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mercredi 5 février 2025

Quelles évolutions du projet de loi d’Urgence pour Mayotte adopté à l’unanimité au Sénat 

Après l’Assemblée nationale où seulement deux voix avaient été hostiles, le projet de loi d’Urgence pour Mayotte a été adopté ce mardi 4 février 2025 par le Sénat et à l’unanimité. Il a été une nouvelle fois remanié lors des discussions parlementaires. « Un travail exceptionnel », évoque même Emmanuel Valls dans un communiqué aux médias

En premier lieu, les élus mahorais seront partie prenante dans les décisions de (re)construction de l’île puisqu’ils intègrent l’établissement public qui en a la charge, managé par le général Facon, et dont le président du conseil départemental doit prendre la présidence du conseil d’administration, nous avions rapporté à ce sujet les propos de Micheline Jacques, la présidente de la Commission économique chargée d’examiner cette partie du projet de loi. Le président de l’Association des maires de Mayotte et les présidents des EPCI qui ont démarché à Paris sur ce sujet, y siègeront également. A la demande du sénateur Saïd Omar Oili, et rappelons qu’il est désormais membre du groupe socialiste, le délai pour prendre l’ordonnance de l’établissement public est rabaissé de 3 à 1 mois.

Saluant l’adoption de ce texte, la sénatrice Salama Ramia rappelle les urgences auxquelles le projet ainsi nommé, doit répondre : l’accès à l’eau et l’électricité, la réouverture des écoles, le soutien économique des artisans, PME et associations locales, et la régularisation foncière.

Sur le premier point, la situation est revenue au contexte d’avant Chido indiquait le ministre des Outre-mer, avec un raccordement électrique à 100%, moyennant certains cas isolés. Sur le 2ème point, le projet de loi prévoit toujours que l’Etat reprenne à sa charge la rénovation des écoles, ce qui est plutôt une bonne chose étant donné la sous-dotation scolaire au regard des flux migratoire. Les sénateurs demandent que cela soit fait « à la demande des communes », car on sait que les maires ne souhaitent pas dédier l’ensemble de leur surface communale à la scolarisation des enfants de la région. Les parlementaires ont rajouté une mention sur l’équipement d’accès à l’eau potable ou de ventilation pour les écoles, rappelons qu’il fait actuellement plus de 30° chaque jour à Mayotte. C’est un peu comme si des écoles en métropole n’étaient pas dotées de radiateurs en hiver.

Débats autour du nombre de victimes

Les quatre rapporteures des commissions ayant étudié le texte au Sénat autour de Manuel Valls

Sur le 3ème point, le soutien au secteur privé, les députés et sénateurs se sont activés pour qu’un tiers des marchés publics soit réservé aux PME locales.

Ce lundi, lors de l’ouverture des débats au Sénat, Manuel Valls proposait un amendement sur l’accès aux propriétaires de logement sinistrés, assurés ou non, à un Prêt à taux zéro garanti par l’Etat, dans la limite de 50.000 euros et pour une durée maximale de 30 ans. Également, les dons de particuliers seront défiscalisés à 75% dans une limite de 1.000 euros.

Pas de modification de l’article 4, où avait été introduit par la députée Estelle Youssouffa le conditionnement de la vente de tôle à la présentation d’une pièce d’identité, à la suite de l’arrêté du préfet validé par le tribunal administratif. Une sénatrice communiste demandait le rejet de cet article qui pointe les sans-papiers, population principalement touchée par le cyclone Chido, dont beaucoup sont décédés soulignait-elle, « et dont la mort n’a pas été comptabilisée ». C’était l’occasion pour Saïd Omar Oili de déposer un amendement, rejeté, sur le recensement du nombre de décès par les pouvoirs publics.  Des propos qui ont suscité la colère de Manuel Valls, « On cherche à voir quoi ? Que le ministre, le préfet, l’Etat ont cherché à cacher des victimes. Ce débat manque d’une certaine décence. »

Le bilan humain va être très long voire impossible à dresser, comme nous l’indiquait un élu local, « il est peu probable qu’une famille en situation irrégulière sur le territoire se rende en mairie pour déclarer un défunt ».

Trouver une juste mesure du foncier

Un bilan humain compliqué à établir. Ici, les tôles éparpillées à Vahibé quelques jours après le cyclone (Photo : JDM)

L’article 10 qui permettait une maitrise foncière par l’Etat à travers des expropriations pour réaliser les nombreuses infrastructures publiques qui font défaut au département, retiré par les députés, n’a pas été réintroduit au Sénat. Le mot « expropriation » ayant été pensé comme une expulsion sans indemnité. « Cet article a été mal compris », avait indiqué Manuel Valls mardi soir en séance devant les sénateurs, il annonçait vouloir en débattre de nouveau lors de l’examen du projet de loi programme. Pour Salama Ramia, « sans titre de propriété, de nombreux Mahorais risquent d’être exclus du processus de reconstruction. Des assouplissements sont indispensables ».

Par contre, sur le sujet des mesures économiques, c’est un retour à la version du gouvernement, puisque la suspension de paiement des cotisations et contributions sociales par les employeurs ou par les travailleurs indépendants, n’est plus prolongé jusqu’au 31 décembre 2025, mais ramené au 31 mars 2025, comme initialement prévu. Un retour en arrière étonnant étant donné le caractère sinistré des entreprises, la plupart n’ayant pas retrouvé leur appareil de production, on voit mal comment elles vont redémarrer leur activité au 1er avril. D’autre part, rappelons que les travailleurs indépendants à Mayotte ont été les oubliés des services de l’Etat, qui n’ont pas pu cotiser pour leurs retraites jusqu’à maintenant, c’est donc un double coup porté à leur situation.

En conclusion, et comme nous l’avons déjà souligné, les débats sur le texte, avec des rajouts et retraits d’articles au projet de loi, sont bien la preuve que la voix des mahorais peut être écoutée, contrairement au couperet du projet de loi Mayotte quasiment imposé au moment des fêtes fin 2021, et rejeté par les élus. Ces derniers peuvent remercier les Commissions des deux assemblées qui se sont saisi du texte en urgence, ce qui n’a pas été le cas de tous les présidents de Commission.

Avant l’application de ces mesures, le projet de loi sera finalisé en commission mixte paritaire qui se tiendra la semaine du 10 février.

Anne Perzo-Lafond

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