La CADEMA est-elle ou non au bord de la cessation de paiement ?

Après l’exclusion judiciaire de Rachadi Saindou de la présidence de la CADEMA, une nouvelle configuration pourrait voir le jour, intégrant des élus de Mamoudzou qui avaient été mis sur la touche. Les langues se délient pour évoquer des dépenses débridées de l’ancien président, qui conteste.

A la suite de la condamnation du président de la CADEMA (Communauté d’Agglomération Dembéni-Mamoudzou) à 4 ans d’inéligibilité, applicable immédiatement, ce fut le branle-bas de combat dans la maison. Une réunion d’urgence du conseil communautaire a été organisée ce mardi par le 1er vice-président Nassuf-Eddine Daroueche. Nous l’avons contacté pour savoir dans quel contexte il assurait l’intérim, et dans quelle mesure les projets en cours, dont le transport en commun Caribus, pouvait être menacés. C’est une situation chaotique qu’il nous révèle.

« J’ai voulu que les membres du conseil communautaire se retrouvent en urgence autour de trois points : prendre des nouvelles de Rachadi Saindou auprès de ses amis proches au conseil, faire de la pédagogie en matière de droit et expliquer que même s’il fait appel, il n’est plus président de la CADEMA, et enfin, expliquer que nous attendons la notification du préfet pour que j’assure l’intérim ». Un des élus de la CADEMA nous a contactés pour nous rapporter son impatience que tombe cette notification pour endiguer toute décision de la direction qui nuirait à l’intérêt de la structure.

Le chantier Caribus sécurisé par un budget annexe

Une fois notifié, Nassif-Eddine aura 2 mois pour convoquer l’élection du président et du bureau, « je précise que je ne suis pas candidat à la présidence », indique aussitôt celui qui est en charge de la planification communautaire et du projet de territoire à la CADEMA. Par contre, il a une opinion sur la composition du nouveau conseil : « Je proposerai une ouverture à la majorité municipale de Mamoudzou ». Jusqu’à leur confier la présidence ? « Pour ce poste, je verrai bien le maire de Dembéni, actuellement vice-président chargé du développement économique à la CADEMA, et proposer des vice-présidences à la commune de Mamoudzou ».

« Il faut sauver la CADEMA »

En tout cas, le futur président devra avoir un caractère bien trempé, avec des décisions compliquées à prendre, nous révèle Nassuf-Eddine Daroueche : « Il faut sauver la CADEMA, nous frôlons la cessation de paiement. Il faut faire des économies, et comme on ne peut décemment pas augmenter les impôts, il va falloir réduire considérablement les dépenses et prioriser les chantiers en cours. »

Un état des lieux qu’il juge catastrophique et qu’il impute à une mauvaise gestion qu’il compare à celle de son prédécesseur dont il est resté proche. « La masse salariale a explosé, l’ancien maire de Mamoudzou Mohamed Majani a laissé une communauté d’agglomération où travaillaient 36 salariés, quand ils sont désormais plus d’une centaine ». Et ces recrutements ne sont pas liés aux projets en cours, explique-t-il, « récemment, il n’y a eu que des embauches de catégories C ». Et donc des emplois fictifs apparement à en croire le jugement.

Mohamed Majani, le 1er président de la CADEMA

Lors de l’inauguration en grande pompe du Pôle d’échange multimodal de Passamainty, Rachadi Saindou nous avait indiqué avoir entamé la reprise de la coopérative de pêche, Copemay, à travers une convention de partenariat. Alors que nous l’interrogions sur sa capacité de financement, il nous rétorquait, « ce n’est pas une question de budget ». Ce n’est pas l’opinion de son 1er vice-président, « il y a eu des dépenses exorbitantes, notamment lors des inaugurations. »

Autant d’éléments qui ont induit une mésentente entre les deux hommes, Rachadi Saindou ayant également tout fait pour éloigner la municipalité de Mamoudzou de la CADEMA en préemptant la présidence lors des dernières élections municipales on s’en souvient, et son vice-président, étant resté proche de Majani.

« Beaucoup de monde ne veut pas me voir revenir »

Nous sommes parvenus à joindre Rachadi Saindou, absent du territoire. Selon lui, pas de difficultés financières, « pour moi tout va bien, jusqu’à preuve du contraire ». Il explique ne pas être surpris du jugement qu’il impute uniquement au parquet, « la justice à Mayotte reproduit l’époque de Nelson Mandela », faisant fi des juges qui livrent le délibéré, « c’était déjà écrit », tout en se comparant au grand leader sud-africain pour « son esprit combatif, son engagement inébranlable ». Il rapporte avoir déposé plainte au nom de la CADEMA sur des auteurs qu’il accuse de prise illégale d’intérêt, « mais ils sont proches de la macronie, comment seront-ils jugés ? »

Le tourisme, un des grands chantiers à mener

La question prioritaire que nous avons posée à Nassuf-Eddine Daroueche, est bien entendu la poursuite des grands chantiers. « Nous continuons à décliner le projet de territoire qui a été adopté en 2018 par le binôme Majani-Jouwaou (ex-maire de Dembéni, ndlr). Ils avaient sécurisé les grands chantiers comme Caribus à travers un budget annexe, donc sécurisé, ils vont donc continuer sur leur lancée. » Les autres grands projets portent sur la collecte des déchets, la gestion des eaux, l’Office de tourisme, etc.

Rappelons que Rachadi Saindou a décidé de faire appel de la décision du tribunal, avec le temps judiciaire qui n’est pas calqué sur celui des projets, et en attendant de savoir s’il pourrait un jour revenir présider la CADEMA, ce sera avec un conseil communautaire probablement enrichi d’élus de Mamoudzou, qui ne lui seront pas forcément favorables. « Beaucoup de monde ne veut pas me voir revenir à la CADEMA », nous rapporte le désormais ancien président qui a décidément beaucoup d’ennemis.

D’ici deux mois, on devrait en tout cas connaître la nouvelle configuration de l’équipe qui présidera à la destinée de la plus importante EPCI (Établissement Public de coopération Intercommunale) de Mayotte.

Anne Perzo-Lafond

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