« N’entrons pas là dedans on essaye de travailler ensemble » coupe le préfet alors qu’un agent du Département évoque les « gueguerres » entre Sea Shepherd et les gardiens départementaux. Des bisbilles contre productives, mais la force de frappe médiatique de l’ONG semble avoir fait bouger les lignes. Le 17 novembre, la présidente de Sea SHepherd France Lamya Essemlali s’en prenait sans pincettes aux gardes de Moya. « En 4 ans de mission, nous n’avons jamais vu les gardiens passer une seule nuit complète sur la plage, seule solution pour dissuader le braconnage. Installés dans leur cabane qui surplombe la plage, ils font des barbecues, écoutent de la musique et dorment » écrit-elle. Nous avions également donné la parole aux gardiens qui avaient évoqué leurs difficultés.
Deux jours plus tard, l’ONG se mettait à table avec les deux associations locales Oulanga Na Nyamba et les Naturalistes aux côtés de l’Etat, du Département et de l’interco de Petite Terre pour se mettre au travail ensemble. Une première, alors que chacun avait pris l’habitude d’accuser les autres de faire bande à part.
De cette réunion « il ressort qu’il y a énormément d’initiatives qui sont prises pour protéger les tortues, mais ces initiatives manquent de coordinations, chacun est dans sa ligne de sprint sans regarder ce qui se passe à côté, constate le préfet Jean-François Colombet qui ne voit « pas assez de coordination et sans doute pas assez de stratégie ». « Or les tortues, c’est évidemment un atout considérable pour le territoire, c’est une composante essentielle du patrimoine naturel qu’il faut protéger, ensuite c’est un atout économique qui peut renforcer l’attractivité du territoire. Nous sommes engagés sur plusieurs fronts mais le front environnemental est un front tout aussi important. Il faut se battre sur ce front.
Nous avons décidé premièrement de créer un groupe de coordination opérationnelle. Ce groupe rassemblera le Conseil départemental, l’OFB, les services de l’Etat et les trois associations qui vont jouer un rôle majeur. Ce groupe de coordination opérationnelle devra définir une stratégie et il décidera concrètement des actions à conduire, des protections à mettre en place, si un acteur se sent en insécurité on mettra les dispositif qu’il faudra. La première réunion du groupe se tiendra le 15 décembre prochain avec des actions très concrètes.
Le pic de ponte est de mai à septembre, nous sommes dans les temps pour mener une vraie stratégie. »
La conseillère départementale Raïssa Andhum tirait à son tour sur le calumet de la paix. Selon elle les agents départementaux « travaillent sur la lutte contre le braconnage, avec des moyens difficiles et insuffisants. Nous saluons l’effort très important qui est fait par les associations ». « Nous avons aussi décidé de travailler sur un centre dédié aux tortues pour faire en sorte que les Mahorais comprennent l’enjeu environnemental mais surtout économique de la protection des tortues. C’est vraiment une coordination qui nous manquait sur Mayotte pour stopper ce braconnage. »
Par ailleurs le conseil départemental a initié la rénovation de la contestée maison des gardes. Elle sera bientôt dotée de salles de réunion permettant de préparer les « actions de terrain » promet Anil Akbaraly, responsable de l’environnement au CD.
Représentant les trois associations désormais partenaires, Jeanne Wagner, directrice d’Oulanga Na Nyamba exprime son espoir après cette réunion inédite.
« Nous sommes arrivés à cette réunion avec beaucoup d’espoirs et beaucoup d’attente, nous avons été agréablement surpris, cela fait longtemps que nous attendons que l’ensemble des acteurs se réunissent. Le message envoyé c’est que Mayotte est enfin prête à protéger cette richesse phénoménale (…) pour que la tortue devienne une fierté mahoraise. »
L’interco de Petite Terre s’est aussi offert des les services d’un policier municipal expérimenté en la personne de Jean-Pierre Mathieu, tout droit venu de Nice en juillet dernier. Lui aussi salue cette union des forces en présence. « Le fait qu’il y ait une coordination nous permettra d’interpeller plus d’individus et de dissuader le braconnage, l’interco en fait son cheval de bataille » assure-t-il.
Si les municipaux sont déjà équipés de bâtons et bombes lacrymogènes, des armes à feu devraient prochainement faire leur apparition à la ceinture de ces policiers appelés à patrouiller sur les plages. De quoi renforcer le caractère dissuasif de cette nouvelle organisation.
Y.D.