Comme il aime le dire à qui veut l’entendre, Philippe Vigier aime Mayotte. A tel point qu’il a adopté l’heure mahoraise… Puisque c’est avec deux heures de retard que le ministre délégué aux Outre-mer (MDOM) est arrivé à la MJC de Kawéni afin de rencontrer les associations et les organismes culturels de l’île. La collectionneuse d’art et membre de l’association Zangoma, Fatima Ousséni, a ainsi accueilli le ministre à son arrivée en lui présentant la grande fresque située sur la façade de la MJC. « Vous êtes au pied du plus grand bidonville de France, lui a-t-elle dit. La culture est un véritable enjeu ici, elle est essentielle mais il n’y a pas d’espace pour créer et se rencontrer ». Le ton était donné.
Une offre culturelle largement inégale sur l’ensemble du territoire
« Cette rencontre entre les associations culturelles et Philippe Vigier a été voulue à la demande du ministre », raconte Guillaume Deslandes, directeur des Affaires Culturelles de Mayotte (DAC). Aussi pour sa venue plusieurs représentants du monde du spectacle (danse, musique, arts visuels, etc.) étaient invités à échanger avec le ministre et lui soumettre par la même occasion les problématiques rencontrées. Notamment le fait qu’à certains endroits de l’île les gens n’ont pas accès à la culture, « alors qu’elle peut être une solution aux conflits entre jeunes », souligne Guillaume Deslandes.
Aussi, durant cette réunion, il a notamment été question de la création du statut d’intermittent du spectacle à Mayotte, d’un label, de lieux de spectacles et de travail pour les professionnels, ou encore de l’octroi de subventions. « Nous avons besoin d’intermittents et d’un label pour avoir une reconnaissance des artistes mais aussi pour pouvoir monter des projets artistiques. De plus, nous n’avons malheureusement pas de lieux de travail pour les professionnels, indique au ministre Sophie Huvet, directrice de l’association Hip Hop Evolution. Nous avons besoin de structurer le secteur de l’art et de la culture à Mayotte et pour cela il nous faut un cadre juridique et réglementaire ». C’est ce qu’ont demandé à l’unisson l’ensemble des participants à cette réunion, à l’image de la directrice du pôle culturel de Chirongui, Lisa Patin, pour qui « il est absolument essentiel de construire une filière culturelle à Mayotte », ou encore du directeur de la culture de Chirongui qui plaide pour que « l’État accompagne les associations, les collectivités, et tous les acteurs dans la promotion de la culture ». Car actuellement, selon lui, il y a un déficit dans l’accompagnement.
Accompagner les acteurs culturels de Mayotte dans la démocratisation de la culture pour tous
En tant qu’ancien élu local, Philippe Vigier sait, ô combien, que la culture est essentielle pour un territoire puisqu’elle permet de développer l’économie locale et de créer des emplois. « Je suis sensible à la culture, elle amène entre autres de la créativité… Aussi cela relève d’un choix politique et il faut l’assumer, explique-t-il. Elle ne doit pas être oubliée car c’est l’affaire de tous, de l’État, mais aussi des collectivités et des associations. D’où l’importance d’accompagner ces dernières dans leur développement ». Puis le ministre a rappelé que la vie culturelle était importante en France mais qu’il fallait souvent se battre pour obtenir des subventions et des financements. « Il ne faut rien lâcher ! Insiste-t-il. Les associations ont un formidable pouvoir de cohésion, de mobilisation et de création. Il faut saisir toutes les opportunités… ».
Par ailleurs, les acteurs du secteur culturel ont profité de cette rencontre pour solliciter les élus du Département présents afin d’avoir des subventions, chose qu’elles n’ont plus depuis deux ans maintenant. Sidi Nadjayedine, conseiller départemental de Mamoudzou 3, s’adressant alors au ministre lui fait part des gros problèmes financiers du Département. « Nous faisons du saupoudrage. Nous sommes un Département/Région mais sans en avoir les moyens et les compétences. On se bat pour aider mais on fait avec les moyens du bord », déplore-t-il. Aussi Philippe Vigier a tenu à rappeler que l’État ne laisse pas tomber Mayotte. « Nous sommes à la hauteur des enjeux…Le contrat de convergence et de transformation, c’est 863 millions d’euros pour Mayotte pour les années 2024 et jusqu’à 2027. L’État est là ! Sur aucun secteur on ne lâche. Vous en aurez l’illustration dans quelques jours avec la venue de la Première ministre, Élisabeth Borne ».
Selon le ministre délégué aux Outre-mer, la cheffe du gouvernement devrait annoncer des mesures importantes pour l’île au lagon. Peut-être la mise en place d’un état d’urgence sécuritaire tant réclamé par l’ensemble des élus de l’île et tous bords politiques confondus.
B.J.