Rendu le 17 avril dans le cadre d’une procédure accélérée suite à une saisine gouvernementale, l’avis porte sur le projet de loi de programmation sur la refondation de Mayotte. Les membres du CESE national se sont penchés plus précisément sur le 1er article portant sur le rapport annexé des investissements et actions structurants à mener. L’avis a été présenté par Eric Leung (Groupe des Outre-Mer) représentant des organisations exerçant leurs activités dans les Outre-mer, Alain Le Corre (Groupe CGT) Secrétaire Régional de la CGT-Bretagne et Nadine Hafidou (Groupe entreprises) Secrétaire de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Mayotte.
Le CESE y réclame « le respect du principe d’égalité républicaine pour les citoyens mahorais, et de le rendre effectif dans les plus brefs délais ». Pour ce faire, il approuve la convergence des minimas sociaux et salariaux dans une progressivité atteinte en 2031, guidée par un « échéancier à démarrage immédiat ».
Pour commencer, il relaie la demande du CESE de Mayotte (CESEM) d’un nouveau recensement démographique précis « pour adapter les politiques publiques » à la demande exponentielle liée à la folle croissance démographique. Qui impose une « régulation des flux migratoires » en « alignant le droit des étrangers sur le droit commun ». Avec notamment deux mesures : la fin du titre de séjour territorialisé et l’alignement du droit des étrangers détenant un visa de droit commun.
Une frilosité qui ne plaide pas pour Mayotte

On en est à compter les appuis de ces deux objectifs en Hexagone. Plusieurs refusent de se positionner politiquement sur la suppression du titre de séjour territorialisé dans la crainte de voir se vider la région sur le territoire national, et le soumettent, comme Gérald Darmanin, à la condition de la régulation des flux migratoires. « Il n’existe pas, à ce stade, de consensus gouvernemental en faveur de sa suppression », avait souligné le ministre Manuel Valls dans la réponse écrite aux attentes des élus de Mayotte sur le projet de loi, et que nous avions rapportée.
On a même vu la frilosité de l’actuel ministre de la Santé à la mise en place de l’Aide médicale d’Etat (AME) de prise en charge des soins des étrangers en situation irrégulière, ce qui désengorgerait le système de santé.
En ces temps de positionnement géopolitique de la France qui défendait la place de Mayotte au sein de la Commission de l’océan Indien (COI) face au refus des Comores lors du Sommet à Madagascar de la semaine dernière, c’est un point qui n’aide pas. Comment défendre Mayotte comme un département français à part entière quand il reste entièrement à part. Le président Macron a dû faire parler la poudre en évoquant les 40% de financement des programmes de la COI par la France, qui pourraient dès lors être menacés, cela n’a semble-t-il pas suffit, aucun consensus n’a été obtenu. Et cela tant que la règle d’unanimité des pays membres dans les prises de décisions sera maintenue, à moins que les Comores acceptent un compromis.
Le positionnement du CESE est donc à souligner, même si cette 3ème assemblée constitutionnelle de la République n’a qu’une voix consultative.
Intégrer les risques environnementaux

Il appelle également à faire de la lutte contre l’habitat indigne une « priorité politique », en l’associant à « un plan ambitieux de construction de logements sociaux », avec une meilleure prise en charge des ayants droits, « 30% des aides ne seraient pas réclamées par les bénéficiaires potentiels ».
Sur sa compétence environnementale, le CESE alerte aussi sur le manque de préparation de l’île face au changement climatique avec des besoins en investissement « dans des équipements de distribution d’eau et de protection du littoral ». Il préconise de réviser tous les schémas d’aménagement de Mayotte en intégrant les risques liés à la montée des eaux, notamment de non-constructibilité du littoral et le déplacement des infrastructures hors des zones submersibles.
En matière d’eau potable et d’assainissement, les pénuries d’eau et les maladies hydriques liées aux « graves inégalités d’accès », doivent inciter à « mettre en place un tarif social de l’eau sous conditions de ressources, avec un forfait de 400 litres d’eau par jour par foyer ».
Estimant que la transition énergétique est insuffisamment accompagnée, la reprise d’Électricité de Mayotte (EDM) par EDF SEI est suggérée avec davantage de développement des énergies renouvelables (solaire, agrivoltaïsme).
Pour atteindre l’autonomie alimentaire en 2030, le CESE préconise d’assouplir temporairement les modalités d’importation de produits agricoles (nourriture animale, fruits et légumes…) issus de la zone régionale pour soutenir la reprise agricole après les cyclones. On a tous assisté à la pénurie de bananes post-cyclone alors que débottait le Ramadan.
Le CESE conseille le Gouvernement et le Parlement… sera-t-il entendu ?
Anne Perzo-Lafond