C’est avec près de 45 minutes de retard que le ministre chargé des Outre-mer accompagné du préfet de Mayotte Thierry Suquet et de Jacques Mikulovic, le Recteur de Mayotte, sont arrivés au collège de Tsimkoura sur la commune de Chirongui où une cinquantaine de membres de la FCPE les attendaient, ainsi que le sénateur Thani Mohamed Soilihi et la députée Estelle Youssouffa. L’objectif de cette rencontre était d’échanger sur les problèmes scolaires, ô combien nombreux, que connaissent les élèves mahorais. Trois thèmes principaux ont ainsi été abordés avec le ministre en toute franchise et parfois de façon très directe et animée afin d’apporter des solutions ou tout le moins des propositions. Il a donc été question du climat scolaire et du bien-être à l’école, de l’enseignement scolaire à Mayotte et des moyens à adapter à la réalité du territoire et enfin de la restauration scolaire face à la problématique de l’eau.
Le climat scolaire et l’enseignement au cœur des préoccupations des parents d’élèves
Les serviteurs de l’État ont donc été interpellés par plusieurs parents d’élèves soucieux de la réussite de leurs enfants. « Il y a une surpopulation d’élèves dans les classes et les établissements sont sous-équipés. Il faudrait baisser le nombre d’élèves par classe, augmenter le nombre de professeurs mais aussi les assistants d’éducation et mettre en place des classes de niveau, indique le secrétaire général de la FCPE de Mayotte. La mise aux normes des établissements est aussi une priorité afin de pouvoir accueillir les élèves en situation de handicap ou à mobilité réduite, a ainsi fait valoir le secrétaire général de la FCPE. Nous devons trouver des solutions pour construire des établissements scolaires de proximité », a-t-il poursuivi. Concernant la sécurité, le secrétaire général de la FCPE a fustigé le comportement des parents : « Ils sont démissionnaires, nous devons remédier à cela ».
« Par ailleurs nous refusons de devenir comme les quartiers Nord de Marseille ou ceux de Seine-Saint-Denis. Nous devons renforcer la sécurité à l’intérieur et aux abords des établissements en mettant plus de personnel le matin tôt et le soir à la sortie des cours, a insisté la coprésidente de la FCPE, Adidja Fatihoussoundi, avant de déclarer que « l’État français devait arrêter d’être une ONG pédagogique en accueillant tous les enfants mineurs, notamment étrangers. Nous voulons éviter que la rentrée à Mayotte soit celle des Comores », faisant référence aux balais de kwassas scolaires qui arrivent en masse sur nos côtes quelques jours avant la rentrée. « Nous refusons cela. Cette situation entraine l’échec des étudiants mahorais dans les études supérieures. Il faut nous donner les moyens matériels, humains avec du personnel formé. Nous sommes usés, nous sommes des parents fatigués », a-t-elle clamé.
La restauration scolaire, un enjeu majeur en cette période de pénurie d’eau
La restauration scolaire dans l’île est hétérogène puisque seulement 4 lycées disposent d’une cantine intégrée. Pour le reste ce sont des collations qui sont distribuées aux élèves et pas toujours au meilleur goût. Une des propositions de la FCPE est d’adapter les besoins à la population en privilégiant les circuits courts et d’équiper les établissements avec de salles de restauration. D’élargir le petite déjeuner gratuit pour tous les élèves de l’île et la mise en place de repas à 1 euro ou gratuit et d’assurer la distribution d’eau pour l’ensemble des établissements scolaires.
Interpellé sur ces questions, le Recteur a donc pris la parole et a rappelé que plus de 130 millions d’euros par an sur cinq ans vont être alloués aux collèges et lycées de l’île, ainsi que 50 millions d’euros par an pour les écoles. « Ce sont des investissements qui vont permettre la construction de nouveaux collèges et lycées et faire de la rénovation à l’image du collège de Tsimkoura, l’un des plus anciens de l’île dont le coût est estimé à 36 millions d’euros ». Concernant les systèmes de collation, le Recteur concède qu‘il est insuffisant mais qu’actuellement ce sont 22.500 élèves qui bénéficient chaque jour d’un petit déjeuner. Puis d’ajouter que « Des expérimentations vont être faites concernant la gratuité et la distribution de repas froid, notamment au lycée du Nord puis dans cinq autres établissements. Concernant la sécurité, cela relève plus de l’intervention du Préfet mais je salue l’implication et le soutient des parents dans le travail de collaboration ». Puis de conclure qu’il fallait sans doute revoir les outils d’évaluation pour les élèves mahorais car « Les résultats ne sont pas bons ».
La députée Estelle Youssouffa vent debout face aux mesure prises par le recteur et le Préfet
S’adressant tout d’abord au recteur la député LIOT Estelle Youssouffa n’a pas mâché se mots. « Monsieur le Recteur la situation que connaissent les élèves depuis la rentrée sur ce territoire est celle de la Covid mais sans la Covid. Il y a une interruption de la scolarité à cause de la crise de l’eau, ils ne bénéficient pas d’un bon enseignement. Nous demandons simplement qu’ils puissent étudier dans des conditions acceptables et puissent bénéficier d’un enseignement selon les règles de la République ». Puis de réprimer Jacques Mikulovic concernant ses propos sur le problème culturel autour de la délinquance à Mayotte. « Certains jeunes sont scolarisés avec des mineurs alors qu’ils sont adultes. Dans certaines classes 90% sont des étrangers sans parcours scolaires. Certains sont même inconnus de vos services, on ne sait pas qui ils sont car ils n’ont pas de responsable légal et ont été inscrits par des associations et sont souvent violents. On fait quoi contre cette délinquance, on les laisse dans des établissments normaux ? », s’est-elle insurgée.
Puis de renchérir, « Il faut arrêter de pourrir l’avenir de nos enfants ». S’adressant ensuite au Préfet, elle lui a reproché son manque d’anticipation concernant la pénurie d’eau. « Le raccordement des établissements au chemin de l’eau n’est pas efficace. Les citernes que vous avez commandées permettent de tenir 24h alors que nous en sommes maintenant à 72h. Vous le saviez au moment où vous les avez commandées, lui a-t-elle lancé. On hypothèque l’avenir de nos enfants ! Il faut les sortir de ce bourbier ». Elle a enfin regretté que le directeur de l’ARS ne soit pas là pour expliquer la non-conformité de l’eau dans certaines communes de l’île.
« J’accompagnerai ce territoire jusqu’au bout »
Le ministre Philippe Vigier a conclu cet échange en prenant la parole et en voulant rassurer les parents d’élèves sur l’avenir de leurs enfants. « Pour ce déplacement j’ai voulu rencontrer les parents d’élèves… C’est la troisième fois que je me rends ici à Mayotte depuis le mois de septembre. Mayotte on en parle avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin mais aussi avec la Première ministre, Élisabeth Borne, plus souvent que vous ne le croyez et maintenant on va agir ! ». Puis de rappeler que la crise de l’eau est une situation dramatique au moment le plus difficile. « Ne pas avoir d’eau pendant 3 jours est inacceptable. Nous devons trouver de l’eau en faisant des forages notamment mais aussi en faisant de la désalinisation de l’eau de mer. S’il le faut nous élargirons la distribution de bouteilles d’eau à une plus grande partie de la population mahoraise ».
Il est revenu ensuite sur les différents sujets sur lesquels il a été interpellé. « A Mayotte il manque 1000 classes, avoue-t-il. Il n’est pas normal que des enfants n’aient cours qu’une demi-journée par jour. Je vais proposer à Gabriel Attal, le ministre de l’Éducation nationale, de mettre en place des cours de soutien scolaire pour ces enfants ». Philippe Vigier est également revenu sur la nécessité de construire des écoles et que l’État fera des efforts pour généraliser les repas et les cantines dans les établissements scolaires. « Dans le budget 2024, 50 millions d’euros ont été rajoutés pour la vie scolaire concernant les repas, les livres, … Je ferai en sorte que Mayotte soit prioritaire », a-t-il assuré. Enfin concernant la sécurité, le ministre a insisté sur les moyens considérables déployés. « Les violences sont inacceptables. Les enfants doivent aller à l’école dans des conditions satisfaisantes, sans avoir la boule au ventre. On doit être intransigeant là-dessus », a-t-il conclu.
Aujourd’hui le ministre doit se rendre au port de Longoni afin de voir les opérations portuaires d’acheminement d’eau, puis sur la commune de Koungou, notamment à la mairie incendiée. Il se rendra cet-après-midi au RSMA puis au collège de Kwalé avant une réunion sur l’eau à la préfecture de Grand-terre. Philippe Vigier a notamment promis qu’il reviendrait dans l’île aux parfums à la fin du mois de novembre.
B.J.