« La troisième vague est finie ». Dans la salle de conférence de l’ARS où il dressait un bilan de ces dernières semaines, le directeur de l’ARS Olivier Brahic ne cache pas son soulagement. En effet, il y a deux mois, le 14 décembre, le premier cas de variant Omicron était enregistré à Mayotte. « On attaquait une falaise » se souvient le directeur de l’ARS qui évoque une hausse des cas « exponentielle ». Le pic allait être atteint le 8 janvier avec un taux d’incidence record de 1645 cas pour 100 000 habitants. A titre de comparaison, le variant Beta, qui avait fait bien plus de victimes début 2020, avait plafonné à 872 d’incidence à son pic. Mayotte n’ayant en revanche pas ou peu connu le variant delta, « Omicron a eu le champ libre » analyse Olivier Brahic. Lorsque ce variant a pris de l’ampleur, « on avait peu de recul », et « le brassage de voyageurs de fin d’année était un facteur de risque » se souvient-il. Dès lors s’est engagée une « course contre la montre ». 35 000 auto-tests distribués à l’aéroport, jusqu’à 6500 tests pour 100 000 habitants et surtout une campagne vaccinale à flux tendu qui a permis d’administrer jusqu’à plus de 6000 doses par semaine. Résultat, 92,3% de la population de plus de 12 ans a reçu au moins une dose, et 81% de la population cible en a reçu deux. « La population a respecté les mesures barrière » et adhéré à « la vaccination » salue le directeur qui se félicite de cette mobilisation de tous, clé d’une « immunité assez élevée pour passer cette vague sans trop de conséquences ».
Alors que la pandémie semble entrer dans une phase « chronique », le responsable de l’ARS prévient toutefois. « L’enjeu maintenant est de maintenir un taux de vaccination élevé. On n’est pas à l’abri d’un nouveau variant. Cette immunité collective, il ne faut pas qu’on la perde. On a gagné une bataille, mais on n’a pas gagné la guerre » poursuit-il, reprenant l’allégorie martiale adoptée par le président de la République de son son allocution du début de la pandémie. « Il va falloir beaucoup de pédagogie pour dire que la pandémie n’est pas terminée » anticipe le directeur de l’ARS. Selon lui, « on peut s’attendre à une vaccination annuelle comme pour la grippe saisonnière » même si pour l’heure « ce n’est pas à l’ordre du jour ».
Un projet de santé qui oublie le sujet clé de la natalité
Ce point presse annonçant la fin de la troisième vague était aussi l’occasion de se tourner vers l’avenir, avec l’accélération annoncée du calendrier pour le projet de santé pour Mayotte. Ce dernier doit remplacer dès 2023 le projet de santé Océan Indien avec pour ambition de « réduire les inégalités territoriales de santé » via « un plan d’action clair et opérationnel » reposant sur « une vision commune de tous les acteurs » et surtout sans « grand blabla ». A la clé, renforcement de l’offre de soin, meilleur maillage territorial, augmentation de la capacité de la maternité et du service de néo-natalité, mais aussi rénovations des chambres d’hospitalisation, création d’une filière pédiatrique dédiée, renforcement des centres de référence avec des hélisurfaces pour chaque dispensaire et un nouveau service psychiatrique, en Petite Terre, où l’hôpital sera lui aussi renforcé. Dans les projets à moyen terme, les 19 hectares du futur hôpital de Combani et la clinique « médico-chirurgicale » de Chirongui seront renforcés par un autre projet privé de service de soins de suite et de réadaptation dans le sud. Des « pools » seront créés ainsi que des « filières d’excellence » pour former en local les personnels spécialisés dont Mayotte a tant besoin.
Mais les grands absents de ce programme fourni sont les projets de médecine préventive, et notamment concernant la natalité. Si un programme est annoncé concernant les maladies cardiovasculaires, les sujets phares tels que planning familial, éducation à la contraception ou encore politique de natalité sont renvoyés à plus tard. Ce, alors que la natalité est le premier poste de progression de la démographie aujourd’hui à Mayotte, au point de devenir avec plus de 10 000 naissances en 2021, un véritable enjeu de santé publique, mais aussi d’éducation et in fine, de projet de société. Un sujet phare sur lequel « l’ARS ne peut pas agir toute seule » estime Olivier Brahic. Mais sans lequel à moyen terme, ses projets de « pools » pourraient bien mourir dans l’œuf.
Y.D.