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Statut de Mayotte à l’international : la France en progrès mais peut mieux faire

La programmation du projet de loi constitutionnel pour Mayotte a déjà des effets bénéfiques en incitant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale à proposer une table ronde sur la problématique du statut de Mayotte au regard du droit international. Solliciter l’Europe pour viser au-dessus de l’ONU est une des propositions transversales au débat.

C’est bien évidemment de la position de l’Organisation des Nations Unies dont il était question ce mercredi à la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale pour un table ronde sous la houlette de son président Jean-Louis Bourlanges.  A ce titre, la présence de Nabil Hajjami qui représentait le quai d’Orsay était de première importance.

Aux côtés de ce sous-directeur du droit international public à la direction des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, Thomas M’Saïdié, maître de conférences en droit public et, en visio, Faneva Tsiadino Rakotondrahaso, maître de conférences en droit public et vice-doyen de la faculté de droit et d’économie de La Réunion.

La séance commençait par un exposé de la position de la France sur le rattachement de Mayotte, et se poursuivait par la défense par Thomas Msaidié de la position mahoraise face aux récriminations, notamment de l’ONU, pour se conclure par l’intervention novatrice de Faneva Tsiadino Rakotondrahaso qui appelait les institutions européennes à la rescousse.

Plusieurs enjeux étaient soulignés. Il s’agissait d’abord de trouver la méthode pour faire reconnaitre la position de la France sur son 101ème département face aux réprobations Onusiennes, et de trouver une solution définitive à même de permettre des politiques de développement sans embûches pour ce territoire le plus pauvre de France.

L’autodétermination reconnue comme prioritaire par la CIJ

De gauche à droite: Nabil Hajjami, Thomas M’Saïdié, et Jean-Louis Bourlanges

L’intervention de Nabil Hajjami au titre des Affaires étrangères, ministère le plus frileux sur ces enjeux diplomatiques, était très attendue. « La position des autorités françaises est de considérer que le maintien de Mayotte dans la République française est en parfaite conformité avec le droit international ». Il rappelait, et cela fut fait à de nombreuses reprises pendant les deux heures de débat, que « les Mahorais ont refusé l’indépendance lors du référendum d’autodétermination de 1974, ce qui a interrompu le dialogue entre Paris et les Comores, qui ont déclaré leur indépendance le 6 juillet 1975 ». La volonté des Mahorais de demeurer français reste persistante, « aucun partisan du rattachement aux Comores n’a été élu et aucun politique ne s’en revendique ». Des marqueurs importants pour le gouvernement.

Des deux principes que l’on oppose pour Mayotte, l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation, réclamée par l’ONU, et le Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, défendu par les mahorais, ce dernier « dérive de la charte des Nations Unies », indiquait Nabil Hajjami, « et en plus, il s’agit d’une jurisprudence de la Cour internationale de Justice qui voit ce droit comme opposable à tous ».

Comme un clin d’œil de l’Histoire, il rappelait que, « depuis l’adhésion des Comores aux Nations Unies, la France a veillé au respect de l’intégrité des frontières puisqu’en 1997 elle a décliné la demande de rattachement d’Anjouan », qui avait fait sécession en voulant redevenir française…

Comptage « île par île », avait prévenu Pierre Messmer

Le consulat de France à Mutsamudu, Anjouan (Photo : A.P-L.)

Autre retour historique puisqu’il faut toujours et encore certifier l’authenticité de la démarche des mahorais, Thomas M’Saïdié revenait sur le « référendum de la discorde » du 22 décembre 1974 et sur le reproche fait à la France d’avoir a posteriori voulu décompter île par île : « Dans un discours de 1972, Pierre Messmer avait annoncé un référendum île par île et non global ».

Nous avons en effet retrouvé les paroles de celui qui était alors ministre des territoires d’outre-mer, quelques mois avant qu’il ne devienne premier ministre de Georges Pompidou : « …si un jour, certaines îles des Comores, expriment leur désir d’un changement de statut et voulaient se séparer de la France, ce que je ne crois pas, ce jour-là rien ne pourrait se faire sans un référendum, et ce référendum serait fait île par île… »

L’universitaire mahorais s’interrogeait également sur les valeurs des résolutions des Nations Unies sur « l’île comorienne de Mayotte » : « la France n’a été condamnée qu’une fois, mais elles sont de moins en moins contraignantes, nous sommes passés d’un ton comminatoire à un appel, cette question perd de sa portée. Mais les Comores s’en servent toujours comme d’un instrument de chantage. »

« Aucun obstacle juridique à appliquer Frontex à Mayotte »

Faneva Tsiadino Rakotondrahaso invite à avoir une vision européenne de la problématique

Dernier à prendre la parole avant la séance des questions par les autres députés, Faneva Tsiadino Rakotondrahaso, appelait à dézoomer le problème comme l’avait fait en son temps notre chroniqueur Issihaka Abdillah, pour appeler à avoir une vision européenne de la situation. « De 1957 à 2014, Mayotte n’est qu’un Etat tiers pour l’Europe, puis en 2014, une région européenne (RUP). Or, c’est une chose pour les Comores de convoiter un Etat tiers, mais autre chose de le faire pour un territoire européen. »

Il mettait le doigt sur la difficulté d’aider au développement des Comores par la coopération régionale du fonds européen INTERREG : « C’est de la schizophrénie. Comment les Comores pourraient-elles coopérer avec un territoire qu’elles considèrent comme le sien ?! »

Et invitait l’Europe à mouiller sa chemise : « Les institutions européennes doivent appuyer la France sur cette reconnaissance de Mayotte et sur la mise en place de Frontex* pour gérer les flux migratoires. Il n’y a aucun obstacle juridique. »

Toujours privée de COI

Des débats qui permettent d’alerter et de fédérer des énergies

L’épine dans la chaussure de Mayotte reste donc l’ONU, ou plutôt… la position de la communauté internationale qui reste frileuse, mais peu éperonnée par la France, « nous voulons maintenir le dialogue » répétait à plusieurs reprises Nabil Hajjami, qui estimait  que « l’ONU n’est pas la bonne voie pour trouver la solution. Il faut mentionner que Mayotte ne figure pas sur sa liste des territoires non autonomes qui peuvent se prévaloir de l’autodétermination », c’est-à-dire non-décolonisés.

Cela n’a pas été souligné pendant la conférence, mais on ne cite plus le nombre d’États membres qui font fi des résolutions des Nations Unis, et pour des causes bien plus importantes comme celle de l’utilisation du viol comme arme de guerre contre laquelle les États-Unis s’étaient opposés en 2019.

Il ressort de ces échanges que si la France a fait un pas de géant dans sa reconnaissance publique de Mayotte à l’internationale, elle doit montrer plus de volonté pour solliciter l’ensembles des partenaires européens, car comme le disait le député Démocrate Bruno Fuchs, cela a des répercussions localement : « La France n’arrive toujours pas à faire profiter Mayotte des projets de la Commission de l’océan Indien ce qui provoque une inégalité des citoyens de notre pays. »

Pour visionner les débats, cliquer ICI.

Anne Perzo-Lafond

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