L’opération a été tenue secrète jusqu’au dernier moment, ce n’est que 30 minutes avant son déclenchement que nous avons été prévenus. Rendez-vous nous était donné par un repère GPS envoyé par texto, sur un parking situé un peu au sud de Kahani où plusieurs dizaines de gendarmes étaient en train de peaufiner les derniers détails de l’opération qu’ils allaient mener dans des banga à Kahani, près de la future caserne des pompiers en construction. Le lieutenant-colonel R. a chapeauté l’opération appuyé par plusieurs officiers dont le capitaine Jean, commandant de l’escadron « Guépard », arrivé il y a environ un mois sur notre territoire.
Une opération pour rassurer la population mais pas que
Comme l’explique le lieutenant-colonel R., « Le but de cette opération est de montrer que la gendarmerie peut aller partout sur le territoire de Mayotte quand elle le veut. On montre ainsi notre force. Ce n’est pas une opération de police, nous n’avons pas d’objectifs précis et chiffrés. C’est aussi l’occasion de rassurer la population, qui est en proie à l’insécurité, d’échanger et de discuter avec les habitants de ces quartiers ». Ce type de manœuvre permet de procéder à des contrôles, notamment les ESI (étrangers en situation irrégulière), mais également comme l’indique le lieutenant-colonel de faire un point sur l’habitat insalubre, « Cela nous permet de voir la configuration du site…, notamment pour de potentiels futurs décasages dans le cadre de la loi ELAN. Nous voyons ainsi les lieux et sommes attentifs aux réactions de la population, si elle est hostile ou non ».
Ce samedi tout s’est bien passé, il y a eu certes quelques caillassages au début de l’intervention, mais les auteurs ont été rapidement neutralisés par les gendarmes. Il faut dire que 150 hommes et femmes qui arrivent comme ça, d’un seul coup, ça ne passe pas inaperçu et il semble illusoire de penser pouvoir leur échapper. Aussi, bien que ce ne fut qu’une opération de prévention pour rassurer la population « et non de répression », insiste le chef des opérations, différentes interpellations ont eu lieu. « Plusieurs ESI ont été arrêtés, dont un qui était recherché par la justice, un consommateur de stupéfiant a également été appréhendé, ainsi que des caillasseurs. »
En outre, un scooter volé a été récupéré. Ce sont environ 200 personnes que nous avons contrôlées ainsi qu’une dizaine de véhicules. Même s’il n’y avait pas d’objectifs chiffrés, le but premier était de montrer que les gendarmes sont là, présents pour la population », précise le lieutenant-colonel R.
En ce qui concerne l’annonce de l’opération Wuambushu 2, qui doit avoir lieu cette semaine, plusieurs noms circulent comme « Mayotte XXL », « Mayotte place nette », ou encore « Mayotte place nette XXL » (ndlr : en référence à la grande opération anti-drogue menée dans tout l’Hexagone depuis maintenant plusieurs semaines). « Nous ne connaissons pas encore le nom de cette nouvelle opération, assure le lieutenant-colonel R. Nous attendons simplement le top départ qui sera donné cette semaine par la ministre déléguée aux Outre-mer ou par le ministre de l’Intérieur ».
L’escadron « Guépard » à la manœuvre
Arrivé dans l’île il y a seulement quelques semaines, l’escadron dit « Guépard » est le 6e escadron présent dans le 101e département. « C’est un escadron en alerte guépard, précise le capitaine Jean, commandant l’escadron. C’est-à-dire que c’est un escadron dont les membres sont sortis des forces mobiles pour être à la disposition du directeur général de la gendarmerie nationale à tout moment. Nous pouvons ainsi être projetés pour des missions ponctuelles partout dans le monde. Nous avons un temps imparti pour nous rendre opérationnels à savoir 2h en ce qui concerne l’Hexagone et jusqu’à 48h pour le reste du monde ». L’escadron « Guépard » de Mayotte, composé de 72 hommes et femmes, est pérenne sur notre territoire puisqu’il sera alimenté en permanence par des gendarmes.
La particularité de cet escadron est que ses membres sont « plus mobiles et plus souples sur le terrain, raconte le capitaine Jean. Nous avons suivi une formation plus poussée…On va creuser plus loin dans les interventions, notamment pour les interpellations où l’on manœuvre pour prendre l’adversaire à revers ». C’est justement ce qu’il s’est passé dans le dispositif mis en place par le lieutenant-colonel R. où une partie des membres de l’escadron s’est infiltrée dans le quartier informel, plusieurs minutes avant l’arrivée du gros des troupes, afin d’empêcher toute fuite et donner des renseignements précieux sur la configuration des lieux, le tout en appui des drones. « L’escadron avait plusieurs missions durant cette opération, d’une part infiltrer le camp en amont, un peloton avait aussi pour objectif un bouclage de la zone, et enfin un dernier groupe était chargé de contrôler les gens mais aussi discuter et échanger avec eux pour les rassurer ».
Ce genre d’opération, qui s’est déroulée ce week-end dans le calme et sans violences, devrait se reproduire assez régulièrement sur l’ensemble du territoire…
B.J.