Mahamoud Azihary déclare la guerre à la Cadema et, par truchement, à l’Etat ! Après avoir déposé un recours au tribunal administratif vendredi 19 avril dernier, il a convoqué la presse, mais également l’ensemble des patrons des PME de transports locaux, ainsi que les syndicats, afin de se livrer à une grande démonstration de près de 2h. Objectif : démontrer que le marché public du Caribus a été illégalement attribué à la société Optimom qu’il soupçonne en réalité d’être une société-sœur de Matis. « Une fois le marché attribué, nous aurions dû légalement avoir accès aux documents justifiant ce choix. Or la Cadema refuse obstinément de nous les donner, d’où ce recours au tribunal administratif », explique-t-il.
« Dès la publication du marché, nous avons pu constater que les documents étaient très mal faits. C’étaient des « brouillons » bourrés de fautes et imprécis. Mais bon, tous les concurrents étaient logés à la même enseigne, donc nous n’avons rien dit. Mais ensuite, la Cadema a refusé pendant longtemps de nous dire à qui avait été attribué le marché, qui était l’AMO (l’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) et de nous fournir le moindre document justifiant son choix », déclare Mahamoud Azihary qui a également pointé du doigt le fait que deux membres de la Commission d’Appel D’Offre (CAO) aient été « éjectés » alors que « selon la loi il n’est pas légal de changer les membres d’une commission déjà installée en cours de mandat ». Par ailleurs, le président du GIE Ouvoimoja indique que les notes maximales sur divers points techniques ont été attribuées à la société Optimom dont une note maximale en termes de « développement durable », ce qui est selon lui « totalement ubuesque ». Le GIE Ouvoimoja proposait en outre ses services à moindre prix qu’Optimom, ce qui fait dire à son président que « les notes techniques d’Optimom ont été gonflées artificiellement de manière à ce que, après balance des différents éléments, le marché lui soit attribué ».
L’Etat pointé du doigt
Pour Mahamoud Azihary, cette « magouille » n’a pu être orchestrée qu’avec la complicité de l’Etat, représenté à l’époque par le préfet Jean-François Colombet. « Lorsque la constitution de la CAO a été modifiée illégalement, le préfet aurait dû la retoquer puisque l’Etat a un rôle de contrôle sur les agissements des collectivités. Or il ne l’a pas fait, pourquoi ? », s’interroge-t-il. Interrogation toutefois rhétorique puisque le président du GIE Ouvoimoja fournit la réponse : il soupçonne « étonnamment » l’Etat français de « magouiller » pour couler les entreprises locales au profits de grands groupes dont Matis est l’un des représentants sur l’île. « Il y aura toujours un plafond de verre pour les entrepreneurs mahorais et c’est ce sur quoi je me bats depuis des années ! », s’exclame-t-il. Au début de la conférence de presse, il est en effet revenu en détail sur cette « stratégie de l’Etat ». Il a affirmé que ce dernier avait usé des mêmes « stratagèmes douteux » en 2018 lors de l’attribution du marché public des transports scolaires. Si ce dernier est divisé entre plusieurs sociétés dont des PME mahoraises, il n’en reste pas moins que Matis conserve la plus grosse part de marché.
Il est à noter que le président du GIE Ouvoimoja entraîne les Forces Vives dans sa « croisade contre le plafond de verre imposé aux entrepreneurs mahorais ». En effet, plusieurs membres influents, ayant émergés suite à la division du mouvement à l’issue de la réunion du marché couvert de Tsararano, étaient présents à cette conférence de presse. Saïd Kambi était là, tout comme Yasmina Aouny, la nouvelle porte-parole des forces vives après que Badirou Abdou a été évincé, accusé par certains de « se laisser encore arnaquer par l’Etat ». L’ancienne maire de Sada Anchya Bamana était également présente ainsi que le syndicaliste Ousseni Balahachi, bien connu pour ses prises de positions sévères envers l’Etat. Beaucoup de transporteurs mahorais avaient également répondu présents, ce qui est logique.
« Mahamoud Azihary est un indépendantiste qui ne connaît pas la loi française »
Joint par téléphone, le président de la Cadema, Rachadi Saindou, déclare : « Nous ne faisons aucune rétention d’information, mais monsieur Azihary est un indépendantiste qui ignore les subtilités de la loi française. Il nous a demandé les documents en personnes et non par le biais d’un avocat. Nous n’étions pas tenus de les lui fournir. Nous avons fourni en revanche au tribunal administratif tous les documents qu’il nous a demandé. Nous verrons ce qu’en dira la justice française le 3 mai 2024 quand ce recours sera jugé. Nous n’avons rien à cacher ».
Il estime par ailleurs que ce recours n’a été déposé que pour « masquer son dépit de ne pas avoir obtenu le marché public du Caribus, perdant ainsi de l’argent ». « En réalité, monsieur Azihary ne se bat absolument pas pour les intérêt de Mayotte comme il le prétend, mais pour ses propres intérêts ! », estime le président de la Cadema.
Nora Godeau