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jeudi 28 mars 2024
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Études sismo-volcaniques et pédagogiques vont de pair 

C’est ce vendredi au sein de l’amphithéâtre du Cufr de Dembéni que s’est tenue la toute première conférence publique retraçant l’évolution des connaissances acquises en lien avec le jeune volcan Fani Maoré mais également les différents axes d’enseignement parallèles pouvant être développés quant à sa représentation globale.

Lorsque l’on regarde en arrière, au final peu de temps nous sépare entre aujourd’hui et les prémices sismiques qui se sont officiellement faites ressentir le 10 mai 2018. Des centaines de secousses ressenties, guère rassurantes du fait du caractère répétitif et singulier de la chose, ayant de surcroit offert, 5 jours plus tard, un climax tellurique régional sans précédent d’une magnitude de 5,9 sur l’échelle de Richter allouant ainsi à la face du monde scientifique, un terrain d’étude concret en une région du globe peu observée sur ce plan. C’est en tout 1 330 séismes, d’une magnitude supérieure à 3,5 qui ont été enregistrés en mai 2018 marquant le départ des conjointes dynamique et mobilisation scientifiques de l’IGN, du CNRS et des universités spécialisées* en la matière. 

Mayotte tout feu tout gaz se déplace…

Il a été noté que le plus gros de la crise sismique ressentie, s’est avant tout concentré sur les 10 premiers mois présentant par la suite une sorte de décroissance jusqu’en 2020, matérialisée par un nombre de séismes moindre et surtout peu, voire non perceptibles par nos humanoïdes sens.

Etude du déplacement de Mayotte et de son enfoncement dans l’océan au moyen initial de 3 antennes GPS

À cette activité moindre s’est greffée une étude de trajectoire, au moyen d’antennes GPS, confirmant la direction Est et l’enfoncement de notre territoire. Bien qu’il soit un phénomène tout à fait naturel que les îles d’origine volcanique se déplacent et/ou s’enfoncent, la singularité de Mayotte réside en la rapidité marquée de cette manifestation portant une immersion, non uniforme bien entendu, de -10 cm la première année pour arriver à près de -20 cm fin 2020. Et c’est bien en raison de cette étude que l’hypothèse d’une source volcanique active a germé dans les esprits de la communauté scientifique. Cette source magmatique située à près de 50 km de nos cotes par 3 000 m de fond représentait à la fois l’épicentre global mais aussi une source de dégazages massifs de CO2 du fait de sa déstabilisation, entraînant par la même occasion une libération importante de magma ayant poursuivi une direction sous-marine vers l’Est.

Réseau de surveillance instrumental plutôt restreint disponible au début de la crise sismique en mai 2018

Ce chemin magmatique préférentiel « a engendré une déformation de la cartographie sous-marine sur laquelle repose aussi les bases de Mayotte, ce qui explique les phénomènes d’affaissement et de mouvance observés » comme le souligne Charlotte Mucig, directrice de l’antenne mahoraise du BRGM. C’est ainsi que les phénomènes sismiques ont peu à peu migré vers l’Est en plus de l’accumulation magmatique qui s’est produite donnant également naissance à notre fameux petit volcan sous-marin : Fani Maoré. À cette subsidence terrestre s’est jointe une observation sismique nouvelle, relative à la résonance des fluides magnétiques des fonds, de type VLP (Very long period) qui a donc amplifié la thèse volcanique de l’origine des séismes de Mayotte. 

Mettons la tête sous l’eau

Bien que tous les phénomènes observés, en amont et à l’époque, aient offert en un temps record des précisions et données relativement abouties, au regard des moyens et outils scientifiques plutôt restreints, l’investigation sous-marine poussée au plus près de l’activité se devait d’être mise en place. C’est donc l’arrivée du bateau scientifique de l’Ifremer, le Marion Dufresne, en mai 2019 qui a été un tournant majeur pour la poursuite de l’étude marquant ainsi le point de départ de la campagne océanographique.

Cartographie plus élaborée grâce à la campagne océanographique permettant de mettre en avant la découverte confirmée de ce nouveau volcan

Grace à ses instruments notamment de mesure de résonance acoustique, une topographie plus aboutie du site a pu présenter un panache éruptif sous-marin de près de 2 800 m de haut ainsi qu’un nouveau volcan émergeant de 820 m de haut (soit x1,5 le Mont Choungui) et de 5 km de diamètre. L’origine « magmato-volcanique de la sismicité était donc pleinement confirmée » précise C. Mucig face au public de cet amphithéâtre complètement captivé. Cette éruption volcanique sous-marine observée (flux de lave pendant plus de 2 ans et demi et quantifiés à 180m3/s. la première année) est l’une des plus importantes** au Monde car elle offre cette chance de pouvoir être étudiée quasiment en temps réel du fait de sa faible profondeur, en comparaison d’autres phénomènes de ce type à travers les abysses des différentes mers du globe. Sachant qu’il n’existait pas en amont d’observatoire volcanologique et sismologique régional, cette prompte mise en place d’outils modernes et performants à la fois terrestres et sous-marins a permis de nettement améliorer les réactivité et précision d’étude des services scientifiques au regard des demandes à la fois gouvernementales mais aussi des légitimes informations délivrées à la population.

Croisement des divers outils et données permettant d’élaborer ce schéma actuel de l’activité sismique-volcanique de notre île

Différents essaims sismiques 

Pour visualiser l’activité sismique actuelle observée par les scientifiques, il est cartographié de manière globale 2 zones de séismes dits « d’essaim » (réguliers et peu espacés) suivant donc l’évolution du chemin tracé par le magma situé entre 2 500 et 5 000 m de profondeur. Une zone dite ’’proximale’’ du fait de sa proximité avec nos cotes, ciblée en cette fameuse zone du Fer à cheval, et l’autre ’’distale’’ située plus près du volcan Fani Maoré qui présente une activité sismique plus soutenue.

Roches d’origine volcanique prélevées sur ce site sous-marin (à g. la plus récente)

Le dernier bulletin sismique datant de février 2023 révèle plus de 2 060 séismes d’une magnitude minimale de 3,5 sur l’échelle de Richter et près de 438 séismes sur l’inter-régionalisation Comores et Canal du Mozambique confirmant l’activité volcano-sismique de toute la région. Et c’est grâce à toutes ces minutieuses techniques d’études croisées, aussi de composition des sols, que les données scientifiques, alliées à l’anticipation des visions et scénarios, sont de plus en plus étayées. Des visions et données scientifiques précises déterminant de potentiels risques induits et/ou combinés pour lesquels il est aussi important d’impliquer les populations au regard de leurs expositions et vulnérabilité.

Pourquoi la science ne peut se dissocier de l’approche sociologique ?

Au même titre que l’Histoire des civilisations humaines a façonné et façonne toujours le Présent, il en va de même pour les phénomènes naturels universaux qui ne peuvent être dissociés du chemin de vie des êtres humains. Des phénomènes plus ou moins prévisibles et dangereux, entrainant indubitablement des conséquences pour les populations et c’est en ce sens aussi de dynamique pédago-préventive que l’approche des sciences humaines a son importance.

Introduction du caractère sociologique de ce phénomène par la maître de conférences Maud Devès

Comment à la fois sensibiliser, informer et préserver ces populations? Là est tout l’Art de la Sociologie pour lequel Maud Devès, maître de conférences à l’Université de Paris Cité, accompagnée de Louise Le Vagueresse, doctorante à l’Institut Physique du Globe de Paris, sont venues ouvrir le débat, notamment auprès des enseignements de notre territoire, lors de cette conférence ayant pour intitulé initial : « Connaissances actuelles de l’activité sismo-volcanique au large de Mayotte et adaptations pédagogiques ».

Propre à la perception de chacun, la notion de risque diffère bien entendu d’un individu à l’autre au regard de son vécu, son environnement social, ses capacités physiologiques, son âge, ses connaissances, sa personnalité et autres facteurs légitimes en corrélation plus ou moins directe avec l’éducation reçue en amont. « Il est important de rappeler les notions qui composent le risque » introduit, Maud Devès avant de poursuivre,  « le phénomène dangereux en lui même, appelé aléa, auquel s’ajoutera différentes situations face à ce phénomène dangereux, appelées exposition, mais auquel s’introduit aussi le caractère de vulnérabilité de la personne; toute cette équation définira le risque en lui même ». Une donnée donc des plus complexes qui ne peut se limiter en une approche scientifique puriste et qui se doit justement d’offrir un panel plus complet notamment au regard de la singularité de chaque territoire en termes d’exposition et de vulnérabilité dépassant le phénomène purement naturel en lui même. C’est ainsi que toutes les notions de cultures et de traditions, s’entrecroisent avec les dangers et les enjeux en lien avec une, voire des, manifestation(s) naturelle(s). « Là est donc la complexité de tout un travail scientifique par d’autres scientifiques » en une configuration qui, au final présente peu, voire pas, d’historique  régional tracé en la matière ! Un travail titanesque pour définir au mieux cette caractérisation de la notion de risque mais aussi pour offrir d’avantage de connaissance en l’Histoire géologique de notre île afin d’assimiler plus aisément les potentiels risques et dangers auxquels la population est exposée. 

Mayotte et les autres territoires volcaniques

Ça n’est parce que nous avons vécu un phénomène qu’on le connait et le maitrise forcément. Cette comparaison faite aussi au regard des territoires ultramarins français tend à mettre en lumière que notre approche pédagogique et préventive n’est pas encore aussi poussée qu’en d’autres parties du globe où l’activité volcanique et/ou sismique est notable. Une approche où l’enjeu de vulgarisation des données scientifiques à des fins pédagogiques est indispensable, tout comme la stimulation intellectuello-participative et pluridisciplinaire des élèves afin de susciter la motivation d’apprentissage de ces derniers comme le souligne dans le débat d’échanges, Jean-Berky Nguala, formateur des enseignants de mathématiques au Cufr. Une participation qui se voudrait pourquoi pas au moyen des relevés d’une station sismologique de notre île, permettant ainsi de mettre en application les matières telles  que les Sciences et Vie de la Terre ainsi que les Mathématiques, comme cela se fait en Martinique.

Ouverture des échanges avec le public en présence. Ici, le professeur Jean-Berky Nguala du Cufr

Du côté de l’Islande, territoire insulaire également soumis à une forte Histoire sismo-volcanique tracée, les populations et élèves peuvent visionner par exemple un documentaire éducatif, intitulé Hveragerdi en lien le séisme de magnitude 6,3 qui a frappé l’île en 2008. Un musée dédié aux pierres et minéraux offrant une exposition sur ce même phénomène est aussi souvent visité par les classes où un simulateur de séisme y est même présenté. Au Portugal, il existe un jeu numérique éducatif sérieux offrant la simulation du comportement réflexe à avoir en cas de séisme (couper le gaz et/ou l’électricité, prendre une trousse de 1er secours…) ainsi que le parcours à entreprendre pour aller se mettre en zone sécuritaire. En Nouvelle-Zélande et Australie, l’éducation vise à faire tester et manipuler différents matériaux par les élèves pour limiter l’impact des dégâts causés par un Tsunami par exemple ou encore concevoir un sismomètre de manière simple et ludique. En somme, un travail de représentation des risques visant à amorcer une sensibilisation concrète en plus de modalités et process qui se doivent d’être élaborés de manière décentralisée afin d’apporter plus de cohérence et d’impact au regard de la singularité de chaque territoire.

Présentation, par Louise Le Vagueresse, des différents supports et idées pédagogiques mis en place à travers le monde en lien avec les phénomènes naturels

Ainsi vous l’aurez compris, ce phénomène naturel extraordinaire, au final naissant pour Mayotte, offre dans l’immédiat une multitude de pistes à explorer tant dans l’approche et les découvertes purement scientifiques que dans l’offre des connaissance à destination du grand public, de l’enseignement et des élèves. La mise en place de supports locaux est proportionnelle à l’avancée des découvertes car l’un ne peut se substituer à l’autre au risque de créer de la désinformation. Cette collaboration institutionnelle, encore en phase d’élaboration test et réglages, vise un travail participatif précis, efficient et efficace de représentation avant tout pour notre territoire et sa population.

MLG

*CNRS, BRGM, Ifremer, IPGP, IGN, Snes, Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom) et universités de Paris, Grenoble, Clermont, Strasbourg, la Réunion, Bretagne, La Rochelle…

** Dû à l’aspect sous-marin, peu d’éruptions et de naissances de volcans ont pu être observée. L’éruption mahoraise est la plus grande observée depuis le volcan islandais le Laki entre 1783 et 1784.

Carte de l’activité sismologique récente et de la possibilité de déclarer un séisme ressenti via le site du BCSF Renass
Introductions des 3 protagonistes en charge de la présentation scientifique de cette conférence publique des plus intéressantes

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