Deux jeunes hommes comparaissaient ce vendredi après-midi devant le tribunal de grande instance de Mamoudzou pour « vol en réunion ». « Cueillis » le jour même des faits par les policiers au supermarché Baobab, ils comparaissaient dans la même tenue vestimentaire qu’ils avaient le jour du vol, très précisément décrite par la victime, que nous nommerons monsieur M. Ce dernier, agent de recensement, a été pris à partie mercredi 17 janvier à 11 heures à Cavani par un groupe de 5-6 jeunes qui l’a apostrophé violemment en le sommant de dire d’où il venait. Monsieur M., pris de panique, a menti en déclarant habiter Cavani. Mais cela n’a pas dissuadé le groupe de jeunes de lui faire les poches, dérobant son téléphone et le dépossédant de sa paire de sandales. Pieds nus, la victime a été récupérée en voiture par un ami lorsqu’il a revu le même groupe de jeunes en train d’entrer dans le supermarché Baobab. Ni une ni deux il a appelé la police, décrivant précisément les vêtements de deux de ses agresseurs qui ont alors été arrêtés et placés en garde à vue. L’un des jeunes était bien en possession de la paire de sandales de la victime. Le téléphone, en revanche, n’a jamais été retrouvé.
Interrogés par le juge, les deux prévenus ont eu bien du mal à justifier leur comportement. Le premier, Attoumane Dani dit « Masto », a prétendu d’une manière particulièrement cocasse, avoir juste « emprunté » les chaussures de la victime. « J’avais besoin de chaussures pour aller faire une course à Baobab, je lui ai donc demandé de me prêter les siennes. Il m’a dit « tiens, prends, mon frère ! », a affirmé Masto tout en prétendant ne jamais avoir volé de téléphone. Une version qui va évidemment totalement à l’encontre de celle de la victime qui affirme avoir eu extrêmement peur lors de ce vol en réunion et d’en avoir gardé « un traumatisme ». Quant au deuxième prévenu, Nassim Chakiri dit « Bolo », il nie carrément les faits, prétendant qu’il n’était pas là lors de l’évènement, alors même que sa tenue vestimentaire était exactement celle décrite par la victime et qu’il se trouvait bien en compagnie de « Masto » lors de son arrestation. « L’être humain peut se tromper », a-t-il dit au juge, dont ce dernier soulignait la « troublante coïncidence ».
« Une explication ubuesque » selon le substitut du procureur
Tarik Belamiri, le substitut du procureur, a souligné le caractère « ubuesque » de l’explication de Masto et fustigé le déni total de Bolo, alors même que toutes les preuves étaient contre lui. Les deux jeunes hommes de 18 ans tous les deux étaient jugés pour la première fois en tant qu’adulte, mais leur casier en tant que mineur est déjà bien rempli. Masto a déjà été condamné 6 fois par le tribunal pour enfant dont 5 fois pour vol en réunion. « Vous commencez à avoir un certain CV » a ironisé le procureur. En outre, le jeune homme a déclaré comme une fleur « avoir eu une enfance heureuse sans maltraitance ». « Pourquoi voler alors ?, lui a demandé Tarik Belamiri. – Pour avoir ce que je voulais ou alors j’étais entraîné par les autres, a répondu tranquillement le jeune homme devant un procureur sidéré qui a requis 6 mois de prison ferme contre lui. – Même si le butin est modeste, la victime a passé un très mauvais moment. Beaucoup de choses ont déjà été essayées par le tribunal pour enfant afin de faire rentrer ce jeune homme dans le droit chemin, je pense donc que maintenant il lui faut un choc carcéral », a-t-il déclaré.
Bolo est également déjà connu de la justice. « Une enquête est en cours contre vous pour violences aggravées, qu’avez-vous à dire de cela ?, lui a demandé le procureur. – Je ne me rappelle pas », a déclaré Bolo qui est resté dans la dénégation jusqu’au bout. Ce qui n’a pas empêché au procureur de requérir 4 mois de prison avec sursis contre lui. Maître Rahmani, l’avocat commis d’office pour les deux jeunes hommes, a eu beau essayer de démontrer que les preuves étaient minces dans cette affaire (« nous n’avons que les déclarations de la victime et rien d’autre »), le tribunal a finalement condamné Masto à 6 mois de prison ferme et Bolo à 6 mois avec sursis, allant même au-delà de la réquisition du procureur. Preuve que les actes de délinquance commis en étant mineur finissent par se payer un jour ou l’autre !
Nora Godeau