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Le petit tissu économique mahorais résiste aux chocs mais insuffisamment moteur de croissance

L’INSEE vient de fournir un document intéressant sur la participation des entreprises à la richesse de l’île en 2021. Donc en plein épisode Covid…. Qui les a peu ébranlées en moyenne. Celles qui ont un centre de décision local sont un vrai levier de développement pour l’avenir.

Près de 6.000 entreprises, 5.910 exactement, non agricoles et non financières, sont répertoriées par l’INSEE, sous la dénomination « unités légales ». Elles ont leur siège social à Mayotte, ont enregistré un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros et qui s’est traduit par une valeur ajoutée de 830 millions d’euros. Pour rappel, cette année 2021, le PIB de Mayotte atteint 3,1 milliards d’euros, porté pour les deux tiers par les administrations. Car en y regardant de plus près, l’INSEE traduit un des travers du tissu économique mahorais : sa dépendance des plus grosses entreprises à La Réunion ou ailleurs en France, qui ne réinvestissent pas forcément sur le territoire. En effet, parmi les 5.910 dénombrées, 96% sont indépendantes en termes de décision… mais ne créent que la moitié de la valeur ajoutée totale. Sur les 250 restantes, une grande partie sont « intégrées dans des entités économiques ayant leurs sièges sociaux ailleurs en France » et créent entre 3 et 27% de la valeur ajoutée totale.

17.000 salariés dans le privé à Mayotte

On l’aura déduit, les entreprises mahoraises sont majoritairement de petite taille, « sept sur dix n’emploient aucun salarié ». Les 2.000 qui recrutent emploient au total 17.000 salariés, avec de fortes variations, 83% n’ont que de 1 à 9 salariés, 17 % de 10 à 249 salariés, et 0,2 % 250 salariés ou plus. Donc 17.000 salariés sur 50.000 personnes en emploi à Mayotte, on voit que la part laissée aux fonctionnaires est importante. Et au regard des 25.000 jeunes de 15 à 29 ans sans emploi, ni étude, ni formation, le défi est énorme.

Faible rentabilité économique pour les activités immobilières

Les 4 secteurs moteurs sont le commerce de détail, la construction, l’industrie (énergie, environnement, agro-alimentaire et autres industries manufacturières) et les services aux entreprises. Ces secteurs fournissent 66 % de la valeur ajoutée, une ressource que vont se partager différents acteurs : les ménages à travers le versement des salaires, à hauteur de 50%, les administrations à travers les cotisations sociales et les impôts, 8%. La somme restante, appelée Excédent brut d’exploitation (EBE), 42% environ, est réinvestie par les entreprises et/ou rémunère le capital des dirigeants.

Si elles n’investissent pas toutes de manière équivalente on l’a vu, en fonction de leur taille, cela dépend également du secteur dans lequel elles exercent et de leurs besoins.  Par exemple, les activités immobilières utilisent plus de moyens matériels que de main-d’œuvre, la part des salaires dans la valeur ajoutée sera donc plus faible, 24 %, que dans le secteur de l’information-communication qui utilise moins de moyens matériels mais plus de main-d’œuvre, se traduisant par une proportion de salaires versés à 70 % de la valeur ajoutée.

Les gagnants sont… les commerces de détails

Le taux de marge, (la marge est ce qui reste à l’entreprise après avoir payé salaires et cotisations sociales) est intéressant pour observer le réinvestissement ou non dans l’outil de travail ou dans l’extension, et les rémunérations des dirigeants. Une interprétation qui peut être un faux ami prévient l’INSEE. À Mayotte, en 2021, le taux de marge pour l’ensemble des secteurs marchands non agricoles et non financiers, s’élève à 42 %. Il évolue de 24% pour le secteur informatique à 67% pour les activités immobilières, « qui ont besoin d’engager des moyens plus importants dans leur cycle d’exploitation et d’investissement », précise l’INSEE. Qui rajoute que le niveau de rentabilité économique de l’entreprise ne peut pas être appréhendé que par ce biais : « Pour les activités immobilières, la rentabilité économique est la plus faible des secteurs (3 % contre 17 % pour l’ensemble des secteurs marchands), alors que son taux de marge est le plus élevé », car le capital d’exploitation pour produire est conséquent.

Par contre, les entreprises qui n’ont pas besoin de gros moyens matériels mais qui ont un taux de marge élevée ont une rentabilité économique très forte, « comme dans les services aux particuliers dominés par l’enseignement, santé humaine et action sociale ». Les secteurs du commerce et de la réparation de véhicules ont la rentabilité économique la plus élevée, 49 %, malgré un taux de marge moyen.

Le commerce et l’industrie en tête (INSEE)

La crise Covid a peu impacté les entreprises en moyenne, on peut imaginer en lien avec le soutien gouvernemental, mais c’est surtout vrai à Mayotte par rapport au reste de la France : « En 2021, l’activité des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers dépasse largement les niveaux de 2019, avant la crise sanitaire de la Covid-19, tant en termes de chiffre d’affaires, +27 % que de valeur ajoutée, +38 %. » Le principal moteur de la croissance reste les entreprises déjà présentes à Mayotte, notamment dans le secteur du commerce de détail, dont la valeur ajoutée augmente de 71% par rapport à 2019 avant la crise. Et ce secteur voit également son taux de marge s’envoler pendant la crise sanitaire de 2021, + 8 points sur 2019, et après une bonne année 2020.

Le secteur informel aussi nombreux que le formel

L’autre partie de l’étude de l’INSEE porte sur le secteur informel. Normal, il est aussi conséquent que le secteur formel en nombre, puisque 5.800 « unités économiques », sont répertoriées dans le secteur marchands hors agricole et financier. Localisées sur tout le territoire, 40 % d’entre elles sont néanmoins à Mamoudzou et Koungou. Elles sont majoritaires dans le commerce (essentiellement vente en magasin – douka -, mais aussi vente sur marché ou voie publique) et se retrouvent aussi dans les services avec les brochettis ou les taxis, dans l’industrie avec la fabrication de gâteaux ou de salouvas et dans tous les métiers du bâtiment

Les doukas en tête de gondole de l’informel

Un nombre conséquent qui nous met sous les yeux le travail à mener pour inciter tous ces petits vendeurs et vendeuses à se déclarer. Le poids économique n’est évidemment pas comparable avec le secteur formel, avec un chiffre d’affaires dégagé de 162 millions d’euros et une valeur ajoutée de 54 millions d’euros. A titre d’illustration, elle ne représente que 6 % de la valeur ajoutée totale, formelle et informelle. La moitié de ces ressources sont générées par le commerce. Elles emploient 8 220 personnes en 2021 qui sont pour les trois quarts d’entre elles, celle ou celui qui y travaille. En moyenne, chaque unité emploie 1,4 personne. Les autres sont des aides familiaux ou des associés. Les unités informelles sont nettement moins productives que les formelles. En moyenne, un emploi dans le secteur informel génère 6.500 euros de valeur ajoutée, contre 48.900 euros dans le secteur formel.

On retiendra donc que les entreprises à ancrage 100% local, bien que plus petites, sont en capacité de réinvestir sur le territoire, qui doit les aider à prendre de l’envergure.

A.P-L.

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