« Je resterai ici le temps qu’il faudra, 24h ou 24 ans, jusqu’à ce que ce camp soit levé ! », a martelé Ambdilwahedou Soumaïla, le maire de Mamoudzou devant la centaine de personnes réunie à son appel devant le stade de Cavani ce mercredi matin. Ce camp est pour lui une sorte de symbole : celui du laisser-aller de l’Etat à Mayotte. Avant de prendre la parole sous le faré où l’attendaient les manifestants, il est allé à la rencontre des demandeurs d’asile venus de l’Afrique continentale dont les logements de fortune envahissent le stade de Cavani. « Ce n’est pas une manifestation contre vous, c’est une manifestation contre le logement indigne. Si vous avez le droit de vivre à Mayotte, c’est à l’Etat de s’organiser pour vous loger dignement. Nous ne sommes pas contre les étrangers, nous sommes contre cette vie qu’on vous oblige à mener tout en prétendant vous accepter sur le sol mahorais », a-t-il expliqué aux quelques personnes venues à sa rencontre. Pourquoi ne pas avoir demandé à la police municipale de détruire les logements de fortune dans les cas de flagrance ? avons-nous demandé au maire. « Elle l’a fait, mais les agents ne peuvent pas être là 24h sur 24 », nous a-t-il répondu.
Originaires du Burundi, du Congo, du Togo ou de la Somalie, les demandeurs d’asile disent vouloir « fuir la guerre » qui fait rage dans leur pays. Arrivés illégalement sur le territoire, ils possèdent pour la plupart un récépissé et sont dans l’attente de leur statut de réfugié Problème : les dossiers prennent un temps considérable à être traités, les obligeant en attendant à vivre dans la rue, sans pouvoir travailler. Ils reçoivent en tout et pour tout 30 euros par mois et par personne en bons alimentaires de la part de l’association Solidarité Mayotte pour pouvoir survivre. « Ce camp est dangereux, des maladies graves peuvent s’y développer. Un stade n’est pas fait pour loger des individus. Même si le terrain appartient au conseil départemental, ma responsabilité en tant que maire est de protéger la population de Mamoudzou ! », a ajouté Ambdilwahedou Soumaïla. Zouhourya Mouayad Ben, 4ème vice-présidente chargée des sports, de la culture et de la jeunesse, a d’ailleurs profité de la mobilisation pour annoncer qu’un référé avait été déposé auprès de la justice, ce mercredi même, afin de faire lever ce camp. « Nous pensions que nos courriers adressés au préfet suffiraient, mais comme ce n’est pas le cas, nous avons déposé ce référé comme nous l’autorise la loi », a-t-elle expliqué.
L’habitat indigne, certes, mais aussi et surtout la violence quotidienne
Si le camp de migrants a été choisi pour symboliser l’inaction de l’Etat, c’est aussi et surtout la violence subie par la population au quotidien que le maire a voulu dénoncer par cette action. Pourquoi à ce moment-là ne pas avoir choisi de manifester sur les hauteurs de la ville, là d’où viennent principalement les jeunes délinquants qui sèment la terreur à Mayotte ? « Depuis le stade, on voit tous les problèmes : le camp des demandeurs d’asile comme les bidonvilles situés sur les hauteurs », a répondu Ambdilwahedou Soumaïla qui a prononcé un long discours pour appeler la population à se mobiliser. « La condition première pour que Mayotte se développe, c’est la sécurité. Tout le reste peut attendre. La crise de l’eau peut attendre. Les minimas sociaux peuvent attendre. Mais pas la sécurité ! La République doit nous protéger ! Nous avons été trop longtemps résilients, maintenant il est temps de se réveiller et d’agir ! Nous n’avons peut-être pas d’armes, mais nous avons au moins notre voix pour affirmer haut et fort que nous n’acceptons plus cette situation ! », a lancé le maire devant la foule des manifestants.
Plusieurs autres personnalités politiques ont ensuite pris la parole dont un élu de la commune de Dembeni. De nombreux élus venus d’autres villages étaient également présents pour soutenir cette mobilisation ainsi que le Codim (comité de défense des intérêts de Mayotte) mené par Safina Soula. Les membres de cette dernière association ont d’ailleurs manifesté devant la préfecture avant de se rendre au stade de Cavani. « C’est une guerre qui ne dit pas son nom et qui a changé de visage : désormais les délinquants utilisent le feu ! Il faut que nous fassions quelque-chose », a lancé Safina Soula qui nous a indiqué que des actions seraient menées vendredi lors de la venue d’Elizabeth Borne sur le territoire. Dans la foule, le fameux « non karivendzé ! » tant scandé lors de la crise de 2018 a recommencé à retentir. De grandes manifestations contre l’insécurité comme il y a 5 ans sont-elles à prévoir ? En tout cas, la population, sous l’impulsion du maire de Mamoudzou, commence à réagir. Ce dernier a appelé ses concitoyens à venir manifester tous les matins jusqu’à midi avec lui jusqu’à ce que le camp de migrant, devenu symbole de l’indifférence de l’Etat par rapport à Mayotte, soit levé.
Nora Godeau