Née d’une récente sollicitation régionale de la part de Cap Business Océan Indien* qui s’étonnait que rien n’eut été fait jusqu’à présent en cette symbolique date célébrée internationalement, l’Agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM), associée à la Chambre de commerce et d’industrie (CCIM), ont organisé au sein du Pôle d’excellence rurale de Coconi, une matinée ludique, informative et de sensibilisation en cette Journée mondiale des océans.
Remontons le cours de l’Histoire…
C’est à l’occasion de la Conférence internationale des Nations Unies, en 1992 à Rio des Janeiro (Brésil), consacrée aux questions climatiques et environnementales, qu’il a été décidé d’instaurer mondialement cette journée de ’’célébration’’ en faveur des océans. Une date symbolique qui est avant tout l’occasion de sensibiliser le grand public, de manière plus appuyée, quant aux rôle et enjeux des diverses mers qui recouvrent au total 70% de la surface de notre globe. Pour cette édition 2023, la thématique s’intitule » Planète océan : les courants changent ”. Plus que jamais d’actualité au regard des diverses alertes et évolutions critiques que nous rencontrons à travers le Monde. Dérèglement climatique, hausse thermique, élévation du niveau de la mer, acidification des océans… Une liste tristement longue à effet domino qu’il est important d’appréhender dans son ensemble pour en comprendre justement ses conséquences mais aussi les combattre pour que le devenir des jeunes générations ne se résume pas en un scénario catastrophique. Et c’est bien parce qu’on protège ce qu’on connait et qu’on aime qu’il est important de conscientiser les populations.
Immersion et grand plongeon
Pour cette 1ère et intimiste édition mahoraise dédiée notamment à notre lagon, une classe de secondes du Lycée Agricole de Coconi est venue assister aux diverses interventions proposées par des spécialistes et passionnés des océans; comme il fut cas avec Thomas Vignaud, photographe et biologiste marin, entre autres. Les jeunes et moins jeunes invités ont ainsi pu voyager à travers les eaux de ce Monde découvrant une aquatique richesse du bord de plage au tréfonds parfois abyssal, de la faune et de la flore, alliée à d’extraordinaires données, fruits de nombreuses années de travail et d’observation. Cenotes mexicains, vestiges historiques Mayas de sacrifices humains, grottes sous-marines. Cohabitation avec les requins, gardiens des récifs. Filtration, purification et indication de la qualité des eaux grâce aux éponges et bénitiers. Intelligence, conscientisation et extrême sensibilité des calmars et pieuvres. Personnalité pour chaque poisson. Anatomie des limaces de mer et leurs poumons extérieurs. Architecture sociale et vie de famille des cachalots… Une incroyable liste nourrie de photos toutes plus magnifiques les unes des autres alimentées d’anecdotes.
Et pour admirer ces belles choses, tel un spectateur privilégié, pas nécessité d’avoir un aquatique et onéreux équipement; la magie d’une marée basse peut tout aussi être instructive à condition respectueuse de faire attention où l’on met les pieds.
Brève cartographie de notre lagon
Introduites par la biologiste ethno-botaniste, Raïma Fadul, aussi présidente de l’association Atoll Mayotte, les 50 nuances de Bleu qui composent les 1 100 km2 de notre lagon, sont la résultante d’une naissance insulaire remontant à 8 millions d’années, propulsant ainsi notre île telle l’ainée de l’archipel auquel elle se rattache (Grande Comore étant la plus jeune).
Une vieille dame à l’ossature voutée qui s’affaisse et s’enfonce dans les eaux, à hauteur moyenne de 15 cm tous les 1 000 ans. Mais comme toute chose évolutive sur cette Planète, les récents événements sismo-volcaniques ont un peu accéléré le processus ces dernières années et toutes ces mutations naturelles et/ou humano-néfastes ont forcément un impact sur la qualité de vie recherchée et la protection qui nous était initialement octroyée. Une protection contre les phénomènes de vagues et de tempêtes, par exemple, offerte grâce à la singularité de notre somptueuse double barrière de corail (née il y a 26 000 ans), longue de 160 km, nous classifiant ainsi 3ème plus grand lagon fermé au Monde après ceux de la zone Pacifique de Rangiroa et de la Nouvelle-Calédonie. Une barrière offrant, 12 passes, 350 espèces de coraux répartis en 3 types de récifs : externes, frangeants et internes; richesse incroyable sachant qu’il en existe moins de 10 sur Terre.
Sans scoop, premier prédateur de cette indescriptible biodiversité : l’Homme. La pollution, le défrichement massif ayant un impact érosif sur les sols et des conséquences d’envasement notoire de notre lagon, détruisant par la même occasion notre second garde du corps aquatique contre un hypothétique tsunami et une montée des eaux. Cette seconde protection n’est autre que la mangrove. Véritable source de filtration et filet anti-polluants, elle fait également office de nurserie et abrite une biodiversité tout aussi phénoménale. Mais la mangrove se meurt et s’asphyxie et comme bon nombre de choses, il serait fort intéressant que l’Être humanoïde n’attende pas de fâcheux incidents pour commencer à agir et réagir dans une dynamique de respect, de valorisation et de protection anticipée. Fort heureusement, les prises de consciences évoluent peu à peu et notamment auprès de nos pouvoirs publics.
Des politiques de compensation
Il est certain que le développement d’un territoire, notamment insulaire, face aux enjeux démographiques, ne peut malheureusement se faire sans engendrer une destruction de la Nature, qu’elle soit terrestre ou bien marine. Le brulant dossier de notre piste longue aéroportuaire sur mer ou en montagne en est le parfait exemple. Pour ce faire, les institutions et gouvernements se veulent tout de même de plus en plus soucieux et même si le Dieu Protection de l’Environnement ne peut encore prétendre en une pleine rivalité avec le Dieu Dollar, les études de faisabilités des projets comportent désormais des volets environnementaux et compensatoires bien plus prononcés, avec des aspirations régionales priorisées comme il est cas pour la CCIM qui souhaite par exemple amoindrir les tracés et rotations internationales de marchandises à destination de notre département.
En plus d’être onéreuses, lourdes et polluantes, les voies actuellement exploitées sont limitatives pour notre autonomie. Dans cette nouvelle vision d’autonomie justement tant convoitée, alliée à une approche écologique qui ne peut s’écarter, le Service des projets et infrastrures de la CCI de Mayotte est en phase finale d’approfondissement de la création d’une compagnie maritime cargo locale ayant pour objectif les pleines exploitation et ouverture de la coopération régionale Canal Mozambique/océan Indien. Parmi les porteurs de projets déjà positionnés pour fournir la flotte escomptée, la compagnie maritime Windcoop qui propose des porte-conteneurs à la voile, propulsés par l’énergie gratuite et non polluante du vent ! Et cette approche écologique et révolutionnaire n’est pas pour déplaire à Hindou Madi-Souf, cheffe de projets auprès de la CCI : « C’est justement cet aspect hybride voire novateur et surtout pleinement respectueux de la Nature que nous recherchons, sachant de surcroit nos demandes de subventions auprès de l’Europe dans une dynamique d’innovation environnementale et climatique« .
Car, bien entendu, Protection de l’Environnement, de la Nature et des océans n’est pas antinomique avec le souhait de développer une activité économique et respectueuse d’un territoire, cette journée de sensibilisation des nos eaux mahoraises était l’occasion de mettre en lumière l’importance plus que jamais urgente de préserver notre lagon et indirectement notre île au moyen d’une vision et d’une approche qu’il faut fondamentalement repenser, si l’on aspire à laisser à nos jeunes générations futures un paradis terrestre et insulaire déjà tant admiré de par le Monde.
Un paradis dont la population locale n’a pas toujours conscience mais la projection de photographies de ce Monde sous-marin, au final encore méconnu, fut l’occasion pour bon nombre de jeunes lycéens présents à cette matinée, de ressortir de la salle de conférence surpris, nouvellement curieux mais surtout, émerveillés… Gageons dès ce week-end que certains d’entre eux y réfléchiront à 2 fois avant de poser leurs pieds sur nos fertiles rivages et qui sait, devenir à leur tour de parfaits ambassadeurs de notre lagon.