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Juliette Pelourdeau, la céramique comme science et comme art

La poterie a toujours été une passion pour Juliette Pelourdeau. Il y a près de 10 ans, elle a commencé à en faire régulièrement en tant que loisir. Mais son travail comme fonctionnaire du ministère de l’agriculture lui laissait de moins en moins de temps. “Ce qu’il y a de beau avec la terre, c’est qu’il s’agit d’un matériau vivant qui a des temps de séchage, de vie, qui sont très importants à respecter. On peut tout faire mais il faut respecter le bon moment. Donc il y avait beaucoup de projets que je n’arrivais pas à mener à bout dans mon ancien boulot”, se souvient-elle. 

C’est au cours d’une formation qu’elle réalise qu’elle est prête à en faire à plein temps. Elle s’installe à Mayotte en 2019, où elle ouvre son atelier. “C’est un métier dans lequel il y a plein de métiers en un. En plus de la partie “tournage du pot”, il y a tout le garnissage, un monde infini. On peut créer des univers extrêmement différents, pour moi c’est aussi un moyen d’expression. Le métier est immense”.

À gauche, des tessons d’essai sur lesquels Juliette a testé des recettes pour observer comment l’émail réagit à la cuisson. 
Au centre des cocos en terre, émaillées à l’intérieur. 
À droite, une théière inspirée par la silhouette d’une boueni portant ses fruits sur la tête, avec un bras proéminent rappelant le style de Dali.

La céramique comprend également l’émaillage, processus par lequel des poudres de verre sont appliquées sur les pièces, avant une cuisson à plus de 1000°C. “C’est que de la chimie. Il faut être sûr qu’à la température qui est bien pour la terre, notre poudre de verre va fondre et donner l’effet attendu, avec des couleurs. Là aussi on a un nombre de matières premières utilisables aussi infini que ce qui existe dans la nature”. 

En effet, ce sont les minéraux qui permettent l’émaillage, comme le potassium ou le calcium, qui sont présents presque partout. “J’ai fait des essais avec de la pierre ponce et du fruit à pain”, explique Juliette Pelourdeau. “On brule, on broie, on tamise jusqu’à obtenir une poudre très fine, qui devient la poudre de verre. Car même dans un fruit il y a une base de verre, que l’on peut utiliser lorsqu’on enlève l’eau qu’il contient. Pour moi, la céramique est une vraie science”. 

La jeune artiste a développé plus d’une centaine de recettes, qu’elle teste sur des tessons d’essai, pour voir comment réagit l’émail lorsqu’il est appliqué sur la terre. La plupart du temps, elle n’utilise pas de colorant. Dans le cas de la pierre ponce par exemple, ce sont les propriétés naturelles du minéral qui font ressortir des couleurs à la cuisson et créent des craquelures. “On pourra jamais obtenir exactement ce qu’on avait en tête, il y a toujours une part d’incertitude. Les minéraux peuvent migrer d’une pièce à une autre. Le chrome est connu pour ça, il est très volatile et il va aller se fixer sur la pièce qu’il préfère”. 

L’artiste réalise des croquis de préparation pour ses pièces, en s’inspirant de ce Mayotte lui donne à voir.

En plus de cette partie très chimique de l’émaillage, la céramique comprend un aspect artistique. Pour Juliette Pelourdeau, Mayotte est source d’inspiration. “Je trouve que toutes les femmes en salouva sont magnifiques. Donc j’ai observé comment était fait le motif : il y a toujours une frise, un dessin au milieu et un message. J’ai essayé de le reproduire sur des tasses, ce qui a donné la gamme salouva. Je m’inspire aussi beaucoup de la nature. J’adore les fleurs, les baobabs, les fonds marins…L’idée est de transposer tout ça sur des pièces”. 

Avec une fabrication entièrement à la main, du façonnage des pièces au dessin des motifs en passant par l’émaillage, les journées sont remplies. L’artiste a déjà plus de demandes que d’offre. Elle vend via Facebook ou sur les marchés, et ouvre de temps en temps son atelier. “À Mayotte c’est super parce que tout le monde est hyper curieux. Comme c’est nouveau, j’ai des questions vraiment intéressantes sur la matière. En Métropole c’est un art qui est assez vulgarisé, il n’y a plus la curiosité du premier regard. Ici c’est différent. Un jour, au marché j’ai une cliente qui a ouvert ma coco et m’a demandé “qu’est ce que c’est que ça, c’est une vraie ?”, parce que ça brillait à l’intérieur. Et en fait c’est génial parce c’est la sensation qu’on a la première fois qu’on fabrique une pièce et qui s’estompe après. Voir ce que ça suscite ça chez les gens fait vraiment plaisir. C’est ce que j’aime, être dans le rêve”. 

Les cases en damier noir et blanc ont été réalisées sur commande pour une étude scientifique. Ils sont destinés à être déposés sous l’eau pour servir aux mesures des fonds marins.
La gamme salouva, en blanc et argile, s’inspire des tissus mahorais.

 

Marine Wolf

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