Constatant la ruée sur les tôles dès le lendemain du cyclone, avec parfois des pillages d’entreprise et la reconstruction de cases en tôle par leurs occupants privés de toit, le préfet de Mayotte prenait un arrêté restreignant du 4 janvier au 30 juin 2025, la vente de tôle aux seuls particuliers détenteurs de justificatifs d’identité et de domicile, et aux professionnels inscrits au Registre National des Entreprises. Une décision que le représentant de l’Etat justifiait par la nécessité de préserver « la sécurité des biens et des personnes », après que les vents cycloniques aient détruits toutes les habitations précaires, et que les tôles « ont constitué des projectiles » menaçants.
Quelques jours après, un recours avait été formulé en référé (urgence) au tribunal administratif par plusieurs organisations. La Ligue des Droits de l’Homme, l’association Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), et la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), puis la CIMADE et Médecins du Monde, demandaient au juge des référés d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, estimant qu’elle occasionnera « une détérioration des conditions de vie » des personnes « ne bénéficiant pas d’un titre national d’identité » et celles « qui sont en situation irrégulière sur le territoire mahorais ».
Un habitat « inadapté » aux conditions climatiques
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Un arrêté que ces organisations jugent illégal, estimant que le préfet n’a pas autorité pour intervenir dans la liberté de commercer et qu’une discrimination est introduite entre les personnes, méconnaissant « le principe d’égalité des citoyens devant la loi ». Une action en référé car elles estiment que la condition d’urgence est remplie par l’incapacité des personnes exclues par l’arrêté d’accéder à l’achat des matériaux, « les empêchant d’effectuer les opérations de réparation rendues nécessaires par les destructions intervenues lors de l’épisode cyclonique », dans un contexte de saison des pluies, « d’autant que les centres d’hébergement d’urgence doivent être évacués de manière imminente avant la rentrée scolaire. »
La juge des référés n’a pas fait droit à ces arguments. Lors de l’audience de ce lundi 27 janvier 2025, Anne Blin estime en effet que « la mesure de restriction de la vente de tôles bac acier a été ordonnée dans un contexte de rareté des matériaux de construction et du constat de l’importance des dégradations causées à l’habitat précaire du fait de leur inadaptation aux conditions climatiques du département, ainsi que des risques pour la sécurité des personnes qu’a constitué l’emploi de ces matériaux lors du passage du cyclone ‘Chido’ », reprenant donc l’argumentaire du préfet.
La juge souligne entre autres que l’habitat informel de « tôles bac acier » pour la couverture et la clôture, qui recouvrait 32 % du parc de logements sur le territoire mahorais selon les données de l’INSEE au 31 décembre 2023, a été entièrement détruit lors du cyclone, « la reconstruction de cet habitat de fortune est intervenue dès les jours suivants à partir notamment de matériaux de récupération ». En déduisant que le caractère d’urgence ne pouvait donc être retenue pour justifier une requête en référé.
En conséquence, la juge des référés a rejeté la demande des associations.
A.P-L.