« Avant on parlait de problèmes de fin de mois, maintenant on parle de problèmes de fin du monde ». C’est un véritable changement de paradigme que constate et promeut Yves Rajat, directeur de l’AFD, l’agence française de développement à Mayotte. « L’AFD c’est la banque de l’accord de Paris sur le climat, et c’est la banque du lien social » rappelle-t-il. Le rôle de cette agence est de proposer des prêts ou des subventions notamment aux collectivités locales, mais pas que. Ce jeudi, c’est avec la Cress, la chambre régionale d’économie sociale et solidaire que l’AFD a signé un partenariat à hauteur de 53 000€. Cette somme est tirée d’une enveloppe du ministère de l’Outre-mer de 2 millions d’euros destinée aux projets de transition écologique « pour faire face au changement climatique ». En 2018, Mayotte avait, seule, utilisé 90% de cette enveloppe.
L’objectif de ce nouveau partenariat est d’identifier, via la Cress, « des projets verts qui ne demandent qu’à être financés » poursuit Yves Rajat.
Le risque selon lui, c’est de faire du développement économique à l’occidentale. « Ce qu’on appelle le rattrapage, c’est consommer comme en métropole. Il faut être plus en phase avec ce que notre île peut accepter et s’inscrire dans une autre logique, recycler. L’économie circulaire est une belle image pour que le monde tourne rond » continue le responsable.
Les enjeux au niveau mondial donnent une idée du rôle de l’ESS, à condition que chaque territoire s’y mettre.
« Selon la fondation Ellen Mac Arthur, l’adoption de modèles circulaires pourrait générer une économie nette de :
– 700 milliards de dollars par an de matières premières ;
– 1,3 milliards de tonnes de produits alimentaires (qui sont jetés actuellement), ce qui représente un tiers de la production mondiale ;
– 53 milliards d’euros d’économies si on réutilisait les textiles en fin de vie. »
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Une dynamique à consolider
Le rôle de la Cress est dès lors de prendre contact avec des porteurs de projet qui donnent la priorité à ces considérations urgentes. « Traditionnellement, ce sont les entreprises de l’ESS qui créent de la valeur ajoutée et posent l’urgence climatique comme une problématique d’avenir » corrobore Ben Amar Zeghadi, directeur de la Cress de Mayotte. D’autant plus que chez nous, l’économie sociale et solidaire a un poids historique et culturel. « 14% des entreprises de Mayotte sont des entreprises de l’ESS, c’est à dire qu’elles ont une gouvernance partagée et qu’elles redistribuent leurs bénéfices dans l’outil de travail. Et ces entreprises représentaient en 2016 23% de l’emploi privé à Mayotte » illustre Ben Amar Zeghadi qui évoque « une dynamique à consolider ».
D’autant que le plan pour l’avenir de Mayotte offre là aussi des opportunités sociales. « La commande publique est le levier de la croissance. Or, là où il y a un marché public, il y a la possibilité de faire de la clause sociale et environnementale ». Par exemple, l’obligation prochaine de fournir à la restauration scolaire 50%¨de bio et de local est une opportunité pour les producteurs. Quant au BTP, il ouvre des possibilités en termes de recyclage des débris.
Au fond, il n’y a rien de nouveau, « on est en train de réhabiliter une tradition, poursuit le directeur de la Cress, les Mahorais sont très écologiques à l’origine ».
Y.D.