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Mamoudzou

Insécurité : le commissaire Simonin met plus de « bleu dans la rue » la nuit et les week-ends

Davantage de moyens pour moins de policiers sur le terrain en France... la Cour des Comptes étrillait la police nationale dans un rapport dont nous nous étions fait l’écho. Profitant de la présence d’un haut fonctionnaire à la tête de notre police à Mayotte, promu au grade de commissaire général, le plus haut des commissaires, nous avons fait le point avec Laurent Simonin sur l’état opérationnel des services de la DTPN* dont il a pris la tête le 12 mars 2021.

En France, la police nationale traite 65% de la délinquance, le reste étant du domaine de la gendarmerie. Quelle proportion ici, où votre zone porte sur le Grand Mamoudzou, de Vahibe au rond-point Jumbo ?

Laurent Simonin : Sur 10.000 faits constatés, nous en traitons 40% sur l’ensemble du territoire, le reste relevant de la gendarmerie nationale. Cela intègre également les actions policières de la PAF liées à la lutte contre l’immigration clandestine sur l’ensemble du territoire.

Le rapport de la Cour des comptes dévoile un taux d’élucidation national des affaires de moins de 30% (13% pour les vols avec violence et les cambriolages, 62% pour les homicides), en raison d’une défection dans la police judiciaire qui n’attire plus. Quels sont vos résultats à Mayotte ?

Laurent Simonin : D’abord c’est quand même le rôle de la police nationale que d’arrêter et soumettre les auteurs des faits à la justice. Le taux d’élucidation est le signe d’une bonne santé d’un service. A Mayotte, nos indicateurs sont bons. Il était de 44% en 2020, donc plus élevé qu’au national, et sur les 11 premiers mois de 2021, le nombre d’affaires élucidées a augmenté de 25%, et le taux d’élucidation a grimpé de 7 points, pour atteindre 51%.

Empêcher les fauteurs de trouble de s’organiser

De meilleurs résultats que la moyenne nationale, quelle explication sur ces deux tendances ?

Laurent Simonin : Sur le nombre d’affaires élucidées, c’est étrange, car il n’y a pas de plan d’adressage ici, donc c’est plus compliqué de retrouver le coupable. Je pense que c’est le bouche à oreille qui permet à la BAC, la Brigade Anti-Criminalité, d’être plus efficace, ils arrivent à trouver quelqu’un n’importe où. Il y a notamment parmi eux 7 policiers locaux qui jouent un rôle prépondérant. Le territoire est petit aussi.
Sur la tendance d’une évolution à la hausse du taux d’élucidation, j’ai davantage d’explications. Sans vouloir me mettre en avant, j’ai initié un système cyclique de rythme de travail, pour les policiers judiciaires qui traitent le flagrant délit. Ils travaillent sur un temps très court après les faits ce qui empêche l’auteur des faits d’organiser sa cache sur le territoire, ou éventuellement son départ vers Anjouan. D’autre part, ces policiers travaillent désormais autant le week-end que la semaine, ce qui n’était pas le cas. Nous sommes passés de 3 à 8 sur 12 heures. Nous absorbons parfois plus de travail le week-end qu’en semaine, avec 10 à 15 gardes à vue sur les samedi et dimanche.
D’autre part, j’ai renforcé les équipes de nuit sur le traitement judiciaire, ils sont 4 désormais. Quand il y a un coup dur la nuit, on fait les constatations, on entend les témoins.
Un système cyclique qui a diminué les heures supplémentaires pour les groupe sollicités les week-end, qui sont davantage présents en semaine du coup (une réorganisation qui anticipait une des préconisations du rapport de la Cour des Comptes, ndlr).

Davantage de flagrant délit

Vous disiez que la BAC était performante, a-t-elle bénéficié d’une réorganisation ?

Laurent Simonin : Oui, ils sont désormais destinataires de la plainte immédiatement après qu’elle soit prise. Cela part directement sur leurs Smartphones, ils peuvent être plus rapidement sur le site et interpeller les personnes. Ça favorise le flagrant délit.

En matière de dépôt de plaintes, le rapport Sécurité du Sénat ancre la certitude d’une sous-estimation des faits de délinquance, notamment d’après votre témoignage et celui du COMGEND. Comment inverser cette tendance ?

Laurent Simonin : Lorsque les gens ne déposent pas plainte, c’est soit parce qu’ils sont blasés, soit parce qu’ils sont en situation irrégulière et qu’ils ne veulent pas avoir affaire à la police. Nous pouvons agir sur les premiers en améliorant l’accueil au commissariat. J’ai doublé le nombre d’agents qui traitent les dépôts de plainte, ce qui diminue déjà le temps d’attente à l’accueil. Évidemment, quand on fait ça, on prend le risque de voir exploser le nombre de faits constatés, et son action mise en doute. Mais si on veut rendre service, il faut faciliter les démarches des plaignants. Déjà, je reçois moins de courrier de protestation, c’est bon signe !

« Les violences nocturne ont augmenté de 85% »

Passons à l’autre axe du rapport, le taux d’engagement des policiers sur le terrain qui a chuté sur l’ensemble du pays, malgré une hausse des moyens. Y a-t-il « du bleu dans la rue » à Mamoudzou ?

Laurent Simonin : Par rapport à notre effectif total, nous avions 15,5% de fonctionnaires sur le terrain en 2020, et 21% en 2021. Étant donné l’activité nocturne, il n’y avait pas assez de monde positionné. Je profite des remplacements des fonctionnaires de Mayotte tous les 4 ans, pour repositionner les nouveaux arrivants sur les besoins, en l’occurrence la nuit. De 18h à 6h du matin, nous avons 7 véhicules qui tournent, sur le Grand Mamoudzou, avec 3 policiers à bord. Donc nous avons une augmentation du taux de présence sur le terrain y compris la nuit. Il a fallu mettre en place un service de commandement de nuit, avec des officiers qui se relaient tout au long de l’année. Comme ce qui se fait dans tous les départements de taille moyenne en France.
C’était d’autant plus nécessaire que le nombre de violences urbaines a augmenté la nuit de 85% en 2021, par rapport à 2020, en caillassages contre les forces de l’ordre et les citoyens, barrages, petits incendies, des actions de bandes le plus souvent, quartiers contre quartiers, avec des pointes le week-end.

PAF
Deux intercepteurs en service sur les quatre

Justement, comment sont répartis vos effectifs ? Prioritairement alloués à la PAF ?

Laurent Simonin : Non. Nous avons 714 fonctionnaires à la DTPN, tout compris, police et administratifs, dont 320 à la PAF, 100 en police judiciaire, 215 sur la sécurité publique, une dizaine sur la formation, et 12 au renseignement.

Le service de renseignement semble sous-doté…

Laurent Simonin : Le service fonctionne à peu prés sur tout ce qui relève du social, mais n’est pas assez développé pour tout ce qui est des violences entre bandes et pour judiciariser les renseignements dans le cadre d’une procédure judiciaire. Nous allons l’améliorer.
Au sujet des violences, je vous informe que nous venons d’arrêter deux chefs de bande, un homme et une femme, deux adultes qui sont actuellement en prison. Ils sévissaient sur Kawéni où ils donnaient des instructions en instrumentalisant des mineurs et récupéraient ce qui était volés. Ce genre d’actions reste notre priorité.

Êtes vous confronté à une aggravation du trafic de stupéfiant à Mayotte ?

Laurent Simonin : Pas tellement. Ici, circulent surtout du bangue et du cannabis, il n’y a plus trop d’entrée de ‘chimique’ sur le territoire. Sur 80 procédures, 15 portent sur les stups, on est arrivés à les doubler, mais cela reste très inférieur à la métropole. Là-bas, la délinquance tourne autour des stups, ici, c’est autour des extorsions.

Cour des Comptes, police nationale, Mayotte
Gérald Darmanin en visite au Commissariat de Mamoudzou en août 2021

En ce qui concerne la PAF, avez-vous le sentiment d’une accentuation des arrivées comme le montrent les chiffres des naissances ? Ce samedi à Majikavo, un kwassa est arrivé à toucher terre malgré l’hélicoptère de la gendarmerie qui l’a survolé pendant prés d’une heure. Aucun intercepteur de la PAF n’est intervenu.

Laurent Simonin : La PAF n’est pas seule à en avoir, la gendarmerie aussi. Depuis octobre, 48 personnes sont affectées à la brigade nautique pour armer deux bateaux sur nos quatre. Les deux autres sont à l’entretien pour avaries moteur. Nous allons en recevoir un supplémentaire à la fin de l’année, et un autre l’année prochaine.

Vous aviez confié à la mission sénatoriale que « le niveau de délinquance ne permet pas aux habitants de l’île de mener une vie normale»…

Laurent Simonin : Et on ne peut pas dire que ça s’est amélioré. La population est toujours gênée dans ses actes quotidiens. Nous essayons de travailler plus vite et mieux.

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond

* Fruit d’une expérimentation à Mayotte, en Guyane et en Nouvelle Calédonie, la Direction Territoriale de la Police nationale chapeaute le service territorial de la police judiciaire, de la police aux frontières, de la sécurité publique, du renseignement territorial et du recrutement/formation

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