Tribunal judiciaire : Quand amour et violences ne font pas bon ménage

On dit souvent l’amour rend aveugle… à tel point parfois que les victimes de violences conjugales n’ont pas conscience de subir des faits intolérables de maltraitance. Pire ! Certaines d’entre elles excuseraient même le comportement de leur bourreau par amour.

C’est le genre d’affaires qui malheureusement revient trop souvent devant les tribunaux à Mayotte ou ailleurs : les violences conjugales. Chaque année plus d’une centaine de femmes perdent la vie sous les coups de leur conjoint, victimes de féminicide, soit une tous les 3 jours environ. Dernier cas recensé, pas plus tard encore que ce week-end en Ille-et-Vilaine.

Jeudi dernier le tribunal de Mamoudzou devait juger un homme accusé de violences conjugales sur sa femme. A la lecture des faits par le président du tribunal on s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’une simple dispute au sein d’un couple ayant dégénéré, mais bel et bien de violences habituelles sur conjoint, en l’occurrence une femme âgée d’à peine 18 ans aujourd’hui.

Un mari jaloux et agressif

Le couple s’est marié religieusement en 2022 alors que la femme n’était âgée que de 16 ans. L’homme, lui, est né en 2001 à Mamoudzou, vit de petits larcins et de vols et serait actuellement en situation irrégulière. D’après les auditions menées par les enquêteurs, les violences auraient débuté dès le début de leur relation quand la jeune femme était encore mineure : coups de poing, strangulation, menaces de morts… Au total 17 faits de violences auraient été recensés par les enquêteurs selon les déclarations de la jeune femme, mais sans doute plus en réalité.

En France, tous les 3 jours, près d’une femme succomberait sous les coups de son conjoint

L’individu a été interpellé le 4 août dernier par la Brigade anti criminalité (Bac), avertie par des voisins, alors qu’il venait de « corriger » sa femme devant des témoins. Lors des auditions, les témoins sont unanimes. La mère de la victime a ainsi déclaré qu’il n’arrêtait pas de frapper sa fille, qu’il lui arrachait ses vêtements, la rouait de coups, l’insultait malgré sa présence et lui assénait des coups de poings et des gifles ou encore des griffures sur le corps, et qu’elle avait souvent le visage gonflé. Idem pour une voisine qui a été de nombreuses fois témoin de ces violences. « Il était connu dans le quartier pour des violences », a-t-elle indiqué aux enquêteurs. Mais elle n’a jamais osé appeler la police car elle avait peur de lui et de ses menaces de représailles.

Le père de la victime a également confirmé des faits de violence sur sa fille mais aussi de menaces proférées à son encontre. L’origine d’un tel déchainement de violence ? La jalousie ! Interrogé, le prévenu était assez confus dans ses propos et justifiait son comportement par le fait qu’au début de leur relation « elle allait dormir chez sa copine et non chez moi. Je savais qu’il y avait des gars qui passaient chez sa copine… », raconte-t-il, tout en étant persuadé « qu’elle avait des relations avec d’autres mecs ». Aussi, il ne nie quasi pas les faits qui lui sont reprochés, notamment en mai dernier, lorsqu’il lui a déchiré sa robe et lui aurait tiré les cheveux, mais il relativise : « j’ai juste déchiré sa robe, les voisins mentent pour le reste… – Vous êtes violent monsieur ? Interroge le président du tribunal. – Moi ? Non ! », dit-il en faisant un signe de tête.

« Je l’aime, j’ai pas envie d’être séparée de lui »

C’est une question dont seules les victimes de violences conjugales ont la réponse : comment aimer quelqu’un qui vous tabasse ? A la barre du tribunal, la jeune femme reconnait que son mari est agressif et impossible à arrêter. « Il a souvent des gestes violents, il me donne des gifles, des coups de poing, des coups de pied, me traine par les cheveux… J’espère qu’il va changer. Je ne veux pas le mettre dans la merde. Je l’aime, j’ai pas envie d’être séparée de lui, explique-t-elle – On peut frapper quelqu’un par amour ? Questionne le président du tribunal ? – C’est le père de ma fille (ndlr, le couple à un bébé de 6 mois), se justifie la victime. – Vous avez pensé aux conséquences pour votre enfant ? Poursuit le président. – J’espère qu’il va arrêter et qu’il va faire les démarches pour cesser d’être violent. Je n’envisage pas de partir et de quitter ma famille ».

Le prévenu est maintenu en détention à Majicavo

Face à ces réponses, les membres du tribunal n’ont pas caché leurs inquiétudes concernant la réaction de la victime. « La société ne permet pas la violence…vous ne semblez pas réagir vis-à-vis de cette situation de violence dans votre couple, ce qui est inquiétant ».

Le prévenu, incarcéré depuis le 4 août dernier, est déjà connu de la justice pour des faits de violence et de rébellion contre une personne dépositaire de l’autorité publique, mais aussi pour des faits de vol en réunion. Aussi après avoir délibéré, le tribunal a condamné le prévenu à 2 ans de prison dont 1 an avec sursis probatoire de 24 mois et a prononcé son maintien en détention. Il est aussi soumis à des obligations de soins, de faire un stage sur les violences conjugales, de trouver du travail ou une formation. Interrogé après l’audience, un magistrat nous a confié que c’était « un profil hyper inquiétant ».

B.J.

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