Les deux activités, croissances de la consommation et d’émission de billets, sont liées, puisque la population locale effectue ses transactions le plus souvent en liquide. « Une pratique qui compense le faible taux de bancarisation », souligne Watwan Tavanday, Chargé du secteur fiduciaire à l’IEDOM.
Le nombre de comptes en banque divisé par la population « recensée par l’INSEE », précise-t-il, est de 63,7%, « il y a donc moins d’un compte par habitant », à Mayotte, quand il est de 245% à La Réunion, ou 370% en métropole. En progression cependant, « puisqu’il était de 50% avant 2010. » La jeunesse de la population dont la moitié a moins de 17,5 ans, ses faibles revenus, mais aussi la proportion importante d’étrangers en situation irrégulière, « sans identité administrative », explique cette spécificité.
Transferts importants vers les Comores
Si l’émission de billet croit de 16% par an, il faut espérer qu’il ne suive pas la courbe d’accroissement de la population… Elle s’explique donc tout d’abord par une forte économie informelle, estime Yves Mayet, le directeur de l’IEDOM, « de plus en plus prégnante dans certains secteurs, notamment agricole ».
Cette émission nette prend en compte le volume de billets détruits, déduits du volume de création, un taux proche de zéro en métropole, « alors qu’avec une croissance de 16% nous avons dépassé la barre du milliards d’euros, avec 1,015 milliard en 31 mai 2016. »
Il faut aussi chercher du côté de l’exportation de billets, notamment vers les Comores, lors des transferts d’argent pour aider les familles. Sans plus de précision, « nous n’avons pas de données sur le volume de ces transferts », indique-t-il, « mais cette relation au papier-monnaie est un élément socio-culturel important à Mayotte, un axe de recherche à développer. »
Si le billet de 50 euros est la coupure la plus utilisée, « surtout pour l’épargne, contrairement à la métropole où elle sert aux transactions », le billet de 20 euros est moins prisé à Mayotte que dans l’Hexagone. A noter que le poids des grosses coupures pourrait être allégé par l’interdiction de son émission sur décision de la Banque centrale européenne du 4 mai 2016, « mais elle conservera une valeur de transaction. » Une coupure mise en cause dans l’évasion fiscale, les trafics de drogue ou le terrorisme.
Malgré le faible taux de bancarisation, le secteur bancaire a continué à se diversifier : « De la seule BFCOI dans les années 70, nous sommes passés à 6 banques, et 35 agences bancaires, 65 gabiers », poursuit Watwan Tavanday. Des tarifs bancaires notés à la baisse, « même inférieurs à la métropole sur les cartes de paiement par exemple », en contradiction avec la dernière note INSEE qui les indique en hausse, « mais qui concerne uniquement le secteur des assurances. »
Des banques qui vont devoir faire face à un défi : l’arrivée massive de jeunes majeurs « qui auront vraisemblablement recours au système bancaire. Un afflux qu’elles vont devoir gérer. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte