En dépit d’un quotidien morose sur le plan sécuritaire et d’approvisionnent en eau potable, l’horizon se dégage pour les chefs d’entreprise qui reprennent moral. Certains en métropole feraient bien de venir faire un stage chez nous, côté résilience, ils en prendraient de la graine.
Certains indicateurs sont bons, d’autres moins, c’est ce qui se dégage du bulletin du 2ème trimestre 2023 de l’IEDOM, l’Institut d’Émission des départements d’Outre-mer. C’était il y a trois mois, et si le contexte de la crise de l’eau n’était pas au point critique que nous connaissons, elle était déjà connue et vécue : « Au deuxième trimestre 2023, la conjoncture économique mahoraise résiste malgré les prévisions d’activité pessimistes des chefs d’entreprise au trimestre dernier et les incertitudes liées notamment à la crise de l’eau », nous dit l’Institut.
Pour preuve, l’indicateur du climat des affaires (ICA) qui est un peu le baromètre du moral des chefs d’entreprise, progresse de 3,1 points, « il atteint son plus haut niveau depuis le second semestre 2021 ». Pour en connaitre la raison, il suffit de compter les grues qui s’élèvent au-dessus des chantiers : les carnets de commande se remplissent à vue de travaux urgents à sortir de terre. Établissements scolaires, infrastructures d’eau potable, etc. Les importations de biens d’équipement professionnel continuent de croître, sur le trimestre +2,9 %, et sur les 12 derniers mois, +29,5 %.
En réponse à cette dynamique d’activité, les chefs d’entreprises expriment toujours des besoins de recrutement. En revanche, ils sont plus nombreux à déplorer une détérioration de leurs délais de paiement, ce qui impacte défavorablement leur trésorerie.
Poursuite de formalisation du chômage
Pour le troisième trimestre 2023, ils anticipent une activité toujours bien orientée. Les prévisions d’investissement se maintiennent à un haut niveau. Le bilan de ces mois de juillet à septembre devrait leur donner raison sur les chantiers en cours, moyennant toujours l’impact de la crise de l’eau sur l’activité du BTP.
Du côté de l’inflation, les chiffres les plus récents ne viennent pas de l’IEDOM mais de l’INSEE, et la flambée de juillet d’augmentation des prix de +1,2% portant l’inflation à 4,3% sur les 12 derniers mois est portée par la saisonnalité des prix de l’aérien et par les prix des produits alimentaires.
Le chiffres du chômage ne sont toujours pas bons à Mayotte, et si au 2ème trimestre 2023, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A augmente légèrement par rapport au trimestre précédent, +0,4 %, en glissement annuel, le nombre de demandeurs d’emploi continue de progresser fortement, +22,3 %. Une explication est livrée par un autre organisme qui vient de publier des tableaux statistiques sur Mayotte, le CEROM (Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer) : « le nombre d’inscrits à Pôle emploi reflète encore davantage un rattrapage de déclarations administratives qu’une évolution conforme à la réalité socio-économique du territoire », la diminution du « halo » de personnes sans emploi en âge de travailler qui ne sont pas inscrites à Pôle emploi.
Fort recul des échanges commerciaux
Du côté des particuliers, la tendance est nettement moins bonne que chez les chefs d’entreprise. La consommation des ménages marque le pas. En dehors des immatriculations de véhicules neufs qui progressent de 2,2 %, les importations de produits courants reculent de 16,9 % et les importations de biens d’équipement du foyer de 16,1 %. Rappelons que le trafic portuaire s’est contracté avec une diminution de rotations de navires de la compagnie CMA CGM. Par ailleurs, les ménages semblent de plus en plus vulnérables financièrement : « le nombre de retraits de cartes bancaire s’accélère ces derniers trimestres, +15,3 % à fin juin et +36,6 % sur l’année ». Le seul indicateur qui se porte bien est l’encours bancaire des crédits à la consommation, +11,4 %, mais rappelons qu’à Mayotte, ils sont utilisés dans l’auto-construction immobilière.
Les importations se contractent sur l’ensemble des secteurs au 2ème trimestre, -6,2 %, mais n’atteint pas encore la tendance annuelle qui se maintient à + 2,9 %. De même, les exportations continuent de se dégrader au deuxième trimestre 2023, -17,8 % sur le trimestre.
Chez les commerçants, le moral est bon : « Malgré les prévisions alarmistes du trimestre dernier, probablement liées aux annonces de l’opération « Wuambushu », l’activité commerciale s’est maintenue dans l’ensemble au deuxième trimestre 2023 ». Ils sont nombreux à annoncer une augmentation de leurs prix de vente, leur trésorerie demeure positive. Pour le trimestre suivant, ils sont plus optimistes et prévoient une hausse de leur activité. Leurs projets d’investissement sont maintenus.
L’ensemble est porté par une conjoncture internationale favorable, « Selon les dernières estimations publiées par le FMI en juillet, la croissance économique mondiale devrait s’établir à 3 % en 2023. Ces prévisions ont été revues à la hausse de 0,2 point par rapport à celles publiées en avril 2023, ce qui s’explique notamment par la réduction des préoccupations concernant la santé du secteur bancaire ».
A.P-L.