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Covid-19 : pendant l’accalmie, le tour d’horizon de Dominique Voynet

Le Journal de Mayotte : Alors que La Réunion traverse une période critique, l’idée d’évacuations sanitaires vers notre territoire jusqu’alors préservé est évoqué. Est-ce sérieusement envisagé ? Comment pourrait s’organiser la solidarité avec l’île Bourbon ?

Dominique Voynet : Cette piste n’est ni sérieuse, ni absurde. Ça n’a tout simplement pas été travaillé dans le fond. Sur le principe, on est évidement d’accord avec l’idée de faire preuve à notre tour de solidarité envers un territoire qui nous a aidé lorsque nous étions en grande difficulté. Sur les modalités, on se rend compte que ça risque d’être très compliqué. D’abord parce que le transfert de patients covid reste complexe. Si jamais cela devait avoir lieu, on pourrait effectivement mobiliser nos équipes car nous avons la chance d’avoir un avion sanitaire positionné sur le territoire. Par ailleurs, envoyer des renforts médicaux à La Réunion pose le problème de la stabilité des lignes de gardes à Mayotte dans une période de congés. Il faut donc arriver à concilier tout cela : le nécessaire repos et répit de nos soignants qui ont été sévèrement éprouvés par le covid pendant des mois, le besoin de garantir des lignes de garde et la volonté que nous avons de faire preuve à notre tour de solidarité.

Le J.D.M : Concrètement, comment s’organisent ces arbitrages ?

D. V. : Concrètement, j’ai envoyé ce matin [mardi] un message à Christophe Blanchard pour que l’on se voit dès demain [ce mercredi] pour voir ce qu’il est possible d’envisager. À ce stade, personne n’a de vision globale de l’ensemble des aspects. Il faut que l’on soit sûr d’avoir le matériel, la réserve d’oxygène, le personnel etc. L’impératif est de ne pas désorganiser le CHM.

Chacun a son avis, de mon côté je veux entendre tout le monde avant de trancher. Car c’est l’ARS qui prend la décision en lien avec le centre de crise au niveau national. Le débat se fait entre médecins et avec l’ARS, c’est après cela que l’on tranchera.

Le J.D.M : Comment expliquer le calme qui règne sur le territoire quand La Réunion est en crise ? Vous avez évoqué l’hypothèse d’une immunité collective, qu’en est-il ?

D. V. : J’ai évoqué l’hypothèse d’une immunité collective sous la forme interrogative mais je ne peux pas l’affirmer. De manière générale, nous avons très peu de cas à Mayotte et ce n’est pas parce que l’on teste moins car depuis la reprise des voyages énormément de tests ont été réalisés. S’il y avait des cas asymptomatiques, on les trouverait. Et on en trouve très peu. On est en fait de puis plusieurs mois maintenant le territoire le plus préservé de France.

Tests, Santé publique FRance, Mayotte
Pour l’heure, aucun cas de variant Delta n’a été détecté sur le territoire.

Comment l’expliquer ? À ce stade, on est aux suppositions. Mais toujours est-il que l’on a ici la particularité d’avoir une population très jeune. Il est possible que beaucoup de personnes aient contracté le virus sous des formes faibles et pas identifiées ou de manière asymptomatique. On sait en effet qu’au sein des populations jeunes, on trouve plus de formes bénignes qu’ailleurs. Par ailleurs, on sait que beaucoup de personnes l’ont eu réellement sur le territoire, y compris sous des formes sévères, ce qui crée une immunité durable chez ces personnes et qui sera consolidée par la vaccination.
Troisième élément : la vaccination. Je vois circuler des chiffres saugrenus, soit en retard, soit en prenant compte de l’ensemble de la population alors qu’au regard de notre démographie, il est indispensable de comptabiliser au regard de la population cible. Au niveau de l’ARS, on compte ainsi 28,5% de la population cible ayant reçu sa première dose et 21,7% les deux doses.

Mais à cette heure, on ne sait pas quel est le niveau réel de protection de la population. On l’avait annoncé il y a quelques mois, c’est désormais une réalité : nous allons lancer une enquête de séro-prévalence au sein de la population de Mayotte. C’est une grande enquête, qui nécessite des moyens considérables et que nous ne pouvions pas mener nous-mêmes. On a donc présenté ce projet à Paris et avons été retenus comme lauréats par l’Agence nationale de la recherche. Concrètement, l’enquête sera lancée dès la première semaine de septembre auprès de 3500 foyers. Dans chaque foyer, on réalisera une sérologie pour un adulte de la famille et pour un enfant. Ça nous permettra d’évaluer sur tout le territoire de Mayotte le pourcentage de la population qui a eu la covid. Avec la vaccination, on sera donc en mesure de dire quelle est la part de la population qui est protégée. C’est à ce moment là que l’on pourra éventuellement parler d’immunité collective.

Le J.D.M : D’ici là, le retour des vacances est au centre des inquiétudes…

D. V. : Je suis évidement extrêmement vigilante et attentive quant à cette période. On se souvient que c’est au retour des vacances de janvier que l’on a atteint les pics de notre vague épidémique. En ce moment les gens voyagent, que ce soit dans la région, en métropole ou ailleurs, alors que le virus est présent partout. On sera donc très attentifs aux retours.

D’abord avec des messages de santé publique portant sur les gestes barrières, l’isolement au retour des vacances avec un test au septième jour. Il va falloir convaincre car on le sait, cette mesure est malheureusement trop peu respectée. Dans le même temps, nous enverrons en criblage et séquençage tous les tests positifs pour traquer le variant Delta. Pour l’heure, nous n’en avons pas détecté sur le territoire mais nous allons évidement changer de braquet si on le découvre puisque l’on connaît sa capacité à se diffuser.

Nous allons également encore intensifier notre campagne vaccinale qui, à ce jour, est en capacité de vacciner 7000 personnes par semaine. J’en profite encore une fois pour inciter les Mahorais à se faire vacciner, ce qui devient un gage de liberté. Enfin, nous préparons avec le rectorat une grosse campagne de vaccination en milieu éducatif.

Des interventions spécifiques seront à mener aussi car il y a encore des communes où la vaccination est en difficulté sans qu’on ne puisse l’expliquer facilement. À Koungou, par exemple, seule 6% de la population cible est vaccinée. On s’interroge donc sur la manière de se projeter davantage, en faisant notamment appel aux associations.

Le J.D.M : Avec ses bons chiffres, Mayotte fait exception aux dernières règles sanitaires. On sait pour autant l’ampleur que peut prendre l’épidémie et sa vitesse de propagation. Envisage-t-on des mesures particulières de protection ? Une obligation vaccinale pour rentrer sur le territoire a par exemple été évoquée…

D. V. : On ne peut pas vivre indéfiniment sous cloche. Il y a déjà eu un confinement très dur, bien plus long qu’en métropole. On voit aussi qu’à trop restreindre la liberté de circulation, les gens ne le supportent plus. On essaye donc d’avoir une réponse proportionnée au risque. Laquelle passe d’abord par le contrôle des entrées et des sorties.

Concernant l’obligation vaccinale, je préfère évidement tout ce qui est de l’ordre de l’incitatif. Si l’on devait en venir là c’est que tous nos efforts pour convaincre n’auraient pas été couronnés de succès. De manière générale, on vit en société et je pense que l’on doit être capable de s’imposer des mesures qui permettent de protéger la collectivité.

Le J.D.M : Et si ces protections ne suffisaient pas, comment s’organiser en cas de nouvelle vague si La Réunion est toujours en tension ?

D. V. : En général, une grosse vague dure deux mois. Il faut compter un troisième mois pour reconstituer les équipes épuisées par cette période. En ce moment, La Réunion est au pic de sa vague. Et l’on peut imaginer qu’en septembre, si nous entrons à notre tour dans une mauvaise passe, le territoire entre de son côté dans une période de résilience. On a eu, pour l’heure, une chance considérable que les deux territoires ne soient pas touchés de manière grave simultanément.

Par ailleurs au niveau national, si les renforts sont actuellement déployés en fonction des urgences, je rappelle que nous sommes, par notre vulnérabilité, dans les priorités de déploiement.

Quoi qu’il en soit, il faut profiter au maximum de cette période de répit, c’est un atout pour le personnel soignant local s’il devait à nouveau être confronté à une vague en septembre.

 

Propos recueillis par G.M

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