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Cour d’assises : Des jurés plutôt cléments pour des faits de violence ayant entrainé la mort

La cour d’assises jugeait depuis vendredi un homme accusé de « violence avec usage d’une arme ayant entrainé la mort sans intention de la donner ». Sous contrôle judiciaire depuis 2017 après avoir fait 16 mois de détention provisoire, le prévenu a comparu libre durant l’audience mais il encourait au maximum 20 ans de réclusion criminelle pour les faits qu’il a commis.

Les faits se sont déroulés au soir du 14 juin 2015, il y a de cela plus de 8 ans. L’histoire commence par une banale altercation entre un homme et une femme habitant le même quartier et qui par ailleurs se connaissaient. L’homme aurait réprimandé physiquement la fille de la femme en question car elle lui aurait, semble-t-il, manqué de respect. La maman de la jeune fille voulant intervenir est finalement bousculée par l’individu et tombe au sol. Le gros problème c’est qu’elle était enceinte de 6 ou 7 mois. Apprenant la nouvelle, son mari décide d’attendre la fin de la grossesse et l’accouchement pour voir si cette bousculade aura des répercussions sur la naissance de son enfant.

La présidente du tribunal, Nathalie Brun.

En outre, l’auteur de la bousculade et le futur papa auraient a priori convenu d’un accord sous forme de dédommagement financier si le nouveau-né avait eu des séquelles. Environ deux mois s’écoulent, la femme accouche et le bébé serait né avec des rougeurs au niveau des yeux entrainant la colère du père et un désir de vengeance. Les deux hommes se seraient croisés par hasard dans la rue s’en est suivi une bagarre entre les deux individus avec des coups de pierres et des coups de bâton portés par l’accusé à l’encontre de l’auteur de la bousculade de sa femme. L’un des coups portés aurait entrainé un choc cardiaque, sans doute dû à une percussion au niveau du cœur, selon le rapport du médecin légiste. L’auteur de la bousculade, lui aussi papa depuis deux mois, ne se relèvera pas et décèdera quasi sur le coup.

Y-a-t-il eu préméditation et vengeance ?

L’ancien bâtonnier du barreau de Mayotte, maître Idriss.

L’avocat de la partie civile, maître Idriss, soutient dans sa plaidoirie qu’il s’agissait bel et bien d’une vengeance. « Cet homme a décidé de se venger. Il a attendu la fin de la grossesse de sa femme et a ôté la vie d’un homme lui aussi récemment père de famille. C’est une vengeance préméditée », argumente-t-il.  Selon l’avocat, l’épouse de la victime aurait entendu l’accusé prononcer « je vais te tuer » avant que la victime ne décède. Par ailleurs comme le souligne maître Idriss, « Il n’y a aucun certificat médical attestant que le bébé était né avec des yeux rouges. C’est une mort gratuite, il a simplement décidé d’ôter la vie car son enfant avait soi-disant les yeux rouges. Ce sont des violences préméditées. L’accusé n’a exprimé aucun remord, aucun regret durant cette audience. Aussi, je ne suis que le porte-parole d’un enfant de 8 ans qui a perdu son père et qui ne le connaitra jamais, assène -t-il. Il ne faut pas oublier le mal que cet individu a fait ».

L’avocat général Albert Cantinol.

La thèse de la vengeance et de la préméditation est également soutenue par l’avocat général, Albert Cantinol, pour qui le prévenu a délibérément décidé de prendre la vie à un être humain. « Il l’a frappé volontairement en utilisant des armes comme des pierres et un bâton, c’est un meurtre. Ce n’était pas une bagarre fortuite, lance-t-il devant le tribunal. Il a décidé de se venger en représailles de la chute de sa compagne enceinte quelque temps auparavant, c’est aussi pour ça qu’il est devant une cour d’assises. L’accusé est entièrement coupable et responsable », selon l’avocat général. En ce qui concerne les yeux rouges du nourrisson, aucun élément probant n’étaye cette version. « Il n’y a que lui (accusé) qui a constaté ça, la mère de l’enfant n’a rien vu. Dans cette histoire ce ne sont pas les absents qui ont tort… Le prévenu a tué un père de famille qui est mort pour rien. C’est une agression animée par la vengeance, il a lui-même avoué qu’il avait tapé en premier avec des coups de pied. Il ne faut pas trahir les intérêts de la victime, l’accusé doit répondre de ses actes ! ». L’avocat général a ainsi requis 13 ans de réclusion criminelle.

L’avocat de la défense, maître Cooper n’a pour le coup pas contesté le mobile de la vengeance car l’accusé l’a lui -même reconnu. « Mais il ne faut pas se tromper de débat, a-t-elle déclaré devant le tribunal. Dans cette affaire, c’est un drame qui a eu lieu de par la gravité des faits, le mal est fait… Mais ce n’est pas le procès d’un homme qui a prémédité son acte. Il y a plein de zones d’ombre dans ce dossier. On ne sait pas ce qui a tué la victime. Est-ce le lancement d’une pierre au niveau du cœur ? Un coup de bâton ? Les légistes ne sont pas formels sur la cause de sa mort ni sur l’arme du crime », défend l’avocat. Maître Cooper a ainsi maintenu qu’il n’y avait, selon elle, pas de préméditation et que ce sont des violences ayant entrainé la mort mais sans intention de la donner. « Pour moi ce n’est pas un meurtre et 13 ans de réclusion criminelle, c’est une peine extrêmement lourde ». Aussi, elle n’a pas plaidé l’acquittement mais a essayé de convaincre les jurés de « trouver le bon dosage en permettant au prévenu d’avoir soit un aménagement de peine ou bien un sursis probatoire avec des obligations et des interdictions ».

Cinq jurés ont été tirés au sort pour suivre ce procès.

Après plusieurs heures de délibération, le tribunal a finalement condamné le prévenu à 5 ans d’emprisonnement, dont 3 ans avec sursis, et son inscription au Fichier National des personnes Interdites d’Acquisition et de Détention d’Armes (FINIADA) pendant 5 ans.

B.J.

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