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Mamoudzou

Construire des ponts entre les acteurs publics, un enjeu pour le développement de Mayotte

"10 millions d’euros de subventions n’ont pas été récupérées alors que les ouvrages sont terminés ». Identifier les contraintes et les leviers de la politique d’investissement à Mayotte, telle a été la thématique abordée par les décideurs publics lundi matin à l’hôtel Sakouli. Organisé par l’Agence française de développement, l’objectif consistait à la mise en lumière de leurs besoins afin de les soutenir dans leur démarche de développement du 101e département.

Ambiance studieuse à l’hôtel Sakouli ce lundi matin. Si certains vacanciers ont pu profiter des avantages de la piscine, avant que le soleil ne cède la place aux nuées orageuses, le restaurant de l’établissement s’est transformé le temps d’une matinée en salle de réflexion. Une cinquantaine de décideurs de la sphère publique se sont réunis autour de trois ateliers thématiques afin « de faire remonter les attentes des partenaires pour adapter l’offre de l’Agence française de développement », renseigne Anne-Gaël Chapuis, directrice adjointe à l’AFD de Mayotte. Ces ateliers de réflexion se sont intéressés aux contraintes et leviers des politiques d’investissements à Mayotte et ce, afin « d’identifier les blocages, les points de frictions » entre les différentes parties-prenantes.

Trois ateliers ont été organisés par l’AFD

Des outils financiers s’adaptant au besoin des collectivités

Certes si en dix ans, le produit des impôts directs – tels que la taxe d’habitation – et indirect – comme l’octroi de mer – a plus que doublé à Mayotte, selon une note de septembre dernier du Comptes Economiques Rapides pour l’Outre-mer (CEROM), les communes ne sont pas pour autant en mesure d’avancer la trésorerie nécessaire pour mener à bien certains projets d’infrastructures. Or, comme l’explique Anne-Gaël Chapuis, « les subventions de l’Etat ou de l’Union européenne se font sur présentation des factures, a posteriori des travaux ». Pour assurer la trésorerie nécessaire, l’AFD a « su adapter ses outils financiers notamment avec le préfinancement de subventions », note la directrice adjointe. Dans ce cas, c’est l’agence qui avance la somme nécessaire à la collectivité pour permettre à cette dernière de pouvoir engager les travaux.

Le manque de communication nuit à l’efficacité des projets de développement

C’est ainsi qu’en novembre dernier un préfinancement de 45 millions d’euros a été conclu avec la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou pour le financement des travaux de la première phase du projet Caribus concernant la ligne 1. Pourtant, pour l’un des participants « on ne peut pas développer le territoire sans que tous les acteurs ne se mettent autour de la table ». Les désagréments générés par l’installation des feux tricolores à Passamainty, au début du mois de décembre, semble ainsi constituer un cas symptomatique de ce manque de concertation, amplifiant considérablement des problématiques de circulation préexistantes, tout en mettant devant le fait accompli les usagers de la route.

La communication entre les décideurs publics aurait pu permettre d’anticiper les désagréments générés par les déviations de Passamainty

Ce manque de communication entre les différents acteurs publics mais aussi entre les services d’une même collectivité a constitué le fil directeur commun lors de la restitution des différents ateliers. « C’est le problème des collectivités et du département », constate Salim Mdéré, premier vice-président du conseil départemental chargé de l’Aménagement du territoire, des infrastructures et du foncier. Ce problème de communication n’est pas sans conséquence puisque selon lui, « les collectivités ne parviennent pas à justifier leurs dépenses pour avoir les subventions alors même que les travaux ont été réalisés ». Résultat, à l’heure actuelle « 10 millions d’euros de subventions n’ont pas été récupérées alors que les ouvrages sont terminés », constate-t-il.

Dialogue et priorisation, deux étapes clés de la réflexion

« Favoriser les réunions interacteurs », « évoquer le besoin de concertation entre les équipes techniques » ou encore « résorber le manque de concertation entre les parties-prenantes d’un même projet » sont autant d’axes de réflexion qui ont émergé des ateliers. Le « renforcement du dialogue élu-technicien constitue également une piste identifiée », souligne Ivan Postel-Vinay, directeur de l’AFD Mayotte. Autre élément mis en évidence, le besoin de priorisation des projets d’investissement.

Les conclusions pour chaque atelier ont l’objet d’une présentation

Selon lui, « les projets ne sortent pas tous de terre, c’est la réalité ». En cause ? Leurs multiplications. Certes les besoins du territoire sont sans commune mesure avec les autres départements français mais, selon lui, il faut avoir « le courage politique de se concentrer sur certains d’entre eux pour les mener jusqu’au bout ».

Une stratégie qui permettrait un gain de temps mais également une meilleure allocation des ressources financières et humaines. Une gageure, en témoigne le rapport de juin dernier de la Cour des comptes : « les collectivités locales, […] département en tête, manquent d’expertise et d’ingénierie. L’émergence d’une élite mahoraise ne fournit pas encore en nombre suffisant les cadres dont Mayotte a besoin ». Si les réflexions menées ont pu parfois emprunter le chemin maintes fois défriché des lieux communs (nécessaire maîtrise du foncier, problématique de la perte de mémoire affectant la continuité des actions entreprises), les restitutions des ateliers semblent avoir permis de rappeler aux décideurs publics et politiques qu’ils sont des aménageurs du territoire dont l’objectif premier, à l’instar des propos du président de la République du 15 septembre dernier, est « de continuer à aménager la trame sensible, intime du pays par les projets concrets ». Une démarche ambitieuse dont le fondement repose, avant tout, sur l’écoute et, en définitive, l’humilité.

Pierre Mouysset

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