Selon Yann Le Bris, Sada a été la première collectivité de l’île à solliciter l’aide de la justice pour traiter les incivilités de tous les jours. « À travers ce dispositif du rappel à l’ordre, il s’agit de reprendre la main sur les petits contentieux du quotidien qui empoisonnent la vie de gens. Cela permet de proposer une réponse rapide tout en évitant de mobiliser trop de personnel judiciaire pour le traitement des petites affaires. Même si quand on est victime, il n’y a jamais de petites affaires… Aussi je pense que ce dispositif encadré par la loi correspond aux attentes du territoire en permettant à la collectivité de gérer les problèmes de violence qu’elle peut rencontrer chaque jour et ce avec l’aide de la justice ».
En quoi consiste exactement le rappel à l’ordre ?
Dès qu’une personne de la commune est impliquée dans des actes de malveillance (bagarres dans les lieux publics, dégradations de biens, atteintes à la propreté, tapages nocturnes, attroupements, dépôts sauvages, divagation d’animaux dangereux, …) et que les faits sont constatés par les autorités, une procédure se met en place avec la transmission du dossier au procureur de la République. Cela commence ainsi par un rapport adressé à ce dernier et une convocation du mineur et de ses parents, ou d’un adulte, pour un entretien avec la police municipale à la mairie. En fonction de la gravité des faits, le procureur décide ou non d’un traitement local de l’infraction et donne un compte-rendu et la décision de sanction infligée. Le tout dans un délai extrêmement court, c’est notamment le grand avantage de ce dispositif.
Et a priori cela fonctionne plutôt bien puisque les chiffres annoncés par le maire de Sada sont assez flatteurs. « Depuis la signature de la convention il y a deux ans, 40 procédures de rappel à l’ordre ont été effectuées avec l’appui du procureur. Ce sont ainsi 300 personnes qui ont été convoquées. Aussi, 60% des rappels à l’ordre concernent des bagarres aux abords des établissements scolaires, 20% pour les marchands de sommeil et les 20% qui restent pour les autres incivilités. Ainsi, par exemple sur les 25 familles et leurs enfants concernés par les bagarres, seulement deux ont récidivé », se félicite Houssamoudine Abdallah. C’est aussi ce qu’a constaté Abdou Saindou, Conseiller principal d’éducation (CPE) au collège de Sada.
« Nous travaillons en étroite collaboration avec la police municipale et la gendarmerie. Dès qu’il y a des problèmes de bagarres ou autres, nous faisons appel à eux et ils sont ultra réactifs, ce qui est une très bonne chose. Nous convoquons également les parents et nous organisons une médiation avec une discussion au sein de l’établissement. Suite à cela l’élève et ses parents sont à nouveau convoqués par les forces de l’ordre à la mairie. Je pense que c’est alors la double peine pour l’enfant car il implique ses parents dans ses mauvais agissements. Au final, pour ma part, ce dispositif aboutit à de très bons résultats. La collaboration et la médiation que nous faisons avec les forces de l’ordre est très efficace puisque nous n’avons quasi pas de récidive ». Quand les faits sont plus graves, la sanction peut être des travaux d’intérêt général ou du travail non rémunéré a effectué au sein des services de la commune.
Les travaux d’intérêt général et le travail non rémunéré
Cela fait partie des réponses rapides mises en place par la justice pour sanctionner les petits actes de délinquance. C’est le procureur qui décide, in fine, de la sanction. « Certes, le rappel à l’ordre ne va pas résoudre tous les problèmes liés à la délinquance, mais il permet de la limiter par les travaux d’intérêt général (TIG) et le travail non rémunéré, notamment pour les mineurs, au sein des collectivités. Cela consiste à faire par exemple du déménagement, de la peinture, de la réparation de mobilier urbain, du nettoyage, de l’entretien de la voirie, etc. », raconte le magistrat du parquet. C’est aussi ce que pense le maire de Sada qui voit dans ce dispositif du rappel à l’ordre un moyen pour les jeunes d’éviter de tomber dans la délinquance. « Cela permet d’éviter aux jeunes de passer à l’étape suivante et de rentrer dans une spirale de la violence. Plus ils sont sanctionnés tôt, plus ils comprennent leur erreur. Il faut agir dès que possible pour les accompagner ».
Selon Yann Le Bris, les travaux d’intérêt général prononcés par le tribunal judiciaire de Mamoudzou ont augmenté d’environ 10% en 2023. « Ce n’est pas excessif nous avons encore de la marge de manœuvre. Mais surtout nous avons un taux de récidive faible. Grace au rappel à l’ordre le jeune et sa famille sont face à la collectivité, ils peuvent alors prendre toute la mesure de l’acte commis. De plus, cela permet également aux familles insolvables de rendre des comptes quand les jeunes sont condamnés à des TIG ou à du travail non rémunéré ».
Avec 6.000 élèves pour près de 17.000 habitants, la commune de Sada à de nombreux défis à relever devant elle, comme la jeunesse, l’insécurité, l’éducation… Aussi même si le bilan du dispositif est plutôt bon au bout de deux années d’expérimentation, le maire ne compte pas se reposer sur ses lauriers. « Nous allons continuer à travailler avec la population, les associations, les établissements scolaires et les jeunes aussi, pour mettre en place des actions afin de lutter contre la délinquance ». Alors rendez-vous dans deux ans pour un nouveau bilan…
B.J.