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Délégation de députés : « Nous ne défendrons plus Mayotte de la même manière »

Quelques soient leurs bords politiques, le passage à Mayotte de parlementaires qui ne sont pas du cru est toujours une bonne chose, « on accepte des choses ici qui seraient impensables en métropole », à l’indignation logique et attendue, succède un argumentaire fourni de la part des trois députés LR, Aurélien Pradié (Lot), Pierre-Henri Dumont (Pas-de-Calais) et Raphaël Schellenberger (Haut-Rhin) que nous avons rencontrés à Combani.

Ce sont trois denses journées qui ont été préparées par leur compagnon de siège à l’Assemblée nationale Mansour Kamardine : visite du CRA, visite de Bandrajou, le bidonville de Kawéni, participation à une opération de lutte contre l’immigration clandestine, visites d’établissement scolaires, passage devant la retenue collinaire de Combani et au cœur d’une forêt, et discussion avec le Grand cadi lors d’une séquence sur la religion musulmane. Les trois députés ont bien sûr rencontré les principaux élus LR du Département, ainsi que les forces de l’ordre.

De tout cela ressort une première impression positive, « celle de l’attachement des Mahorais à la France ». Qui se double d’un détachement des Comores, leur faisons-nous remarquer, « oui, mais cette volonté acharnée de rester au cœur de la République ne doit pas être gâchée par des décisions qui ne sont pas à la hauteur. Or, la situation ici est indigne de la République », souligne Aurélien Pradié.

La tentation de faire de la politique et de dégommer le gouvernement en place pointe son nez, alors que le laisser-aller ne date pas d’aujourd’hui, on peut même parler d’une transversalité sur tous les gouvernements. Pour faire dans le concret donc, et avancer, l’argumentaire porte sur les déficiences constatées : « Comment peut-on faire de la lutte contre l’immigration clandestine avec deux radars mal positionnés, qui comportent des angles morts. Comment lutter efficacement contre la crise de l’eau si on hésite à rajouter 3 ou 4 millions là où en métropole ils seraient débloqués vu l’urgence ? ! »

Parmi les cases en tôle à Bandrajou, emmenés par Mansour Kamardine

« La ligne d’arrivée s’éloigne de plus en plus »

L’immigration clandestine, Pierre-Henri Dumont connaît le problème à Calais. Lors de la présentation du projet de loi Immigration, celui qui est porte-parole du groupe LR à l’Assemblée nationale avait prévenu « nous déposerons une motion de censure contre le gouvernement si son texte est trop laxiste ». C’est peu de dire que la situation à Mayotte l’a chamboulé : « La question de l’eau provient d’un sous-investissement chronique face à une surpopulation due à l’immigration incontrôlée. On accepte à Mayotte des choses qui sont impensables en République française. En métropole, l’idée même que la police ou la gendarmerie stationnent devant une école ferait hurler les syndicats. Et un maire qui laisse construire en zone submersible part en prison, quant à Mayotte ils sont légion à construire sur le lit d’une rivière. »

Le problème migratoire reste au centre des priorités, pour les trois députés : « Tout est sous-dimensionné, on a l’impression que la ligne d’arrivée qu’était la départementalisation s’éloigne de plus en plus au lieu de se rapprocher des standards métropolitains », une métaphore signée Raphaël Schellenberger.

Une certitude pour le trio, « on ne peut pas prendre des décisions concernant Mayotte sans être venus sur place. Quand Mansour nous disait que des jeunes se faisaient caillasser en sortant de l’école, ou qu’il n’y avait plus d’eau au robinet pendant deux jours, même si on connaissait son sérieux, nous avions du mal à toucher du doigt cette réalité. C’est sûr, nous ne défendrons plus Mayotte de la même manière ».

Une loi Mayotte traitée à part

Avec le président du CD Ben Issa Ousseni, ils ont parlé de la loi Mayotte

Des problématiques qui doivent être inclues dans une loi Mayotte dont ils veulent qu’elle soit traitée à part, et non incluse dans un texte comme la loi sur l’immigration : « Depuis 10 ans d’évolution institutionnelle de Mayotte, il n’y a pas de texte global, il en faut un. Toutes ces questions dont l’immigration, sortent du droit commun, il ne peut donc être rattaché à un autre texte. »  Est évoqué le droit du sol, « de toute façon, il est maintenant dérogatoire à Mayotte, il faut aller plus loin, il faut le suspendre », clame Mansour Kamardine.

Une possible opposition du conseil Constitutionnel ne les effraie pas, « il nous a donné raison à chaque fois de nos 5 consultations. »

L’amendement du sénateur Thani de conditionnement du droit du sol pour un enfant à la présence régulière sur le territoire de ses parents dans les trois mois avant sa naissance fonctionne, selon le député mahorais : « J’ai été interpellé l’autre jour au tribunal par des jeunes qui manifestaient et qui m’ont dit, ‘c’est à cause de vous qu’on n’a pas la nationalité !’ », un message qui s’adressait à son collègue sénateur mais qui prouverait selon lui l’efficacité du dispositif.

Ce recul dans le développement de l’île sur les besoins élémentaires, eau, sécurité, assainissement, les interroge sur les priorités, « combattre la misère dans l’urgence, ne doit pas priver les dirigeants de prendre en charge les mahorais. »

Anne Perzo-Lafond

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