Des rixes avaient éclaté dans l’enceinte du lycée de Tsararano jeudi dernier, impliquant l’intervention des équipes éducatives et de sécurité présentes sur place, ainsi que des forces de gendarmerie. Quatre jeunes avaient été interpellés, une enquête a été ouverte, menant à l’identification de 11 élèves.
Pour autant, et si la préfecture informait dès jeudi soir du retour au calme, une poignée d’enseignants décidait de faire remonter des dysfonctionnements, notamment en termes de communication, et refusent de retourner en cours tant que tout n’est pas solutionné. « La sécurisation de l’établissement n’est pas fonctionnelle. Seulement 7 caméras sur 20 sont opérationnelles, mais avec un problème général d’enregistrement, et de captation sur des angles morts », rapporte Clara Eynard, enseignante d’EPS au lycée et représentante du syndicat SNEP.
D’autres points sécuritaires sont avancés, « nous n’avons pas de système d’alarme qui permette d’informer l’ensemble de l’établissement lors d’une bagarre. Le micro du chef d’établissement ne fonctionne pas, les haut-parleurs non plus. Jeudi, certains enseignants ont entendu des cris, d’autres n’étaient pas informés. Nous demandons un ‘protocole affrontement’ ».
La syndicaliste déplore aussi que l’ensemble des personnels ne détiennent pas les clefs de l’ensemble des classes du lycée, « ce qui nous permettrait de nous y réfugier. Pourtant, une caution de 90 euros nous a été demandée, et a été prélevée. » Une meilleure connexion internet est également revendiquée. Enfonçant un peu plus sa casquette SNEP sur la tête, elle déplore également le manque de 16 enseignants au LPO, et que la massification jetant 600 élèves en même temps dans la cour, trouve une solution.
Droit de rentrée pas de retrait
Elle se dit vent debout contre le communiqué du préfet de ce lundi indiquant l’établissement ouvert, « on a repris comme si de rien n’était vendredi, alors que des vidéos de menaces entre élèves de l’établissement et également, contre le personnel, circulent ». Avec toujours en scène la guerre entre les Watoros et les Terroristes, qui regroupent chacun plusieurs villages qui s’affichent comme ennemis.
Alors que les jours de cours sont comptés chaque année, grandement perturbés par les actes de délinquances ou les mouvements sociaux, notamment l’année dernière par les journées de blocage de l’île, ce mardi, nul doute que du côté du rectorat on goute peu cet appel. « Nous avons multiplié les rencontres et assuré qu’un échéancier serait transmis dès que possible pour remettre au goût du jour le matériel qui en a besoin », nous indique Benjamin Lazard-Peillon, directeur de cabinet du recteur.
Une rencontre s’est tenue ce vendredi 13 septembre après-midi pour définir une sortie de crise, avec les réfections techniques inscrites dans un échéancier. « Je veux souligner que même en l’absence de matériel, les Plans Particuliers de Mise en Sûreté, protocoles appliqués en cas d’intrusion, mais également pour tout évènement, peuvent être appliqués en utilisant d’autres équipements comme des coups de sifflet ».
Pas de quoi en tout cas appeler à suspendre les cours chèrement acquis selon lui, surtout avec la qualification de « droit de retrait » qui donne souvent lieu à des abus, rappelle-t-il : « C’est un terme très encadré juridiquement, il n’y a là pas de danger grave et imminent, nous considérons donc que la trentaine d’enseignants qui ont lancé l’appel sont grévistes ». On sait que dans ce cas, les jours d’absence ne sont pas payés, contrairement au droit de retrait. Il appelle à reprendre les cours donc.
Conseil de discipline à deux niveaux pour les parents
En réaction aux violentes bagarres entre les deux bandes de jeudi, une cellule d’écoute pour grands et plus jeunes a été mise sur pied par le rectorat, « et des mesures conservatrices ont été prises pour les fauteurs de troubles ». Aux 4 jeunes immédiatement interpellés par la gendarmerie, se rajoutent 7 également identifiés comme participants aux faits, soit 11 au total. « Le chef d’établissement a pris des mesures conservatoires en attendant le conseil de discipline ».
A ce dernier, assistent également les parents des jeunes interpellés, outre les représentants des enseignants, de l’administration et des élèves. Le préfet François-Xavier Bieuville avait annoncé de possibles sanctions sur les familles des perturbateurs, avec possiblement une « dégradation » de leurs titres de séjour, s’appuyant sur la loi « immigration » du 26 janvier 2024.
Après une nouvelle réunion ce lundi férié de Mawlid, avec les parents d’élèves cette fois, décision était prise par le rectorat d’ouvrir l’établissement, chaque parent restant libre d’envoyer ou pas son enfant au lycée. « Sur un lycée de 2.400 élèves, 20 d’entre eux posent problème, c’est-à-dire 0,8%. Ce petit nombre ne peut pas empêcher la totalité des autres d’étudier », juge Benjamin Lazard-Peillon.
Si le représentant du rectorat reconnaît qu’il s’agit d’un « évènement traumatisant » pour les enfants et les parents, il souligne qu’il s’agit d’opposition entre bandes rivales, souvent importées et que l’Éducation ne doit pas capituler pour autant.
Anne Perzo-Lafond