Au premier semestre de l’année 2023, l’activité économique mahoraise avait d’abord connu un certain dynamisme, comme aux débuts des années 2021 et 2022. Cependant, la succession de « chocs négatifs » liés à l’opération Wuambushu, la crise sécuritaire et la crise de l’eau ont progressivement essoufflé l’activité économique de l’île dans tous ses secteurs.
La crise de l’eau, une plaie nécrosée
Malgré les nombreux projets d’investissement lancés sur le territoire, l’IEDOM rapporte que l’activité des principaux secteurs s’est contractée en fin d’année 2023. Si l’année a été globalement porteuse pour le secteur du BTP en raison d’un volume d’activités conséquent, la crise de l’eau a affecté l’activité du secteur, notamment de septembre à décembre 2023.
L’activité économique ensevelie pendant les barrages
Alors que le département était durement touché par la crise de l’eau, quelques semaines plus tard, la crise des barrages survenue au début de l’année 2024 n’a pas laissé de répit aux habitants et aux commerçants, en paralysant nettement l’économie de l’île. Plusieurs commerces ont été contraints de recourir au chômage partiel et de procéder à des licenciements économiques. Certains commerces ont vu leur fréquentation diminuer de plus de 70%.
Les ménages ont préféré des produits courants
En 2023, l’inflation a ralenti pour s’établir en dessous du niveau national. Ce contexte a affecté la confiance des ménages, qui ont limité leur consommation de produits courants et renforcé leur épargne. Tout au long de l’année 2023, la consommation des ménages s’est orientée vers les produits courants.
Des échanges extérieurs moins dynamiques
Alors que les importations de biens d’investissement et certains produits courants avaient fortement progressé en 2022 (représentant une hausse de 20,7 %), elles ont très peu augmenté en 2023 (+1,6%). Les autres types de biens importés ont reculé significativement. Aussi, les exportations de l’île ont augmenté de 13,5 %, contre +52,7 % au cours de l’année 2022.
Un marché du travail difficilement mesurable
Pour la première fois depuis 2020, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a baissé de 7,2 % par rapport à l’année 2022 en fin d’année 2023. Ce sont surtout les travailleurs de 25 à 49 ans qui enregistrent la baisse la plus significative (-10,4 %). Ces données peuvent traduire une amélioration du marché de l’emploi. Mais cette observation ne peut être que nuancée. En effet, en 2022, Mayotte comptait 77 200 actifs*, sur près de 315 000 habitants estimés par l’INSEE. À Mayotte, 24,5 % de la population de l’île aurait un emploi ou serait au chômage. Cependant, le marché du travail mahorais reste difficile à quantifier, puisqu’un grand nombre de travailleurs en situation irrégulière sont à la marge de ces données officielles.
Quelques sursauts économiques
Dans le secteur de la construction, les professionnels ont constaté une augmentation de leurs activités, avec un renforcement des carnets de commandes et des effectifs. Dans les services marchands, l’activité a été favorable au premier semestre, mais comme dans l’ensemble des secteurs, la deuxième moitié de l’année 2023 a été marquée par une contraction de l’activité. À l’inverse, la fréquentation de l’île était en hausse. Le trafic passager a progressé de 12 % sur l’ensemble de l’année 2023 et le secteur hôtelier a connu des sursauts économiques.
À propos de l’activité bancaire, en 2023, la collecte globale des établissements installés localement était en nette augmentation de +12,5 % contre +5 % en 2022. Ainsi, les actifs financiers détenus par les sociétés et les ménages s’élevaient à 936,4 millions d’euros. La collecte des ménages a enregistré une croissance de 14,5 % contre +9,5 % en 2022. Cette évolution a été permise par la forte progression des placements liquides. Aussi, la collecte des entreprises a également connu une augmentation de +9,5 % contre -1,1 % en 2022. Enfin, l’épargne à long terme a progressé de +11,5 % contre + 9,4 % en 2022, pour s’établir à 142,3 millions d’euros.
2024 : une année difficile
Si des perspectives favorables étaient attendues pour 2023, la réalité s’est inversée, notamment au second semestre. Les nombreuses crises ont impacté l’activité économique et le dynamisme des agents économiques, dégradant sensiblement la conjoncture. La crise des barrages cumulée à une crise sécuritaire et à une crise hydrique, ont asphyxié le secteur économique, confronté comme d’autres domaines à des handicaps structurels depuis plusieurs années : difficultés de recrutement, déficit de services aux entreprises, manque d’infrastructures, absence de foncier, etc.
Dans ce contexte, 2024 est une année particulièrement difficile. Les trésoreries, particulièrement fragilisées par des délais de paiement structurellement longs, pourraient être à nouveau impactées. Par ailleurs, le contexte a eu des répercussions négatives sur l’image du territoire, qui pourrait accentuer les difficultés de recrutement de personnels qualifiés et les départs de nombreux travailleurs. Reste à savoir si le département et ses acteurs pourront créer les conditions d’un développement économique favorable, pour soutenir les entreprises, accélérer la réalisation de projets structurants et développer significativement l’attractivité de l’île.
*Population active : comprend les personnes ayant un emploi (actifs occupés) et les chômeurs.
Mathilde Hangard