L’ouverture partielle à la circulation sur une voie ce week-end, ainsi que la levée du barrage de Tsararano, avait redonné un goût de liberté aux habitants de l’île. Ce lundi, les automobilistes étaient plus nombreux dans le Nord, mais furent fort dépourvus quand les barricades furent revenues. Des embouteillages monstres, et des camions porte-container de nouveau à l’arrêt.
Les entreprises, notamment la grande distribution, ont pu sortir quelques containers ce week-end, mais pour remplir les rayons des supermarchés et des doukas, on est encore loin du compte. Elles tiennent sur leurs réserves. Ayant appris qu’il y aurait plus de 8.000 containers en attente, nous avons contacté Thierry Verneuil, Commandant des ports de Mayotte, pour savoir notamment si le point de congestion est atteint, ce qui impliquerait de ne plus pouvoir accueillir de navires.
« Tout d’abord, je voudrais signaler que jusqu’à présent, tous les navires touchant le port ont été servis, et je veux souligner les efforts de la communauté portuaire ». Beaucoup doivent en effet passer le barrage de Vallée 3 à pied, et trouver un moyen de locomotion derrière. Certains dorment au port. « Sinon, je confirme que le port est archi-saturé de containers. Pour en stocker d’autres, nous poussons les murs en utilisant notamment le quai N°1 qui n’est pas opérationnel ».
A la fois rare et cher
Nous avons longuement évoqué l’historique de ce quai, qui n’a pas été réparé à temps, le préfet Seymour Morsy ayant jugé qu’il pouvait fonctionner « en mode dégradé ». Dégradé, il l’est désormais tout à fait, et si l’entreprise Colas retenue pour le marché avait jugé un temps qu’il était réparable, des avenants constatant un état de délabrement avancé, étaient brandis, faisant monter l’ardoise et contraignant l’arrêt des chantiers. Une sorte de remake de l’épisode du stade de Cavani.
Le port de Longoni est donc privé d’un de ses deux quais, imposant aux navires de patienter en mouillant à l’extérieur. Son aire de stockage va donc être mise à profit. Et quand elle sera remplie ? « Nous aviserons. Heureusement que des containers sont récupérés en transbordement vers d’autres destinations. C’est le cas du CMA CGM Cebu, qui va nous prendre 330 containers, ainsi que de l’UAFL Express. Les jours suivants, le trafic marque un creux, donc nous allons pouvoir faire travailler le cimentier qui attend depuis 10 jours au mouillage. Mais nous voulions privilégier les denrées alimentaires en vue du Ramadan. »
Mais la prise en otage des containers sur le port n’est pas gratuite. En effet, tout retard de sortie des marchandises est facturable.
Les surestaries (indemnités payées par l’affréteur au propriétaire du navire), et les frais de détention payés par l’utilisateur du containeur à MCG, s’appliquent au-delà d’une certaine période de franchise autorisée. Le surenchérissement de ces frais va se répercuter à chaque maillon de la chaine, jusqu’au consommateur.
Double peine donc pour lui, les marchandises ne vont pas intégrer les rayons dès que les blocages seront levés, et ses prix risquent de flamber. Il se pourrait que le début du Ramadan rime avec approvisionnement défaillant.
Anne Perzo-Lafond