À chaque fois c’est un peu la même chose, dès que des membres de deux bandes rivales se croisent par hasard au détour d’une rue ou d’un quartier, cela fini quasi systématiquement en bain de sang. Les faits qui sont jugés depuis hier au tribunal judiciaire de Mamoudzou ne dérogent malheureusement pas à cette règle. Ainsi le 18 janvier 2021, vers 20h20, les gendarmes de Petite-Terre sont appelés et quand ils arrivent sur les lieux de l’incident, ils découvrent un homme gisant au sol dans une marre de sang. Selon le directeur de l’enquête à l’époque, l’homme est bien connu de la justice pour plusieurs faits de délinquance, ainsi que dans une affaire criminelle.
« Quand nous sommes arrivés sur la zone, on a vu une dizaine de personnes autour de la victime, on croyait au début que c’était un accident de la route. La victime était encore consciente mais très gravement blessée avec plusieurs plaies sur tout le corps, notamment au thorax, raconte l’enquêteur. C’est Kiko qui m’a frappé ! Nous a dit la victime. Puis les pompiers sont arrivés et ils l’ont transférée directement au CHM car son pronostic vital était engagé ». En outre, l’individu gravement blessé sera évacué à La Réunion quelques jours plus tard pour y être opéré et soigné.
Un différend entre deux individus de bandes rivales
Comme le raconte le directeur de l’enquête, « À cette époque il y avait un climat très tendu en Petite-Terre avec des rixes, souvent violentes, entre bandes rivales, notamment celle de Gotam et celle de La Vigie. Gotam avait développé son organisation… Elle employait beaucoup de monde et montait en puissance. Elle avait réussi à rallier à elle d’autres bandes de Petite-Terre, exceptée celle de La Vigie qui refusait de la rejoindre ». Ce que l’on apprend au fur et mesure de l’audience c’est que la victime qui appartenait à la bande de Gotam était venue dans le quartier de La Vigie pour acheter des cigarettes… Et ce qui devait se passer arriva, il croisa un membre de La Vigie avec qui il avait eu un différend quelques années plus tôt.
Voulant régler ses comptes, « Kiko » propose un combat à main nue mais son adversaire refuse, arguant qu’il venait de sortir de prison et qu’il était sous contrôle judiciaire. Finalement une bagarre éclate et le dénommé « Kiko », membre de La Vigie, se prend un coup de tête, un balayage et des coups de pied. Ne voulant pas en rester là, ce dernier décide d’aller chercher un couteau qui se trouvait non loin de là et revient avec un ami. Les deux individus avaient picolé et fumé du cannabis une bonne partie de la journée, altérant sans nul doute leurs capacités de jugement et de discernement… « Kiko » aurait ainsi asséné entre 7 et 11 coups de couteau à sa victime avant que son ami ne lui dise d’arrêter, sauf que le mal était fait.
Interrogé par visioconférence depuis la prison de Troyes où la victime est incarcérée pour d’autres faits (ndlr: il devrait sortir d’ici une dizaine d’années…), cette dernière porte encore les séquelles de cette agression puisqu’elle peine encore à lever son bras droit et sa main n’est plus tout à fait fonctionnelle. Avant son arrestation, le prévenu qui comparait devant la cour d’assises pour tentative de meurtre n’avait pas de mention particulière à son casier judiciaire. Les expertises psychiatriques menées par la suite pour les besoins de l’enquête ont montré qu’il n’avait pas « d’anomalie psychique, son quotient intellectuel est dans la moyenne et que son niveau de dangerosité semble faible », ont conclu les experts. Appelé à la barre par la présidente du tribunal, Chantal Combeau, l’accusé a reconnu qu’il était bien l’auteur des coups de couteau mais qu’il ne voulait pas tuer la victime, « juste viser les mains ». Sans doute son état second, dû à une forte consommation d’alcool et aux substances absorbées durant la journée, aura altéré ses capacités et dévié le couteau de sa trajectoire…
En représailles de cette agression, des membres de Gotam ont fait une descente dans le quartier de La Vigie quelques heures après, violentant, pillant et agressant de nombreuses familles innocentes. S’en est suivi plusieurs jours d’émeutes et de déchainements de violences où Petite-Terre était à feu et à sang et avec un triste bilan puisque 3 personnes ont été tuées suite à ces expéditions punitives.
La cour d’assises devrait rendre son délibéré aujourd’hui scellant ainsi le sort du prévenu sans doute pour de nombreuses années.
B.J.