Existant depuis seulement 2 ans sur le territoire, le conseil des Prud’hommes est venu remplacer le tribunal du travail en 2022. Composé de juges non professionnels, le conseil des prud’hommes, chargé de régler les litiges individuels entre employeurs et salariés survenant dans le cadre de contrats de travail, « fait intégralement partie de la communauté judiciaire, comme l’a rappelé le procureur Yann Le Bris. Le collège salariés compte 14 conseillers et le collège employeurs, 12. C’est Gaëlle Biguet du collège employeur qui a été élue présidente cette année, en remplacement de Mounira Madi. Gaëlle Biguet était déjà vice-présidente du conseil en 2023. C’est Ambaria Madi qui devient vice-présidente cette année.
« C’est de votre bonne entente que dépendra le climat social de la juridiction », a déclaré Yann Le Bris qui a révélé qu’en 2023, sur les 183 nouvelles affaires que le conseil avait eu à juger, 158 était arrivées à leur terme et qu’il n’y avait eu que 6 affaires jugées en appel. « Cela démontre votre capacité à dépasser votre origine de salarié ou d’employeur pour prendre des décisions justes et motivée », a-t-il continué. En outre, aucun départage n’a eu lieu en 2023, ce qui témoigne également pour lui de « la qualité de l’activité du conseil ». Dans son discours, Gaëlle Biguet a affirmé avoir conscience du « travail colossal qui attend le conseil des Prud’hommes en ce premier semestre 2024 en raison du retard pris lors du mouvement social ».
La lutte contre les violences conjugales et sexuelles : la priorité du parquet pour 2024
C’est également en évoquant les derniers blocages sur l’île que sa présidente Catherine Vannier a ouvert l’audience de rentrée du tribunal judiciaire : « Souhaitons que la suite de cette année 2024 soit calme, sans crise et que nous conservions la liberté d’aller et de venir ». Après avoir souhaité la bienvenue à ses nouveaux collègues arrivés récemment sur le territoire et souhaité une bonne continuation à ces collègues partants, le procureur Yann Le Bris s’est félicité de l’arrivée au mois d’avril prochain de plusieurs greffiers dans le cadre du dispositif des « brigades ». Ce dispositif leur permet de venir à Mayotte pour une durée de 3 mois afin de constater la réalité du terrain avant de s’y installer de manière fixe en toute connaissance de cause et sans mauvaise surprise. Cela a été notamment le cas de l’actuel greffier principal du tribunal judiciaire de Mamoudzou.
Yann Le Bris a ensuite a ensuite dressé un bilan de l’activité judiciaire en 2023 en se dressant vivement contre les accusations de laxisme dont la justice à Mayotte est régulièrement la cible, tout en reconnaissant qu’il ignorait si « la justice pourra apporter un jour une réponse réellement satisfaisante à la délinquance endémique qui sévit sur l’île ». Il a ensuite annoncé qu’il ferait cette année des violences conjugales et sexuelles sa priorité. « Mayotte est très en retard dans la dénonciation de ces faits. La justice sera extrêmement sévère à cet égard avec un déferrement au parquet systématique », a-t-il déclaré en annonçant la même sévérité pour les violences sexuelles faites par des mineurs ou sur des mineurs dont les signalements ne cessent d’augmenter d’année en année. Le procureur de la République en a profité pour saluer le travail du Dr La Halle, unique médecin légiste de l’île, alors que le budget alloué permettrait d’engager 4 médecins légistes supplémentaires.
Yann Le Bris annonce davantage de communication de la part de la justice
La lutte contre la consommation et surtout le trafic de stupéfiants comme le cannabis ou la drogue de synthèse communément appelée « la chimique » fera aussi partie des grands combats du procureur. « Depuis quelques mois, ce marché se développe à Mayotte. La drogue arrive par kwassa, containers, par avion via des mules (ce qui est un phénomène nouveau sur le territoire), mais aussi par voie postale. Nous ferons très attention à ce que les bandes présentes à Mayotte ne tombent pas dans ce marché, car elles n’ont pas besoin d’un nouveau prétexte pour commettre des crimes ou des délits », a-t-il martelé. Enfin, il a annoncé que la question du traitement de la délinquance des mineurs serait « complètement remise à plat »
Revenant sur le dénigrement systématique de la justice à Mayotte, un fait qu’il juge « inadmissible », il pense que cela est principalement dû à une méconnaissance et une incompréhension du fonctionnement judiciaire par la population. « La contestation de la justice est possible, mais quand cela devient systématique, c’est qu’il y a une véritable incompréhension. Nous devons donc nous ouvrir et communiquer davantage auprès de la population. Actuellement, il y a trop peu de relais entre la justice et le justiciable, ce qui, à mon sens, fait partie du problème. Nous devons davantage faire connaître nos actions et ne pas nous limiter à la communication institutionnelle du parquet », a-t-il déclaré.
Nora Godeau