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Le secteur de l’hôtellerie-restauration « sinistré » selon Charles-Henri Mandallaz

La semaine dernière, dans un communiqué intersyndical, tous les responsables des organisations patronales avaient alerté l’opinion publique sur les ravages des barrages sur l’économie mahoraise. Charles-Henri Mandallaz, président de l’Union des Métiers et de l’Industrie Hôtelière, fait le point avec nous sur l’état de ce secteur et appelle encore une fois à lever tous les barrages.

Les barrages ont affecté l’ensemble de l’économie mahoraise, mais qu’en est-il en particulier du secteur hôtellerie-restauration ?

Charles-Henri Mandallaz : Autant vous le dire clairement : le secteur est sinistré ! Pendant la durée du mouvement, les hôtels ont dû essuyer des annulations en cascade de personnes qui devaient venir effectuer des missions à Mayotte, mais qui y ont renoncé. Cela avait déjà été le cas lors de la crise de l’eau car tous les établissements de l’île n’avaient pas les moyens de s’équiper en citernes. Ces deux crises successives ont mis le secteur à genoux, nous avons évalué une chute du chiffre d’affaires de 70% en moyenne. Sans compter que le ramadan approche à grands pas et que, même en temps normal, la déperdition est de 30% pendant cette période. Je vous laisse donc calculer l’ampleur d problème d’autant plus que les réservations annulées n’ont été reportées que fin mars ou fin avril. Avec les 4 crises successives (2018, 2020, 2022 et 2024) beaucoup d’entreprises n’ont plus de trésorerie, impossible donc pour eux de payer les salaires du mois de février. On nous a certes proposé le système du chômage partiel, mais l’entreprise doit avancer les fonds avant d’être remboursée et, sans trésorerie, ça reste très compliqué ! Certains hôtels s’en sortent en logeant les membres des forces de l’ordre, mais pour les autres c’est la galère !

Médef, Mayotte, restaurants
Les difficultés d’approvisionnement pendant les barrages rendent difficile l’élaboration d’une carte pour les restaurants

Certains hôtels ou restaurants ont-ils déjà déposé le bilan à cause de cette dernière crise ?

Charles-Henri Mandallaz : Certains ont déjà fermé, d’autres envisagent de vendre. Ce qui est sûr, c’est que les gens sont en très grande difficulté car dans le secteur privé il n’y a pas d’argent magique ! Si les gens ne travaillent pas, ils ne sont pas payés. Les entreprises n’ont pas pu se relever de la crise Covid de 2020 puisque la crise de l’eau est arrivée peu après. Et maintenant ces barrages… Nous, représentants des organisations patronales, appelons donc à les lever de toute urgence pour sauver le peu d’économie qu’il reste à sauver sur le territoire !

Justement, selon vous, est-il encore possible de sauver le secteur de l’hôtellerie-restauration sur le territoire ?

Charles-Henri Mandallaz : Si les barrages sont immédiatement levés, je pense que oui même si cela va être difficile. J’ai constaté une grande lassitude morale et un profond abattement chez les chefs d’entreprise du fait de ces 4 ans de crise. Ils ont l’impression qu’ils ne s’en sortiront jamais. Pourtant, sur le fond, on est tous d’accord avec les revendications des barragistes. L’insécurité est un fléau pour nous aussi. On est pillés en permanence, nos salariés se font agresser en rentrant du travail. Cette situation doit cesser car c’est intenable ! Mais nous ne sommes pas d’accord avec la forme que prend le mouvement. Ces barrages ne font que ramener des problèmes supplémentaires sur les problèmes déjà existants. Il y a eu, le 11 février dernier, des engagements forts de la part de l’Etat. Il est temps désormais de se faire confiance sur le travail engagé tout en restant vigilant sur la suite. Ces engagements nécessitent désormais un travail législatif, ce qui ne se fait pas en un claquement de doigts ! Il est temps de revenir à la raison !

Selon C.H Mandallaz, le chômage partiel n’est une solution satisfaisante ni pour les employés, ni pour les chefs d’entreprise

La CCI a mis dernièrement en place une « cellule d’urgence » pour faire face à la crise. Beaucoup de chefs d’entreprise y ont-ils déjà fait appel ?

Charles-Henri Mandallaz : La CCI est un peu la « tête de gondole » de l’activité économique de l’île. Elle a une vision large et des moyens matériels et humains conséquents. Elle est donc capable d’apporter une aide psychologique et logistique aux entreprises en difficulté notamment en leur proposant un audit pour déterminer l’état et la nature de leurs difficultés. Mais il est vrai que demander de l’aide n’est pas forcément un réflexe chez les chefs d’entreprises surtout parmi les patrons de TPE/PME. Ceux-ci sont souvent multi-casquettes au sein de leur entreprise car ils ont peu d’employés. Quand ils sont en difficultés, ils ont tendance à être le plus actifs possible pour compenser, ce qui leur laisse peu de temps pour solliciter l’aide d’un tiers. J’ai également constaté qu’en cas de grande difficulté, ces personnes avaient tendance à se replier sur elles-mêmes et à devenir morose, un état peu propice à la réflexion. J’appelle donc les chefs d’entreprise à ne surtout pas hésiter à solliciter l’aide de cette cellule ! Il ne faut pas qu’ils attendent car les difficultés risquent d’empirer au fil du temps ! Ils ne trouveront pas la solution en restant seuls !

Quels sont les difficultés spécifiques auxquelles sont confrontés les chefs d’entreprise des hôtels et restaurants en ce temps de crise ?  

Les difficultés d’approvisionnement de la grande distribution se répercutent sur le secteur de la restauration

Charles-Henri Mandallaz : Comme les particuliers, nous faisons nos courses pour nos restaurants dans les grands magasins donc si ces derniers ne sont pas approvisionnés, nous non plus ! Ce qui nous limite beaucoup pour faire une carte. Les livraisons, par exemple de poisson, sont interrompues aussi et, bien évidemment, nos clients sont empêchés de rejoindre nos établissements. Par ailleurs, dans notre secteur, la déperdition sèche est irrattrapable.  Si vous n’avez pas pu aller au restaurant un soir, vous n’allez pas manger deux repas d’affilée le lendemain soir pour compenser. Donc ce qui est perdu est perdu, on ne peut pas se dire « on se rattrapera la semaine prochaine » ! Pour les hôtels, comme je vous l’ai dit plus haut, nous avons eu à subir un grand nombre d’annulations. Les gérants d’entreprises ne sont en outre couverts par rien. Aucune prise en charge n’est prévue pour eux en cas de difficultés. Nous avons alerté l’Etat de la situation des entreprises à Mayotte avec des arguments et des bilans chiffrés, mais nous attendons toujours sa réponse. Nous lui avons proposé de mettre en place un système d’aides similaire à celui qui avait été mis en place pendant la crise covid, ce qui devrait donc être facile puisque l’Etat connaît déjà le canevas.

Après la crise faut-il s’attendre à une hausse des prix des restaurants ?  

Charles-Henri Mandallaz : Après chaque crise, il y a une hausse des prix en magasin, répercutée dans les restaurants. C’est une longue chaîne de répercussions tarifaires. Mais notre but en tant que restaurateurs est que les gens continuent de venir au restaurant, or si c’est trop cher ils ne viendront plus. Nous sommes donc obligés de faire des « calculs de courtes-pattes » à chaque fois, mais jusqu’à quand pourrons-nous le faire ? Nous avons déjà dû accepter une baisse de marge pour compenser la dernière inflation. Quand les gens n’ont plus les moyens, nos arguments économiques en tant que chefs d’entreprise ne sont plus entendables.

Nora Godeau

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