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L’athlétisme à Mayotte, une vraie course d’endurance pour Sébastien Synave

Sébastien Synave, un athlète de haut niveau au service de l'athlétisme à Mayotte
Sébastien Synave, un athlète de haut niveau au service de l’athlétisme à Mayotte

JDM : Quand et pourquoi êtes-vous venu à Mayotte ?

Sébastien Synave : « Je suis arrivé en mai 2003 comme responsable d’exploitation chez Hygiène de France, une société de nettoyage dont je prends la direction quelques mois plus tard. Elle a actuellement 40 salariés.

Parallèlement, vous vous êtes investi dans votre sport, l’athlétisme ?

Sébastien Synave : « Jeune, j’ai suivi un parcours de sport-études au CREPS de Wattignies, prés de Lille. Etant devenu ensuite athlète de haut niveau sur 100 mètres et 200 mètres, j’ai passé mon brevet d’Etat 1er degré dans l’athlétisme.
A mon arrivée à Mayotte, je relance et prends la présidence du Racing club de Mamoudzou, avec l’aide d’un ami Jean-Michel Nitharum, qui deviendra champion d’Europe vétérans sur 200 mètres. Les jeunes sont attirés, quelque uns se qualifient pour le championnat de France. A partir de 2007, nous décrochons des podiums et des titres.
Nous avons contribué à faire naître des talents, je pense au sprinter Mohamed Hardou, à Soumaïli Nourdine, à Jeannot Bacar, trois sélections en championnat du monde, Attoumani Hafidou qui court un championnat du monde junior, et deux sélections en équipe de France pour le Match méditerranéen de rencontres d’athlétisme, Mohamed Daroueche ou Myriam M’Lazahahe, une sélection de match en salle France-Italie-Allemagne en 2013. »

Et aujourd’hui ? Où en est l’athlétisme mahorais ?

Sébastien Synave : « Là où les moyens qu’on y met le porte… Nulle part ! Nous avons eu deux sportifs de haut niveau, ils n’ont pas été aidés. Myriam a ratée une sélection en équipe de France faute d’avoir eu un billet d’avion. Nous souffrons ici d’un manque de considération du sportif de haut niveau.
Depuis 2011, il n’y a plus de Ligue après une décision de la Fédération nationale de ne pas entériner les dysfonctionnements. En 2009, 86.000 euros de subventions ont été allouées sur plusieurs projets dont 9.000 euros pour les championnats de France, nous n’en avons jamais vu la couleur.
Jusqu’à 2015, les clubs qui fonctionnaient ont été rattachés directement à la Fédération sur le plan administratif, et devaient compter sur des partenariats privés.
Les 7 médailles décrochées aux derniers Jeux des Iles ont donné un éclat illusoire à notre sport, les athlètes mahorais étaient en fait licenciés en métropole, ils y sont repartis. »

Y a-t-il une tentative de réorganisation malgré tout ?

La piste d'athlétisme de Cavani, entre trous et flaques
La piste d’athlétisme de Cavani, entre trous et flaques

Sébastien Synave : « On pourrait le croire avec la création de l’Association de Développement de l’Athlétisme de Mayotte, l’ADAM, mais c’est une coquille vide, qui s’est vue attribuer 23.000 euros, dont 11.000 euros de subventions de fonctionnement sous conditions de licences, or une seule a été délivrée ! De toute manière, ce sport est sinistré, nous comptons actuellement 24 licenciés pour 3 clubs.
Nous n’avons pas de piste d’entrainement. A Labattoir, elle est neuve mais inexploitable en saison des pluies où se déversent des coulées de boue, et à Cavani, si tout est fait pour le terrain de foot, rien en matière de piste d’entrainement.
Il faut comprendre qu’en 2003, 24 clubs étaient implantés grâce à des subventions à gogo, et que les robinets ont été brutalement coupés en 2011-2015. »

Et pourtant, vous êtes parvenus à organiser les très prisés « 10kms de Mamoudzou » 

Sébastien Synave : « Avec trois bouts de ficelle, c’est dire ce qu’on aurait pu faire avec des moyens. J’ai monté le projet avec des partenaires privés. J’avais contacté un de mes amis Jean-Louis Prianon, 4ème aux Jeux Olympiques de Séoul en 10.000 mètres. Il a accepté de parrainer la première des ‘10 km de Mamoudzou’ et les suivantes. Cette année, 400 coureurs se sont alignés au départ. Et toujours sans aide du conseil départemental.
En ma qualité de Dirigeant 2ème degré de la fédé, j’ai pu proposer un parcours et un chrono officiels, qui ont permis d’inscrire l’épreuve au calendrier FFA et de pouvoir qualifier un coureur en cas de performance.
J’avais aussi l’objectif de proposer aux sportifs extérieurs un package ‘épreuve-découverte de l’île’, mais le Comité du tourisme n’a pas donné suite.
J’ai également lancé cette année une petite compétition originale, ‘Trail and the city’, une course qui part et revient au supermarché Jumbo, en passant à la fois dans la nature et par les immeubles des Hauts Vallons. »

Que va devenir le RCM après votre départ ?

Sébastien Synave entre regrets et envie de nouvelles aventures
Sébastien Synave entre regrets et envie de nouvelles aventures

Sébastien Synave : « Pas grand chose faute d’infrastructure… Nous n’avons plus que 20 licenciés ! Il faut arrêter de s’appuyer dans les administrations sur des personnes non dynamiques, on voit que ça ne marche pas ! Il faut dénicher des talents, et leur apprendre ce que c’est que l’entrainement, le courage de se dépasser. »

Il part à Dubaï après avoir vendu sa société à Nickel Chrome. Il espère y trouver plus de sécurité pour ses deux enfants et une meilleure éducation, « beaucoup de nationalités sont représentées à l’école française là-bas ! »

Il quitte Mayotte « avec un pincement au cœur, j’aime cette île, mais les relations se dégradent actuellement avec la pression migratoire. »

« Votre projet est trop ambitieux ! », lui avait un jour lancé un décideur politique à propos d’un rassemblement de coureurs de renom… A ce compte, qui pour se porter candidat à la relève de l’athlétisme mahorais ?

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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