas pu joindre la police pour savoir ce qu’il en était exactement. Dans un post Facebook, Zaïdou Bamana, consultant pour le collectif des citoyens, parle « d’une petite bagarre rapidement maîtrisée par les forces de l’ordre ». De leur côté, les habitants du camp affirment avoir été « harcelés de jets de pierres par des jeunes ». Leurs banderoles appelant à lutter contre la violence et la xénophobie ont été arrachées par quelques riverains exaspérés qui les ont considérés comme « une provocation ». Les forces de l’ordre ont calmé les esprits et évité que la manifestation ne dégénère, mais la situation reste très tendue d’autant plus que Zaïdou Bamana, très remonté contre les demandeurs d’asile, a affirmé sur les réseaux sociaux que cette manifestation « avait été pacifique mais va se durcir dangereusement ».
Des bandes de jeunes de Cavani ou d’ailleurs se mêlent du problème et caillassent généreusement le camp. Les migrants accusent la population de les payer pour les caillasser, le collectif affirme quant à lui que ce sont les migrants qui les payent pour se faire passer pour de « malheureuses victimes » aux yeux de l’Etat et du grand public. Impossible de démêler le vrai du faux dans cette affaire, d’autant plus que la préfecture a coupé toute communication avec la presse au sujet du camp, arguant que « le sujet était trop sensible pour communiquer pour le moment ».
Les migrants, tout comme le collectif, attendent une action de l’Etat
« Nous voulons nos papiers pour quitter Mayotte » pouvait-on lire sur l’une des banderoles brandies par les migrants venus de l’Afrique des grands lacs en réponse à la manifestation du collectif et des riverains. Si une grande partie des riverains et des élus ne veulent pas d’eux à Mayotte, eux non plus ne souhaitent pas rester sur le territoire, mais bien être transférés dans l’Hexagone. Or le traitement des dossiers prend du temps. D’après les déclarations de Gérald Darmanin la semaine dernière, seule une quarantaine d’entre eux auraient obtenu leur statut de réfugiés et sont donc transférables en métropole. Or, le camp compterait actuellement 700 habitants. La grande majorité d’entre eux sont des « demandeurs d’asile » donc, comme l’a affirmé la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, lors de sa venue à Mayotte, « ils sont en situation régulière sur le territoire ». Un fait que bon nombre de membres de la population mahoraise, et même de certains élus, ne comprennent pas étant donné qu’ils sont arrivés clandestinement à Mayotte via une filière située en Tanzanie. Certes, mais en France, lorsqu’on demande le droit d’asile, on est considéré comme « en situation régulière » jusqu’à ce que le dossier soit traité par l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), puis par la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile). Si ces deux derniers refusent au migrant le statut de réfugié, il peut réitérer sa demande mais il est alors considéré comme clandestin et donc expulsable dans son pays d’origine.
Le squattage du stade est en revanche illégal, mais les migrants s’installent là faute de structure d’hébergement dédiée. D’après Zaïdou Bamana, l’Etat aurait demandé aux associations Solidarité Mayotte et M’lezi Maore de trouver un hébergement pour les demandeurs d’asile. Trouver de quoi les loger en attendant que l’OFPRA statue sur leur sort serait en effet une solution pour pouvoir démanteler rapidement le camp du stade de Cavani. Le problème est que le collectif, et une partie de la population mahoraise, ne l’entendent pas de cette oreille et souhaitent tout simplement le départ de tous les migrants ou « leur hébergement au sein des locaux de la préfecture mais pas dans des bâtiments appartenant à des Mahorais ». Une situation qui semble inextricable et qui risque de dégénérer faute d’action ferme de l’Etat. Si Gérald Darmanin a bien annoncé le démantèlement prochain du camp, le collectif réclame une date et des actions concrètes ne comptant pas « se laisser berner » par « des effets d’annonce ».
Nora Godeau