Quels risques encourt-on si on se baigne dans une eau qui contient un grand nombre de cyanobactéries ? A quoi servent-elles et à quoi est dû leur développement ? On a fait le point.
Les cyanobactéries, aussi appelées « algues bleues »
Souvent de couleur fluo, entre le vert et le bleu, si les cyanobactéries font la joie des passionnées de photographie, elles font surtout le malheur des habitants et des autorités sanitaires. Les cynaobactéries sont des micro-organismes toxiques, qui se développent dans des eaux peu profondes et stagnantes. Le lac mystique Dziani de Petite-Terre en est un exemple.
Sans elles, nous n’existerions pas !
Les cyanobactéries ne sont pas uniquement des organismes nuisibles qui gâchent nos baignades ! Elles sont avant tout les créatrices de la photosynthèse oxygénique*. C’est-à-dire, qu’elles utilisent du dioxyde de carbone (CO2) et produisent de l’oxygène (O2) comme les arbres… Sans elles, nous n’existerions pas !
Mais lorsque la température s’élève, comme c’est le cas actuellement à Mayotte au début de cette saison des pluies, la photosynthèse s’accélère. Et lorsqu’un écosystème aquatique reçoit trop de matières nutritives (tels que le phosphore ou l’azote de nos engrais), les cyanobactéries prolifèrent ! Résultat, l’eau claire devient verte fluo.
Si ce phénomène existe depuis l’Antiquité, le réchauffement et les dérèglements climatiques causés par une augmentation des activités humaines (agriculture intensive, rejet d’eaux usées pas suffisamment traitées, déchets…) ont accru ce phénomène depuis plusieurs années.
Si elles sont essentielles, pourquoi interdire l’accès aux lieux de baignade ?
Bien qu’étant essentielles aux écosystèmes, ces cyanobactéries sont autant néfastes pour la santé humaine que la faune et la flore. En effet, lorsqu’elles prolifèrent, elles peuvent provoquer une écume colorée et nauséabonde à la surface des plans d’eau, comme dans la baie de Bouéni. Lorsque les cyanobactéries sont fortement concentrées dans l’eau, telle que dans l’eau de mer, certaines d’entre elles peuvent produire des toxines très dangereuses pour l’Homme et la vie aquatique. Toucher et inhaler ces toxines peut provoquer des irritations cutanées, des troubles gastro-intestinaux, hépatiques ou du système nerveux.
Certaines espèces de cyanobactéries, appelées des « cyanobactéries toxinogènes » produisent des toxines extrêmement puissantes, les cyanotoxines. Les plus dangereuses pour la santé humaine sont les microcystines, les cylindrospermopsines, les anatoxines, les saxitoxines et les nodularines.
En France, les cyanotoxines les plus courantes sont réglementées dans les eaux de consommation et de loisirs. Lorsque les seuils de limite sur la quantité de cyanobactéries tolérée sont dépassés, les autorités peuvent restreindre l’accès, l’utilisation ou la consommation de ces plans d’eau.
Des mesures de précaution pour protéger la population en l’absence de seuils de cyanotoxines pour les eaux marines
Mais la découverte de ces bactéries en mer, comme dans la baie de Bouéni, est plus rare qu’en eau douce. Comme l’a expliqué la préfecture, en l’absence de « valeur guide en eau de mer » de quantité limite en cyanobactéries, les activités nautiques, la pêche et la consommation de poissons et de crustacés ont été interdites par mesure de précaution.
Si à ce jour, aucun décès humain n’a été recensé en lien avec ces micro-organismes sur le territoire national, plusieurs animaux sont morts après avoir bu, inhalé ou s’être baignés dans un cours d’eau rempli de cyanobactéries. Leur prolifération impacte le développement d’autres végétaux et animaux, et peut provoquer la mort de poissons et de nombreuses autres espèces aquatiques.
La qualité des eaux de baignade, un enjeu majeur de santé publique
A Mayotte, les plages sont fréquentées tout au long de l’année. La qualité des eaux de baignade relève ainsi d’un enjeu majeur de santé publique. En coopération avec les collectivités et conformément aux directives européennes, l’ARS de Mayotte réalise un contrôle sanitaire de l’ensemble des zones de baignades déclarées à Mayotte. Cette surveillance permet ainsi de prévenir des risques et d’éviter l’exposition des baigneurs, des professionnels de la pêche ou des consommateurs de poissons ou de crustacés, d’être exposés à des risques sanitaires.
Bactéries contre bactéries, pour retrouver une eau bleue
Dans l’urgence, lutter contre les cyanotoxines nécessite avant tout de réduire le nombre excédent de nutriments présents dans l’eau, d’oxygéner l’eau et d’injecter des bactéries et enzymes bénéfiques, afin de détruire les cyanobactéries et les nutriments polluants. La réduction des apports de phosphore et d’azote est une façon de protéger durablement les écosystèmes et la santé humaine de ces cyanotoxines.
Les pollutions de l’eau et les dérèglements climatiques : des facteurs de prolifération des cyanobactéries
La présence de ces cyanobactéries dans l’eau de mer peut avoir plusieurs origines croisées et complexes. D’après l’ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), « L’augmentation globale des températures, mais également les modifications des régimes pluviométriques (multiplication de périodes de grandes sécheresses, épisodes de tempêtes et de pluies violentes…) provoquent des modifications dans le fonctionnement des plans et des cours d’eau, qui semblent favoriser les proliférations de cyanobactéries ».
Depuis cette alerte, l’ARS de Mayotte poursuit de façon méticuleuse le suivi de la qualité des eaux de baignade dans le sud de l’île. De nouveaux contrôles seront effectués permettant de suivre l’évolution de ce phénomène. Après le plomb et maintenant des bactéries toxiques, on ne sait plus où donner de la tête… ou en l’occurrence, piquer une tête !
Mathilde Hangard
*La photosynthèse oxygénique, réalisée par les végétaux terrestres, les algues et certaines bactéries, comme les cyanobactéries, permet de libérer de l’oxygène et de fixer du dioxyde de carbone.