L'association Mlezi Maoré a dressé, ce mercredi 27 août, le bilan de ses activités pour l'année 2024. Cette année, marquée par des crises successives, n'a toutefois pas freiné les projets de l'association dans les secteurs de la jeunesse, du handicap, des solidarités, de la vie sociale et de l'insertion, avec un nombre de bénéficiaires en hausse. Elle a également permis de préparer l'association aux défis liés à l'attractivité du territoire, malgré des difficultés de recrutement, parfois résolues grâce à des promotions internes et des formations.

« L’année 2024 a été marquée par des tensions sociales persistantes, un contexte institutionnel mouvant et des urgences humaines toujours plus complexes », rappelle Hugues Makengo, directeur général de l’association Mlezi Maoré, au moment de dresser le bilan de l’année, ce mercredi 27 août, dans les locaux de la plateforme Autisme/TND de Doujani.

Une année mouvementée avec une hausse des bénéficiaires

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Hugues Makengo, directeur général de Mlezi Maore, aux côtés de Brigitte Macron, en avril dernier.

Les mouvements sociaux en début d’année 2024, marqués par les barrages, ont paralysé une grande partie des activités de l’association et fortement perturbé l’accompagnement des bénéficiaires dans l’ensemble des domaines d’intervention de Mlezi Maoré : la jeunesse, le handicap, la solidarité et vie sociale ainsi que l’insertion. Le 14 décembre 2024, le passage du cyclone Chido est venu aggraver la situation en fragilisant, voire en détruisant, plusieurs structures de l’association, ainsi que les lieux de résidence et les moyens de locomotion des professionnels et salariés. Ces événements ont lourdement impacté non seulement les bénéficiaires les plus vulnérables, mais également le personnel de Mlezi Maoré.

Plus de huit mois après Chido, Hugues Makengo assure que si 2024 a été difficile, elle a permis de mieux préparer l’année 2025 et surtout de poser les bases de l’orientation stratégique 2026-2031. En 2024, l’association a augmenté son nombre de bénéficiaires passant de 9.006 personnes en 2023 à 11.012, tout comme le nombre de personnes orientées et sensibilisées, de 34.634 personnes à 38.096, signe de capacités d’action en augmentation.

L’association a disposé de 45.9 millions d’euros pour l’exercice 2024, dont 41% financé par l’ARS et 22% par le Conseil départemental, et dans un contexte de restriction budgétaire et avec l’expérience des crises, Hugues Makengo priorise la sécurisation des équilibres financiers, la rationalisation des outils, la maîtrise des coûts et la pérennisation des services.

La plateforme autisme/troubles du neurodéveloppement de Doujani ouverte en 2023 est devenu un lieu refuge pour les familles.

39,2% du budget a été orienté vers le pôle handicap pour permettre l’accompagnement des personnes dans 20 structures à travers le territoire, dont la plateforme dédiée à l’autisme et aux troubles du neuro-développement de Doujani, inaugurée en 2023, cogérée avec l’APAJH et l’association Autisme Mayotte.

Un lieu qui est devenu indispensable pour la population en 2024, comme l’a souligné la mère d’un enfant autiste suivi dans la structure. « Je peux respirer aujourd’hui, je suis content que mon fils soit suivi par des professionnels et ça me rassure d’échanger avec les parents dans la même situation que moi », témoigne-t-elle.

Les défis du manque de professionnels et de la baisse d’attractivité

Cette plateforme illustre également les enjeux auxquels fait face l’association, à commencer par le manque de professionnels, après une année qui a fortement impacté l’attractivité du territoire. Dans tous les secteurs, Mlezi Maoré dispose de soixante-six postes vacants et recrute des médecins, infirmiers, ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, kinésithérapeutes ainsi que des éducateurs spécialisés.

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La répartition du budget par pôle en 2024.

En plus de la téléconsultation, qui permet une prise en charge à distance, Mlezi Maoré poursuit son effort de formation de ses salariés et opère des promotions en interne. Elle mise également sur l’expertise des bénéficiaires, notamment les parents des enfants suivis par la plateforme autisme/TND qui serviront de relais à l’association dans les quartiers en sensibilisant les autres familles. L’association développe et partage des outils qui pourront également être réutilisés par les parents eux-mêmes.

« On appelle aussi les autres associations à mutualiser les professionnels disponibles. Par exemple si un pédiatre est sur le territoire, il faut qu’il puisse voir le plus d’enfants possible et qu’il ne soit pas obligé de se déplacer à travers le territoire en proie aux embouteillages », explique Kassim Abudi, directeur des établissements Mlezi Maoré dans le secteur du Centre et du Sud de l’île.

La jeunesse, un accompagnement récompensé

Le second poste de dépense de l’association concerne la jeunesse, représentant 30,9 % du budget. Depuis 2021, Mlezi Maoré accompagne des jeunes éloignés de la scolarisation. Ces dernières années ont été l’occasion de renforcer les échanges avec le Casenav et l’Éducation nationale afin de faciliter leur insertion dans le système scolaire, après des cours de rattrapage. Pour la rentrée 2025-2026, soixante élèves ont ainsi pu être inscrits à l’école grâce au dispositif Narisome.

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Le dispositif Narisome permet à 60 jeunes d’être inscrits à l’école chaque année.

Chaque année, ce dispositif permet à soixante jeunes d’accéder à l’école. Ce travail a été récompensé par la fondation La France s’engage, permettant à l’association de maintenir et d’étendre ce procédé sur l’ensemble du territoire grâce à une dotation de 300 000 euros et un accompagnement jusqu’en 2028.

En tirant les leçons de 2024, Mlezi Maoré entend poursuivre et diversifier ses actions dans les années à venir. Acteur majeur du social à Mayotte, l’association est parfois critiquée, certains lui reprochant de « faire le jeu de la délinquance » en proposant des solutions aux publics vulnérables, notamment aux jeunes. « Tous autant que nous sommes dans l’association, nous comprenons, nous subissons également les problèmes de la société, mais notre boulot c’est de prendre soin des autres », souligne Hugues Makengo. « Il est essentiel de rappeler que notre mission est de permettre le vivre ensemble et de lutter contre toutes les formes de discrimination ».

Victor Diwisch