Le grand coupable est le plomb ! Suite à des prélèvements de contrôle de la qualité de l’eau distribuée, réalisés les 27 et 28 novembre dernier, « 55% de la population ne bénéficierait pas d’une eau potable, 45% de la population mahoraise en serait épargnée », d’après les chiffres transmis par la Préfecture de Mayotte.
Les autorités publiques invitent l’ensemble des usagers à ne pas consommer l’eau distribuée provenant du réseau, à l’exception des usagers vivant dans les secteurs suivants : Petite-Terre, Acoua, Mtsangadoua, M’tsangamouji, M’liha, Chembenyoumba, Miréréni, Combani, M’roalé et Tsingoni, Dapani, Mronabéja, M’Bouini, Passi Kéli, Vahibé, Passamainty, Tsoundzou 1, M’tsamboro, Hamjago, M’tsahara, Dzoumogné, Bandraboua, M’tsangaboua, Handhréma, et Mamoudzou village.
En effet, ces secteurs sont desservis par d’autres biais d’alimentation en eau, tels que des forages dont l’eau n’est pas mélangée au réseau de distribution existant, ou encore l’usine de dessalement de Petite-Terre, qui aujourd’hui permet à toute l’île de Petite-Terre d’être parfaitement autonome en alimentation en eau. En effet, depuis vendredi 1er décembre dernier, la fin des travaux d’extension de la capacité de production d’eau potable de l’usine de dessalement ont permis d’accroître la production d’eau de l’usine de dessalement à 4.700 m3 d’eau par jour. Les travaux effectués par LEMA pour envoyer également de l’eau produite par cette usine vers le réseau de Grande-Terre ont été finalisés. Cette eau avait notamment pour ambition d’être envoyée dans le Sud de Mayotte, en proie à des fortes coupures d’eau.
Des contrôles de la qualité de l’eau ? Rien de nouveau
En temps normal, c’est même un impératif de santé publique que de contrôler la bonne qualité de l’eau distribuée conformément au code de la santé publique. Olivier Brahic, directeur de l’ARS Mayotte, le rappelle : « Habituellement, les contrôles réalisés par l’ARS Mayotte représentent près de 300 contrôles par an. Depuis le début de la crise de l’eau, nous avons multiplié par plus de 2 ces contrôles réalisés sur la ressource, pour garantir la sécurité sanitaire des citoyens, soit l’équivalent de plus de 600 contrôles par an. ». Parallèlement à cela, le circuit de ces analyses, entre les trois laboratoires opérant, à Mayotte, à La Réunion et dans la Drôme dans l’Hexagone, a été accéléré pour faire des analyses de Mayotte une « priorité absolue ». Les résultats de ces analyses sont partagés quotidiennement, « en toute transparence avec les élus, les médias et la population », comme l’affirme Olivier Brahic.
Une compétence partagée pour la réalisation de ces contrôles
Il ne faudrait pas oublier que la qualité de l’eau distribuée est de la responsabilité des communes, réunies au sein du Syndicat Mixte d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SMEAM), qui a délégué cette mission à la Société Mahoraise des Eaux (SMAE). Leurs premiers contrôles sur la qualité de l’eau distribuée aux usagers doit ainsi en théorie constituer un rempart à d’éventuels risques sanitaires qui seraient détectés. Les contrôles réalisés par l’ARS, qui concernent les ressources, les sorties des stations de traitement et le réseau de distribution jusqu’au robinet des consommateurs, interviennent en second plan.
Pourtant c’est bien l’ARS qui a donné l’alerte
Suite à des prélèvements réalisés les 27 et 28 novembre 2023, sur les communes de Bouyouni et de Sohoa, les résultats de ces prélèvements ont révélé la présence de plomb dans l’eau distribuée. Pour rappel, le code de la santé publique fixe la teneur maximale en plomb dans l’eau au robinet du consommateur à 10 microgrammes par litre (µg/L). En l’espèce, les résultats transmis indiquent une valeur de 40 microgrammes par litre (µg/L), soit 4 fois plus importants que le seul autorisé.
D’après Olivier Brahic, « ces résultats sont inhabituels, même historiques« . C’est la raison pour laquelle la procédure impose une seconde phase de contrôles. Ce mercredi à 12h, le laboratoire de la Drôme recevait de nouveaux échantillons suite aux 14 points nouvellement prélevés. Les résultats de ces nouvelles analyses sont attendus pour vendredi 8 décembre.
Mais quelles en sont les causes ?
A l’heure actuelle, le Directeur de l’ARS et ses services enquêtent sur les causes d’une éventuelle présence de plomb dans l’eau, en attendant les prochains résultats d’analyses. Mais la thèse d’une contamination par les conduits, qui auraient pu entraîner une libération de particules de plomb dans l’eau, semble déjà évincée puisque les canalisations du réseau d’eau de Mayotte ne sont pas en plomb.
Face à cette situation d’alerte, que faire ?
Décidément, à chaque jour suffit sa peine ! Si la quantité de plomb présente dans l’eau distribuée ne représente pas un danger « immédiat » mais à « moyen et long terme » comme l’explique Olivier Brahic, qui recommande expressément à la population de ne pas consommer l’eau du robinet pour des usages alimentaires (même bouillie), sauf sur les communes épargnées par ces résultats. Ainsi, l’eau stockée dans les foyers depuis fin novembre ne doit ni être bue, ni consommée pour des usages alimentaires ou d’hygiène bucco-dentaire. En revanche, celle-ci être utilisée pour répondre à des usages secondaires (lessive, vaisselle, toilettes…).
Mais comment faire ?
La solution n’est autre que celle de « consommer de l’eau embouteillée », disponible dans les commerces, et reposant sur le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi distribuée gratuitement par la préfecture dans chaque commune aux usagers, comme le rappelle Thierry Suquet. Le Préfet de Mayotte salue également l’initiative du MEDEF ayant permis aux salariés des entreprises du territoire d’être approvisionnés gratuitement en eaux embouteillées.
Certaines écoles fermées
Jusqu’à nouvel ordre, toutes les écoles sur les communes concernées par l’interdiction de consommer l’eau seront fermées.
Pas de coupures de 96h, maintien de la distribution de l’eau 1 jour sur 3
A ce stade, le Préfet de Mayotte l’atteste, avec l’arrivée des pluies et suite aux travaux ayant permis à Petite-Terre d’être autonome en eau, et même de partager son eau avec Grande-Terre, « il n’est pas souhaitable que les coupures d’eau ne s’intensifient ». Néanmoins, la situation pourra être réajustée en fonction du contexte sanitaire.
En attendant les prochains résultats de ces analyses, il ne nous reste plus qu’à appliquer ces nouvelles consignes, bien que contraignantes financièrement, logistiquement et environnementalement parlant, ils sont attendus ce vendredi 8 décembre… Tout comme la Première Ministre !
Mathilde Hangard